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Contrats Pfizer: Libé épingle l’opacité de la dirigeante de l’UE

Par European Parliament from EU — Ursula von der Leyen presents her vision to MEPs, CC BY 2.0,
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A la suite des révélations le 13 janvier de Politico (magazine germano-américain destiné aux élites politiques et économiques), le quotidien Libération a publié le lendemain une vaste enquête sur l’opacité des contrats d’achat de l’UE de vaccins Pfizer contre le Covid. Ce journal confirme la position chancelante la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, convoquée par la Commission Covid du Parlement européen.

Le vent tourne-t-il dans les médias ?

Le vent semble tourner dans les médias de plusieurs pays occidentaux, jusqu’ici très en phase avec le récit officiel sur l’épidémie, les restrictions des libertés et la vaccination au pas de charge. Ainsi, comme l’annonce Covidhub, plusieurs journaux suisses donnent la parole à des victimes des vaccins, et s’intéressent aux fuites du ministère de la santé qui ont alimenté des médias influents sur les mesures Covid.

«Libé» s’employait jusqu’ici à contrer vigoureusement (par des Fact-checking unilatéraux) les faits et opinions avancés par les opposants à la politique et à la vaccination Covid orchestrées par les pays occidentaux. Cette fois, le quotidien français détaille toute la série des questions dérangeantes sur la signature du contrat d’achat des vaccins de Pfizer pour des dizaines de milliards d’euros, avec un nombre de doses dépassant de dix fois la population de l’UE (voir ci-dessous).

Les questions dérangeantes évoquées en détail

Le manque de transparence et d’informations de base sur les vaccins, leur contenu et leur prix.

Les échanges de SMS entre von der Leyen et Bourla, le PDG de Pfizer, juste avant la signature, effacés par la dirigeante européenne. Covidhub avait déjà évoqué dans un article en décembre dernier l’étrange proximité entre ces deux acteurs clés.

– Le troisième contrat, contient une condition rajoutée par Pfizer, imposant une obligation pour les Etats membres d’acheter des vaccins jusqu’à fin 2023.

L’augmentation discrète des prix par Pfizer après le lancement des campagnes de vaccination

La mise à l’écart d’instances compétentes de l’UE lors des négociations d’achat

Les pages des contrats caviardées concernant la non responsabilité des fabricants en cas d’effets secondaires

Par ailleurs, comme l’a relaté Covidhub dans un article en décembre 2022, le mari d’Ursula von der Leyen, Heiko, est lui aussi dans la tourmente par rapport à une éventuelle captation de fonds de l’Union européenne vers des entreprises américaines qu’il dirige.

Voir aussi:

 

L’enquête de Libération

Covid-19 : les eurodéputés haussent le ton pour obtenir la transparence sur les contrats entre Pfizer et la Commission européenne

La commission dédiée à la pandémie au sein du Parlement européen a convoqué Ursula von der Leyen et met la pression pour que la lumière soit faite sur ces contrats, dont les clauses comme les modalités de négociation demeurent toujours, pour partie, opaques.

par Elsa de La Roche Saint-André publié le 14 janvier 2023

Le symbole est lourd, et il dit bien l’exaspération montante devant les zones d’ombre qui persistent à propos des contrats entre la Commission européenne et Pfizer pour fournir le vaccin anti-Covid aux Etats membres. Les députés européens à la tête de la «Covi», la commission spéciale sur la pandémie de Covid-19 ont décidé de demander à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, de venir comparaître publiquement devant eux, a révélé Politico vendredi. Les parlementaires veulent l’interroger sur son rôle dans la négociation du troisième contrat signé avec Pfizer pendant la pandémie, en mai 2021, le giga-contrat à 35 milliards d’euros qui va dominer le portefeuille de vaccins de l’UE jusqu’à la fin de 2023. «L’Union européenne a dépensé beaucoup de ressources publiques dans la production et l’achat de vaccins pendant la pandémie», explique la présidente de la « Covi », la députée belge Kathleen Van Brempt, justifiant en retour le droit du Parlement à «obtenir une transparence totale sur les modalités de ces dépenses et les négociations préliminaires qui y conduisent.»

