Scrutin pour l’e-ID en Suisse: ingérences, recours judiciaires, et soupçons de fraude
Nous avons eu l’occasion dans ces colonnes de rappeler pourquoi l’identité numérique représentait une condition sine qua non à la mise en place d’une CBDC (monnaie numérique de banque centrale). La Banque nationale suisse a implicitement admis cet été que cette dernière ne sera pas seulement destinée aux clients institutionnels.
Nous avons également eu l’occasion de rappeler que l’identification obligatoire sur Internet était envisagée par le conseil Fédéral et que, de nouveau, l’e-ID était nécessaire à cette fin.
Ainsi, la Suisse prévoit de s’inscrire dans le sillage des États totalitaires qui l’entourent; seul manquait l’assentiment de la population à l’identité numérique; ce qui aurait été obtenu sur le fil le dimanche 28 septembre, soit avec un écart de seulement 21’000 voix.
L’identité numérique en Suisse est un sujet auquel Essentiel News a consacré de nombreux articles et interviews:
- Le Parlement suisse adopte l’e-ID malgré l’opposition populaire
- Identité numérique en Suisse: un référendum est lancé!
- Identité numérique, CBDC, et confiscation de l’épargne
- Les Bilatérales III occultent quatre échéances capitales et imminentes pour la Suisse
Le sujet de l’identité numérique en Europe et dans le monde, et son lien fondamental avec les monnaies numériques de banque centrale, ont également donné lieu à de nombreux articles au fil des années:
- Pass sanitaire, marche forcée vers l’identité numérique?
- La monnaie numérique pourra nous suivre à la trace
- Monnaie numérique: les gens n’en veulent pas!
- L’UE veut imposer l’identité numérique
- CBDC: la «monnaie intelligente» qui dictera nos vies?
- ODD 16: l’identité numérique à la loupe
- L’agenda: leur vision, votre futur
- CBDC, monnaie programmable et contrôle social: la fin de l’argent
Le Mouvement Fédératif Romand résume très bien la substance du propos en ces termes:
Notre analyse stratégique le confirme: l’e-ID n’est que la première étape d’un processus d’alignement et vers l’intégration à l’Union européenne.
L’acceptation de l’e-ID prépare un alignement automatique sur la réglementation européenne, au mépris de notre souveraineté nationale.
Ensuite, la suppression du cash se profile, ouvrant la voie à la monnaie numérique, déjà en discussion.
Une nouvelle loi sur les épidémies, prévue pour 2026, instaurera des certificats sanitaires obligatoires.
Demain, la neutralité suisse risque d’être dissoute dans une défense européenne commune, et les Bilatérales III (2027–2028) viendront finaliser cette annexion institutionnelle.
Le « OUI » du 28 septembre à l’e-ID en Suisse, survenu pourtant moins de deux ans après que la population l’ait rejeté, représente donc la conclusion d’un processus long de plusieurs années, au cours duquel des collectifs citoyens et médias indépendants ont tenté d’informer des conséquences d’un tel projet sur les libertés individuelles.
Mais ce mot de « conclusion » est peut-être prématuré: en effet, plusieurs recours judiciaires ont d’ores et déjà été déposés.
Intervention de Swisscom en faveur du « OUI »
Swisscom est le géant suisse des télécommunications; entreprise de droit privé, elle est toutefois majoritairement détenue par la Confédération. Bien que son monopole historique ait été quelque peu atténué ces dernières décennies, elle n’est pas le fruit du libre marché; son poids et son influence demeurent considérables dans la mesure où elle reste propriétaire de la grande majorité des infrastructures de télécommunications en Suisse.
Or il avait été rapporté que Swisscom était intervenue financièrement en faveur du « OUI »; il y a eu en outre un don substantiel au comité du « OUI » de la part de la fondation Digitalswitzerland, la faîtière de la numérisation en Suisse, qui compte dans sa direction le PDG de Swisscom.
Le journal Weltwoche explique pourquoi cela est problématique, et pourrait conduire à une annulation du scrutin:
Déjà avant le scrutin, plusieurs opposants ont déposé des plaintes auprès du Tribunal fédéral. Nils Fiechter, président des Jeunes UDC, considère le soutien de Swisscom comme une « influence déterminante » sur le résultat et parle de « propagande électorale inadmissible ». De même, l’UDF ainsi que le mouvement Mass-Voll dirigé par Nicolas Rimoldi exigent une nouvelle votation.
