Berne, le 4 avril 2025 – L’Autorité indépendante de plaintes en matière de radio et de télévision (AIEP) a jugé que le fait que la SRF n’ait pas rendu compte d’un événement important était contraire à la loi sur la programmation.
Lors de consultations publiques récentes, la Commission a traité 16 plaintes contre des publications de la Radio Télévision Suisse allemande SRF et de la Radio Télévision Suisse francophone RTS, et adopté 18 décisions. Parmi celles-ci plusieurs concernaient le traitement de l’information à propos de la pandémie.
Suite à ces débats, Essentiel News avait publié un premier article qui examinait en détail la décision rendue dans l’affaire Cécile Tran Tien, la journaliste accusée de diffamation envers le Dr Louis Fouché. Malgré un ensemble de griefs assez importants face à des arguments fort critiquables, la Commission de l’AIEP avait rejeté la plainte.
Cette décision avait déçu les différents plaignants et leurs nombreux soutiens, mais la présidente de la Commission, qui ne s’était pas rendue à la majorité, avait toutefois souligné l’importance de défendre l’intégrité du journalisme.
Une autre décision rendue lors de ces audiences publiques mérite également d’être citée. L’UBI, l’autorité qui traite de l’audiovisuel pour la Suisse alémanique, a confirmé le fondement de la plainte concernant le silence de la SRF autour des “protocoles RKI”.
Rappelons qu’au printemps 2024, la divulgation des procès-verbaux des réunions confidentielles sur la gestion du Covid à l’Institut Robert Koch (“les protocoles RKI”) avait créé une onde de choc en Allemagne. Obtenus à la suite de mois d’efforts, ces documents attestaient du fait que durant la pandémie, les responsables politiques avaient imposé leurs directives en dépit des avis scientifiques.
Essentiel News avait consacré plusieurs articles à cette affaire qui avait fait les gros titres et provoqué des remous au Bundestag. En Autriche aussi, la presse s’était emparée du sujet, mais en Suisse, les chaînes de service public n’en ont pas fait la moindre mention.
Ainsi, selon le communiqué de l’UBI, l’autorité audiovisuelle pour la Suisse alémanique:
Le rapport sur les protocoles RKI – les protocoles élaborés par la cellule de crise de l’Institut allemand Robert Koch pendant la pandémie de coronavirus – n’a pas été mentionné dans les programmes de la SRF (protocoles RKI), ce qui a fait l’objet d’une plainte populaire.
Le plaignant a reproché que ces documents, publiés successivement par différents acteurs, contenaient des informations importantes sur la gestion de la pandémie de Covid-19 et étaient également d’un intérêt considérable pour la population suisse.
Les membres de la Commission ont estimé que de ne pas couvrir ces informations était contraire aux obligations légales de la Radio Télévision publique. Ils ont relevé l’importance des discussions concernant les protocoles RKI, notamment le fait de savoir si c’était la science qui avait suivi la politique, alors que cela devrait être l’inverse.
L’UBI a estimé que ce défaut d’information a “entraîné un déséquilibre dans les rapports concernant le traitement de la pandémie au cours de la période concernée et violé l’obligation de diversité”.
La plainte a été considérée comme fondée, par 5 voix contre trois.
Faut-il y voir la volonté d’un retour à une certaine indépendance des médias ou ne s’agit-il que d’une intervention cosmétique? Dans un contexte où le rôle et l’indépendance des médias sont fortement remis en question, la décision a, pour le moins, le mérite d’exister.
Que de questions qui sont soulevées…
Je crois que la plus importante est celle de la place de l’autorité, de la légitimité de l’autorité dans un système où la démocratie est une force aussi active qu’elle est à l’heure actuelle. Qui est habilité à exercer l’autorité, devant qui, pour combien de temps ? Comment déterminer qui est digne de confiance, qu’on soit citoyen OU politique, d’ailleurs ? Sans parler même de mensonge, comment déterminer qui est compétent ?
Dans le contexte actuel, pourrait-on argumenter que l’effervescence démocratique, liée à l’éclatement du pouvoir des médias, a eu raison de ce qui permet de fonder une foi dans l’autorité (personne ? processus ?) sans laquelle il n’est peut-être pas possible de parler de gouvernement, ou de gouverner ? Est-il possible de gouverner en temps réel, alors qu'”on” nous fait miroiter l’idée que nous sommes “informés” en temps réel ?
N’est-ce pas un vieux débat, tout cela, qui remonte à la Réforme, même, et le moment où la diffusion médiatique à grande échelle des thèses de Luther a fait faire un grand boum à l’Europe, pour notre plus grand malheur ?