Les parlementaires n’ont pas que la présidente de la Commission dans le viseur, ils ont aussi annoncé leur intention de révoquer les privilèges d’accès de Pfizer au Parlement européen. Les représentants du laboratoire pharmaceutique américain et son PDG, Albert Bourla, pourraient bientôt se voir refuser l’accès au Parlement européen, comme ce fut le cas pour l’entreprise Monsanto en 2017. Cette décision, qui doit encore être validée par les processus internes à l’institution, se veut une mesure de représailles au lapin qu’Albert Bourla avait posé à la Covi. Cette dernière, formée d’une présidente, quatre vices-présidents et 33 membres, demande depuis cet automne à croiser le patron du laboratoire, entre autres pour évoquer «la transparence des contrats». «Depuis l’audience d’octobre, nous n’avons pas d’autres informations à partager avec la commission, nous déclinons donc respectueusement l’invitation à revenir sur ces questions», écrivait le PDG de Pfizer, pour décliner une seconde invitation début décembre, lui qui n’avait déjà pas honoré la première, en octobre. «L’échec de la Commission et de Pfizer à remédier au manque de transparence montre un mépris du rôle du Parlement européen et jette une ombre inutile sur le succès de la stratégie vaccinale européenne», a réagi sur twitter Kathleen Van Brempt, ajoutant : «Notre commission continuera de soulever cette préoccupation et prendra les mesures nécessaires pour assurer une transparence totale au public.»

La colère des eurodéputés de Covi n’est pas isolée. Le 9 décembre, lors d’une réunion, plusieurs hauts responsables de la santé avaient appelé à ce que davantage de lumière soit faite sur la teneur des contrats. «Qu’a-t-il été promis ? Nous aimerions vraiment le savoir», a ainsi déclaré le représentant permanent adjoint de la Belgique au sein de l’UE, Pierre Cartuyvels. Des interrogations sur les clauses des contrats qui ont notamment pour toile de fond l’inquiétude croissante de certains Etats membres à propos d’un surplus de doses, qui pourrait leur coûter cher. Le ministre irlandais de la Santé, Stephen Donnelly, a lui aussi mis en garde sur le fait que le manque de transparence était du «carburant» pour la désinformation. De fait, l’opacité est un formidable levier pour les thèses antivax, qui n’ont pourtant pas besoin de ça pour prospérer depuis deux ans.

«Il nous manque tout»

Au début de la pandémie de Covid, en 2020, les labos se lancent dans une course contre la montre pour produire un vaccin. L’urgence va dicter des conditions hors norme dans la signature des contrats, dans un climat de concurrence féroce entre Etats pour se procurer les précieux flacons. La Commission européenne signe un accord avec les 27 Etats membres, l’autorisant à conclure en leur nom des contrats d’achat anticipé avec des fabricants de vaccins contre le Covid-19. L’objectif : «Mieux se couvrir, de partager les risques et de regrouper les investissements afin d’en accroître la portée et la rapidité et de réaliser des économies d’échelle.» Une approche centralisée inédite, dans laquelle les Etats ne sont pas absents (ils comptent des représentants dans les groupes de négociations), mais qui n’offrait pas forcément les garanties rêvées en matière d’expertise, comme l’a souligné la Cour des comptes européenne dans un rapport publié à l’automne 2022.

Entre août 2020 et novembre 2021, la Commission signe onze contrats avec huit fabricants de vaccins, garantissant jusqu’à 4,6 milliards de doses de vaccins pour un coût total escompté proche de 71 milliards d’euros. Pfizer emportant le gros lot. Un premier contrat est signé le 20 novembre 2020 : il prévoit l’achat initial de 200 millions de doses, auquel s’ajoutait une option d’achat de 100 millions de doses supplémentaires (qui ont été commandées le 15 décembre 2020). Le second accord, conclu le 10 mars 2021, prévoit les mêmes volumes d’achat. Enfin, et surtout, le 20 mai 2021, la Commission signait un troisième contrat avec BioNTech-Pfizer, permettant l’achat de 900 millions de doses, du premier vaccin mais aussi de sa version adaptée aux variants, avec la possibilité d’acheter 900 millions de doses supplémentaires.

Problème : ces accords, accessibles sur le site de la Commission européenne, sont largement caviardés. Et il est impossible d’accéder à ces documents par l’intermédiaire des gouvernements, car les Etats laissent la main sur ce dossier à la Commission, et sont soumis à confidentialité. «Il nous manque tout : le prix, les conditions de livraison, les responsabilités, les conditions d’achat… Il s’avère que dans le troisième contrat, il y a une condition qui a été rajoutée par Pfizer, qui dit qu’il y a obligation pour les Etats membres d’acheter jusqu’à fin 2023. Tous ces détails sont barrés», déplore auprès de CheckNews Michèle Rivasi, vice-présidente de Covi et eurodéputée du groupe des Verts-Alliance libre européenne, connue de longue date pour ses positions hostiles à la vaccination. «Si l’on peut comprendre la confidentialité de certaines clauses, notamment techniques, la Commission doit faire toute la transparence sur ce qui relève notamment de la responsabilité des laboratoires, sur les dates et les volumes de doses livrés à chaque Etat membre, et sur leur prix», exigeait, elle aussi, la députée européenne Nathalie Colin-Oesterlé, membre de Covi et élue du groupe de centre droit PPE, devant le Parlement européen, dès septembre 2021.