Les avis des constitutionnalistes divergent quant aux chances d’annulation. Andreas Glaser (Université de Zurich) souligne le résultat extrêmement serré: le degré d’écart rapproché du résultat est « décisif » pour l’évaluation du Tribunal fédéral. Dans le passé, des scrutins ont été annulés pour des violations mineures uniquement lorsque le résultat était étroit, comme en 2019 pour l’initiative sur la « pénalité du mariage ». Cependant, Glaser souligne que le don provenait « uniquement » de Swisscom et non du Conseil fédéral lui-même. De plus, le défaut a déjà été critiqué avant le vote, ce qui est un point important sur le plan juridique. Swisscom défend son engagement en faisant référence à sa mission de service public: l’e-ID est « très proche » de son activité principale, l’entreprise souhaite contribuer à la numérisation.
L’ATS (Agence télégraphique suisse) souligne de surcroît que le Tribunal fédéral est effectivement susceptible d’annuler le scrutin, dans un article publié le 29 septembre:
Swisscom a soutenu financièrement la campagne en faveur de l’e-ID, acceptée de justesse dimanche. Selon un expert, les recours déposés devant le Tribunal fédéral au motif d’une influence «inadmissible» ne sont pas dénués de chances d’aboutir.
«Le recours a des chances», a déclaré Felix Uhlmann, professeur de droit constitutionnel et administratif à l’Université de Zurich. Le cas remplit la condition d’un résultat serré. Dimanche, les citoyens ont accepté le projet à seulement 50,39%.
En outre, le Tribunal fédéral devra évaluer dans quelle mesure Swisscom est considérée comme une entreprise « publique » ou « privée ». En effet, les entreprises privées sont plus libres en matière de financement.
« Si le Tribunal fédéral classe Swisscom dans le domaine public, il faudra examiner la proportionnalité de la participation de Swisscom à la campagne de votation », poursuit Uhlmann. Il est toutefois difficile de prévoir l’issue d’un tel examen.
Une question déterminante sera de savoir dans quelle mesure Swisscom est elle-même « concernée » par l’e-ID. Selon le professeur, il n’est pas clair si un « intérêt purement commercial » suffit pour être considéré comme concerné.
Car si les entreprises publiques sont « particulièrement concernées », elles sont autorisées à intervenir dans le débat. Toutefois, cette intervention doit être objective, proportionnée et transparente. […]
Actuellement, la Confédération détient 51% du capital-actions et donc dispose de la majorité des voix dans l’entreprise, comme le prescrit la loi. Swisscom est donc considérée comme une entreprise liée à la Confédération. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les entreprises proches de l’Etat sont « tenues à la neutralité politique ».
Autres recours
Swisscom n’est pas la seule entreprise au rôle prépondérant à s’être immiscée dans le processus démocratique. Dans un communiqué publié le 2 octobre, l’organisation Mass-Voll (à l’origine de l’initiative contre l’e-ID) indique que Ringier SA et TX Group SA (ex-Tamedia), les deux principaux géants de la presse subventionnée en Suisse, ont contribué en faveur de « l’alliance Pro e-ID ».
Or ces apports, provenant de conglomérats à l’influence prépondérante, ont eu selon Mass-Voll une influence déterminante sur le résultat du scrutin et la « formation de la volonté » populaire.
Ainsi, Mass-Voll a déposé un deuxième recours contre le résultat du scrutin, en demandant qu’il soit annulé.
L’Union démocratique fédérale (UDF) a aussi déposé un recours contre le résultat de la votation du 28 septembre 2025, dénonçant également « l’ingérence illégitime d’entreprises proches de l’Etat dans la campagne référendaire ».
En cause pour l’UDF, non seulement Swisscom, mais aussi La Poste SA et SwissSign Group AG (SwissID), qui se sont également déclarés publiquement en faveur du projet. L’UDF indique que cela « constitue une violation du principe constitutionnel de neutralité de l’État dans la campagne référendaire » et que « cette ingérence a porté atteinte à la libre formation de l’opinion des électeurs et influencé de manière illicite le résultat extrêmement serré de cette votation populaire ».
D’autres mastodontes s’ingèrent
Dans l’hypothèse où la position des pouvoirs économiques et politiques n’était pas encore claire dans le débat de l’e-ID, un autre mastodonte a exploité sa position dominante pour faire pencher la balance: Migros, le premier producteur et distributeur alimentaire suisse.
Deux semaines avant le scrutin, Migros a publié dans son magazine distribué à près d’un demi-million de ménages une tribune vantant les mérites de l’e-ID et annonçant son adoption dans ses propres services.
L’association « Souveraineté Suisse » explique pourquoi cela pose problème:
Et si le plus grand distributeur de Suisse avait trahi la démocratie en silence?
Deux semaines avant un vote décisif sur l’avenir numérique du pays, Migros a utilisé sa puissance logistique et médiatique pour influencer l’opinion publique à grande échelle — sans débat, sans contrepoids, et sans scrupule.