Un approvisionnement entouré de mystère

Parmi les inconnues dans chacun des trois contrats : le prix convenu entre la Commission et les sociétés productrices de vaccins. Il faudra des fuites pour y voir plus clair. Au printemps 2021, le Premier ministre bulgare révèle que Pfizer facturera plus cher à l’UE ses doses de vaccin sur les contrats à venir en 2022 et 2023. Une information confirmée, dans le courant de l’été suivant, par le Financial Times. «Pfizer a augmenté le prix de son vaccin Covid-19 de plus d’un quart […] dans les derniers contrats de l’Union européenne, tandis que l’Europe a connu des problèmes d’approvisionnement et des inquiétudes sur les effets secondaires des produits concurrents», écrivait le quotidien britannique. Qui détaillait ensuite le nouveau prix : 19,50 euros par dose de vaccin Pfizer, contre 15,50 précédemment.

La façon dont les pays de l’UE sont ensuite approvisionnés en vaccins reste aussi entourée de mystère. A la fois en termes de moyens de production : les noms des sites chargés de fabriquer les vaccins et leurs différentes composantes sont masqués. De calendrier : tout juste sait-on qu’il est découpé en trimestres, sans connaître le nombre de doses devant être livrées à chaque intervalle. Et de quantité : les caviardages cachent la répartition des volumes de doses entre les différents Etats membres.

Comme on peut le lire dans l’accord de mars 2021, certaines modalités sont laissées à la discrétion des laboratoires : «Le calendrier de livraison et la logistique seront affinés par le contractant après que la Commission aura communiqué la manière de répartir les 200 millions de doses de vaccins entre les Etats membres participants».

Par ailleurs, la signification de «meilleur effort possible» («best reasonable effort», en anglais dans le texte) est la seule entièrement masquée dans les parties des contrats consacrées à la définition des termes. Alors même qu’il est prévu que «le contractant fera ses meilleurs efforts possibles pour s’assurer que les doses sont fournies conformément au calendrier de livraison, aux calendriers mensuels et hebdomadaires estimés et aux dates indiquées dans les formulaires de commande de vaccins». Les contrats évoquent «les frais d’emballage, de matériel d’emballage, d’adressage, d’étiquetage, de chargement et de livraison du vaccin au point de livraison convenu par les Etats membres participants», mais la suite étant tronquée, on ne sait pas sur qui ces dépenses pèsent.

Trois pages caviardées sur la responsabilité

Par anticipation d’éventuels litiges, il est rappelé dans les accords qu’ils sont régis par le droit belge (la Commission européenne étant basée à Bruxelles). S’agissant de la responsabilité – ce qui concerne en premier lieu les cas d’effets secondaires liés au vaccin –, elle repose, comme habituellement, sur les laboratoires. Mais, particularité de ces contrats, les Etats membres doivent indemniser les producteurs de vaccins de tous les frais engagés lors d’éventuels procès. L’existence de cette clause avait été confirmée par la Commission européenne, mais là encore, sa formulation précise a été masquée dans les documents officiels. Une seule phrase est lisible : «La Commission, au nom des Etats membres parties prenantes, déclare que l’utilisation des vaccins produits dans le cadre de ce contrat d’achat anticipé s’inscrira dans un contexte d’épidémie nécessitant une telle utilisation, et que l’administration des vaccins se fera donc sous la seule responsabilité des Etats membres parties prenantes.» Suivent ensuite près de trois pages entièrement caviardées. Plus loin, les contrats précisent que les Etats devront donc s’acquitter des dommages-intérêts, frais de justice et autres honoraires d’avocats.

Par ailleurs, comme CheckNews l’expliquait dans un précédent article, on en a appris davantage sur les questions de responsabilité, grâce à des captures d’écran dévoilées dans la presse. En bref, en cas de défaillance survenue dans la fabrication du vaccin (faute intentionnelle ou manquement grave aux règles de fabrication), il reviendra aux laboratoires d’indemniser les victimes. Le reste du temps, cette charge est transférée aux Etats.

Si les accords ont été conclus pour une durée déterminée – dix-huit mois pour celui de mars 2021, trente-six dans le cas du gros contrat portant sur 1,8 milliard de doses –, ils peuvent tout à fait être rompus au cours de leur application. Côté Commission, celle-ci peut notamment se prévaloir de la non-exécution des bons de commande de vaccins, de fraudes financières, ou encore de conflits d’intérêts, mais certains motifs de résiliation sont masqués. Du fait des caviardages, on sait seulement que les laboratoires, pour leur part, peuvent se fonder sur la violation par la Commission «d’une obligation contractuelle substantielle».