Ce que révèle ce scandale, c’est bien plus qu’un simple abus de position dominante: c’est la dérive d’une coopérative jadis fondée pour défendre les consommateurs, désormais enrôlée dans la machine du pouvoir technocratique. […]
Ce que Migros a fait ici, c’est se servir de la confiance de ses clients pour orienter un vote populaire. Une entreprise de vente alimentaire transformée, l’espace d’un instant, en agent d’influence politique.
Voici pourquoi cette trahison doit être exposée — et pourquoi le combat continue.
Recomptage demandé
Outre les recours judiciaires, d’autres collectifs demandent quant à eux un recomptage des voix. C’est le cas du Mouvement Fédératif Romand, qui a mené en faveur du rejet de l’e-ID une campagne extrêmement active en collaboration avec Helvethica Ticino, et qui avait appelé ses membres à se joindre à leur demande en écrivant à la Chancellerie fédérale avant le 30 septembre. Nous reproduisons ci-dessous une partie de leur communiqué:
Swisscom, dont l’État détient la majorité des parts, fait l’objet de soupçons relatifs à une utilisation discutable de fonds au profit du camp du OUI.
Trente mille francs ont été versés directement au comité pro-e-ID, et cent cinquante mille francs supplémentaires ont transité par la fondation Digitalswitzerland, dirigée par le PDG de Swisscom.
En tout, 180’000 francs d’argent public ont été investis illégalement pour influencer le vote.
Contraintes à une stricte neutralité politique par la Constitution, les entreprises publiques ont bafoué leurs devoirs, compromettant la liberté de vote et la légitimité démocratique elle-même.
Notre riposte déterminée
Face à cette atteinte aux institutions, des disparités statistiques anormales entre communes, un retard inexpliqué de trois heures dans le dépouillement et un résultat aussi serré ont conduit à une demande officielle de recomptage, déposée le 30 septembre 2025.
Des recours en annulation ont également été portés devant les instances compétentes par le comité Non à l’e-ID, Mass-Voll et l’UDF Suisse.
Soupçons de fraude
D’autres sont allés plus loin que de souligner l’ingérence indue de mastodontes de la presse, des télécommunications et de l’alimentation, en formulant des soupçons de fraude. Ainsi, la journaliste citoyenne suisse Chloé Frammery indique:
L’e-ID a été « acceptée par le peuple » en Suisse dimanche 28 septembre dernier, malgré une large majorité de cantons qui ont voté NON. Plus fort encore, le taux de participation de la population, qui était annoncé sur le site de la Confédération suisse, était plus élevé à 15h36 qu’à 16h16, avec respectivement 49,74% de participation à 15h36 et de 49,55% à 16h16. Les mathématiques semblent être revisitées d’une étrange manière dans notre beau pays…
Il est à noter que l’hypothèse d’une éventuelle fraude est loin d’être saugrenue, dans la mesure où le résultat a été extrêmement serré, et s’est essentiellement décidé en ville de Zurich; or des falsifications de bulletins ont déjà eu lieu en Suisse, notamment en 2023 lors des élections cantonales à Genève, lors desquelles 35’000 bulletins avaient été falsifiés – soit 14’000 de plus que les 21’000 qui ont fait basculer le scrutin sur l’e-ID le mois dernier.
Au-delà de ces soupçons, Mme Frammery a publié deux articles qui regorgent de sources et de références sur le sujet de l’e-ID:
- L’identité numérique, la fin de la démocratie suisse?
- Les Suisses ont dit oui à l’identité numérique le 28 septembre 2025? Vraiment?
Son interview du 6 octobre sur Démocraties Directes figure également ci-dessous, ainsi que son intervention à chaud peu après l’annonce du résultat.
Le travail n’est pas terminé
Essentiel News ne manquera pas de suivre l’évolution de ces recours, et d’en informer ses lecteurs.
S’ils devaient échouer, nous nous engageons aussi à suivre la chronologie de l’exploitation de l’e-ID et la mise en oeuvre des CBDC, ainsi qu’à étudier et décrire des solutions pratiques pour mieux légalement s’y soustraire.
Pensez à vous abonner ou à faire un don.


“‼️ Nos actions ne servent pas à rien ‼️
Les cantons de Berne et Zurich ont été submergés de recours et cela oblige de TF à se pencher sur cette question pour laquelle une jurisprudence existe.
Donc vos lettres, la pression qui a été mise et les recours déposés ont servi à ce que le sujet de la validité du vote sur l’e-ID reste une question ouverte.
Quelque soit la décision finale du TF, nos/vos actions auront servi à quelque chose !
Ne nous décourageons donc pas et continuons à défendre notre position de bon sens.
C’est tous ensemble que nous irons plus loin par-delà nos différences et nos divergences.
‼️Merci à chacun de continuer à nous soutenir, nous avons besoin de vous ! ‼️”
https://www.mouvement-federatif-romand.ch/
https://www.blick.ch/fr/suisse/justice-le-tf-devra-se-prononcer-sur-les-recours-contre-le-id-id21330575.html
Merci pour votre combat difficile mais essentiel.
Alors, personnellement, je ne mets plus un pied à la Migros depuis l’article dans leur magazine. Car il n’est pas question que je finance indirectement de telles campagnes en achetant leurs produits. Migros devait rester neutre sur ce sujet.
Fini aussi Swisscom et les médias des groupes qui ont mené cette propagande pour les mêmes raisons.
De plus, vu le faible score malgré un large soutien politique et la puissance de feu des médias avec une campagne partisane, rien n’est encore joué.
C’est le mot « facultatif » associé à la naiveté d’une partie de la population qui a fait la différence. Mais le but est clairement de le rendre progressivement obligatoire.
Cette obligation viendra du privé car la loi n’impose pas aux entreprises privées de maintenir une identification non-numérique contrairement à l’Etat.
Alors, les banques sont prévenues: si elles me demandent un eID, j’irai faire gérer mon argent ailleurs. Et si tout le monde fait pareil…
Ce qui est important, c’est que les prestataires privés qui souhaitent imposer cet eID comprennent qu’ils risquent de perdre une large clientèle.
Il reste un risque en cas de quasi-monopole (Swisscom, CFF) mais généralement, dans ce cas, l’Etat a une participation majoritaire et elles devront continuer à accepter une identité papier.
Espérons alors, qu’avec le temps, la population finisse par comprendre les enjeux et les dangers liés à la mise en oeuvre de ces technologies dans un pays fortement dépendant des sociétés étrangères pour le numérique. La preuve ? Pour télécharger l’application, il faudra acheter un smartphone américain et approuver les conditions d’utilisation de Google ou Apple.
Ensuite, il faudra accepter les conditions générales de l’eID…
Bonne chance !
Merci pour cette belle synthèse du travail de ces différents Mouvements associations, parties politiques et autres autour de ce sujet.
Ensemble on est plus complémentaire et on va plus loin.. 🛣️
Mettons de côté l’élection qui est encore un autre problème. En supposant que le vote soit honnête (je sais bien que c’est utopique, mais supposons), autant en amont avec la garantie d’un consentement libre et éclairé, qu’en aval avec un comptage fiable, on ne peut pas appeler « démocratie » un système dans lequel la majorité (des votants en plus) impose à tous les autres leurs décisions. Ce n’est pas un système démocratique dans lequel la population a le pouvoir mais un système dictatorial dans lequel la majorité, seul une partie de la population, dicte aux autres.
Le pouvoir est une chose qui s’exerce soi-même, ce n’est pas la manipulation d’autrui pour lui faire faire nos desiderata, c’est la prise en main de notre vie par l’usage du libre arbitre. Chercher à priver autrui de son libre arbitre, en d’autres termes le réifier, est la marque d’un déséquilibre psychique et le refus d’assumer sa propre responsabilité. Seul un système esclavagiste, contre nature, permet l’existence de dominants et de dominés. Dans la nature, il n’y a pas d’esclavage, il peut y avoir une lutte, généralement pour la nourriture ou la reproduction, mais chacun assume son choix et les conséquences de ses actes. Seul les humains ont fabriqué une système basé sur des fictions de façon à effacer la loi naturelle, ce qui permet de refuser la responsabilité de ses actes, c’est le principe de l’inversion accusatoire qu’on rencontre partout au quotidien.
On finit par comprendre que le mot « démocratie » est une farce, une arnaque, depuis le début, une façon de légitimer un système de gouvernement, c’est à dire un système dictatorial. Nous sommes à l’apogée de ce principe aujourd’hui, et maintenant qu’il a atteint son pic en terme de légitimité de la fiction, la courbe redescend à toute vitesse. Il faut donc revenir au réel, sortir des idéologies. Si en autant de temps nous n’avons pas réussi à avoir mieux que le potentiel diktat de la majorité (même ça, on ne l’a pas eu en réalité), c’est que la « démocratie » est une idéologie, elle ne repose pas sur la réalité, elle est faite de fictions, de croyance, elle est incompatible avec le réel, incompatible avec la Vie, et nous vivons aujourd’hui les tristes conséquences de nos actes contre nature.
Apprendre de ses erreurs, voilà la seule façon de vivre en conformité avec le réel, car lutter contre celui-ci nous amène inéluctablement vers le chaos. C’est cela la force du libre arbitre, c’est la capacité à arbitrer pour comprendre quel est le chemin à prendre pour ne pas subir le chaos (en d’autres termes pour assurer l’équilibre et la perpétuation de la Vie). La liberté n’est pas l’absence de contrainte, si on fait n’importe quoi on se prend le retour de bâton, et c’est du déterminisme, on ne peut pas aller contre, seul les psychopathes (déséquilibrés psychiques) l’imaginent.