Opacité sur les négociations

Mais au-delà du contenu des accords, la manière dont ont été menées les négociations demeure floue. Les soupçons pèsent en particulier sur le giga-contrat de mai 2021, prévoyant l’achat de 1,8 milliard de doses supplémentaires, pour un montant de 35 milliards d’euros. Il faut dire qu’en la matière, tout a été fait pour éveiller les soupçons, et rien pour les éteindre. Au cœur de l’affaire : les désormais fameux – et toujours mystérieux – messages échangés entre Ursula von der Leyen et Albert Bourla, en pleine période de conclusion de contrats par l’UE pour l’achat de vaccins auprès des fabricants, en avril 2021. Des messages dont Von der Leyen a publiquement reconnu l’existence. Alors qu’une journaliste avait demandé à y avoir accès, la Commission a d’abord répondu que de tels échanges ne sauraient être considérés comme des documents professionnels. Avant d’être désavouée sur ce point par la médiatrice européenne, l’Irlandaise Emily O’Reilly. Laquelle a estimé, en janvier 2022, que ces SMS faisaient partie de la négociation en cours et n’étaient donc pas couverts par le droit à la vie privée, et dès lors dénoncé un cas de «mauvaise administration». Les mois suivants, la Commission a changé de pied et, tout simplement, déclaré que les SMS n’avaient pas été enregistrés.

Dans son rapport, la Cour des comptes insiste lourdement sur l’opacité qui a entouré la signature de ce contrats : «Nous n’avons reçu aucune information sur les négociations préliminaires pour le plus important contrat de l’UE», déplorent les auteurs qui ajoutent «au cours du mois de mars 2021, la présidente de la Commission a mené les négociations préliminaires ayant pour objet un contrat avec Pfizer-BioNTech. Il s’agit du seul contrat pour lequel l’équipe conjointe de négociation n’a pas participé à cette étape des négociations, contrairement à ce que prévoit la décision de la Commission relative à l’acquisition de vaccins contre la COVID.» La Cour des comptes précise avoir demandé à la Commission «de fournir des informations sur les négociations préliminaires relatives à ce contrat (les experts scientifiques consultés et les conseils reçus, le calendrier des négociations, les procès-verbaux des discussions et le détail des modalités convenues)». Une requête «restée sans suite», regrettent les auteurs.

Or, «si les documents intermédiaires de négociation n’existent pas, ça veut dire qu’on a enfreint les règles du jeu», considère l’eurodéputée Michèle Rivasi. Qui s’est construit sa propre hypothèse sur le déroulement de ces négociations : «Comme elle avait peur que les commandes soient faites par d’autres pays et échappent à l’Europe, Ursula von der Leyen a certainement passé directement des contrats avec Pfizer.» Lors de l’audience du 10 octobre, la présidente des marchés internationaux développés au sein du laboratoire, Janine Small, s’était contentée d’arguer qu’il n’était pas possible «de mener ces négociations par SMS», tant elles sont «complexes».

Enquête du Parquet européen

Les achats de vaccins Covid par l’UE sont également au cœur d’une enquête du Parquet européen (EPPO), bien qu’il n’ait pas encore précisé quelles personnes ou quels contrats font l’objet d’un examen. Le 14 octobre, l’EPPO faisait ainsi état, dans un communiqué relayé sur Twitter, d’«une enquête en cours sur l’acquisition de vaccins Covid-19 dans l’Union européenne». «Cette confirmation exceptionnelle résulte de l’intérêt extrêmement élevé du public [pour ce sujet]. Aucun autre détail ne sera rendu public à ce stade», précise cet organe indépendant, officiellement institué en 2021, chargé de lutter contre la fraude aux fonds de l’UE et toute autre infraction portant atteinte à ses intérêts financiers.

Kathleen van Brempt s’est réjouie de l’ouverture de cette enquête. «Nous devons savoir pourquoi le plus gros contrat est le moins transparent. Nous devons comprendre pourquoi l’UE est obligée d’acheter 1,8 milliard de vaccins Pfizer-BioNTech, sans tenir compte des besoins, ou du fait que de nouveaux et meilleurs acteurs puissent entrer sur le marché», a-t-elle souligné dans un tweet. «De nombreux contrats de l’UE réservaient un “droit” d’achat, mais avec le contrat Pfizer, nous avons bien une “obligation” d’achat. Pourquoi avons-nous dévié de la procédure normale pour un contrat qui couvre plusieurs fois nos besoins, pour une période où tous [les Européens] allaient déjà être vaccinés (2022 et 2023) ?» interroge la présidente de la commission Covi. Des questions qui seront assurément posées à Ursula von der Leyen. Si elle accepte de venir à la rencontre des parlementaires.