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Pour la 1ère fois, un Français obtient le retrait de son «compteur intelligent»

De plus en plus de gens s'opposent aux compteurs électriques dits «intelligents» et trouvent des moyens ingénieux pour s'en protéger

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Article d’Icaros d’Essentiel News

Les «smart meters», ou compteurs communicants en français, sont des dispositifs que les entreprises électriques installent dans les domiciles de leurs clients. Ils communiquent par ondes radio avec l’opérateur, et sous-tendent ce qui s’appelle dans le jargon technique les «réseaux électriques intelligents».

Or ces dispositifs sont sujets à de nombreuses critiques: non seulement ils permettent aux opérateurs de rationner de façon simplifiée, intempestive, automatique et sélective, l’approvisionnement électrique de leurs clients, mais ils contribuent également à l’électrosmog, et sont ainsi soupçonnés d’être parfois à l’origine de symptômes d’électrosensibilité.

Pour la première fois en France, et après une bataille judiciaire longue de trois ans et demi, un particulier a réussi à faire valoir cet argument d’électrosensibilité, et à faire retirer le «compteur intelligent» qui avait été installé chez lui sans son consentement. Derrière cette actualité, on découvre une large controverse autour de ce genre de technologies.

Électrosensibilité

Le syndrome d’hyper-sensibilité électromagnétique est peu reconnu par l’orthodoxie médicale, qui le réduit généralement à une affliction d’ordre psychologique.

La formulation recommandée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) est «intolérance environnementale idiopathique attribuée aux champs électromagnétiques». Par cette terminologie, l’organisation reconnaît l’existence de symptômes, mais refuse de leur attribuer une cause connue.

Selon l’OMS, les symptômes en question sont généralement d’ordre dermatologiques (rougeurs, picotements et sensations de brûlure), ou neurasthéniques et végétatifs (fatigue, lassitude, difficultés de concentration, étourdissements, nausées, palpitations cardiaques et troubles digestifs).

Elle indique de surcroît que le mal-être rapporté est dû à des «maladies psychiatriques préexistantes», ainsi qu’à «des réactions de stress résultant de la crainte inspirée par les éventuels effets sur la santé des champs électromagnétiques», plutôt que de l’exposition aux champs elle-même. Ainsi, l’OMS considère que l’électrosensibilité relève d’une «électromagnétophobie», plutôt que d’une pathologie objective.

En France, l’ANSES (agence nationale de sécurité sanitaire) reprend la position de l’OMS, tout en indiquant que 5% de la population française est concernée, soit 3.3 millions de personnes. De son côté, l’Académie française de médecine assure que «l’innocuité des ondes de radiofréquence dans les conditions réglementaires de leur utilisation est reconnue par la communauté scientifique».

Pourtant, ces apparentes certitudes sont à mettre en contraste avec la Bioinitiative: pour la première fois en 2007, un groupe de scientifiques internationaux a démontré l’effet sur la santé des champs électromagnétiques non-ionisants. Dans son rapport cette année-là, le groupe affirme avoir démontré les effets sanitaires (stress cellulaire, génotoxicité, risques de tumeurs au cerveau ou de leucémies) des champs électromagnétiques.

Cinq ans plus tard, le rapport Bioinitiative 2012 révèle une augmentation significative des preuves concernant les risques pour la santé liés aux champs électromagnétiques et aux technologies sans fil depuis 2007, basé sur l’examen de plus de 1’800 études scientifiques.

Cela ne suffit pourtant pas à convaincre la «communauté scientifique»: l’Académie de médecine ainsi que la Fédération française des télecoms s’insurgent contre le rapport, en indiquant qu’il est «de nature à renforcer artificiellement chez nos concitoyens un sentiment de peur et de défiance injustifié, mais préjudiciable en terme de santé publique».

Réseaux électriques dits «intelligents»

Les compteurs intelligents tel le «Linky» imposé aux français depuis 2015 via la loi relative à la «transition énergétique pour la croissance verte» est controversé pour des raisons qui dépassent largement la question de l’électrosensibilité.

En cause, sa capacité à permettre des «services de pilotage de la consommation», qui doivent notamment servir à mettre en oeuvre les ordres «d’effacement de la consommation électrique.» Par ce vocabulaire, on entend que les opérateurs électriques (et donc les pouvoirs centraux auxquels ils sont affiliés) souhaitent pouvoir unilatéralement, facilement et sélectivement rationner la consommation électrique des gens, de façon à faire face à différentes «urgences», réelles ou imaginaires.

Un tel «lissage de la courbe de charge par le pilotage de la demande», comme les opérateurs l’appellent, est envisageable dans des cas comme celui de la «première crise énergétique mondiale», lorsque les médias de masse en 2022 ont à l’unisson annoncé que la crise ukrainienne était synonyme de pénurie d’électricité, et que tout le monde devait donc rationner sa consommation.

A l’époque, les villes avaient éteint leurs arbres de Noël, et le pouvoir avait recommandé des «écogestes» de «sobriété énergétique», dont des températures maximales de chauffage. À l’avenir, un tel rationnement devrait pouvoir être imposé de façon sélective grâce aux compteurs intelligents.

La Suisse est concernée

Comme souvent, la Suisse n’est pas en reste. La Confédération annonce en effet que les «smart grids» et «smart meters» font partie intégrante de la «Stratégie énergétique 2050».

Les Services industriels de Genève quant à eux, qui se veulent précurseurs en la matière, affirment haut et fort que les «smart meters» imposés aux genevois «visent à réduire la consommation d’énergie, améliorer l’efficacité énergétique et promouvoir les énergies renouvelables».

Et comme pour rassurer les gens, l’entreprise publique ajoute que «la puissance d’un compteur ne peut être limitée sans votre consentement, sauf en cas de situation exceptionnelle décrétée par le Conseil Fédéral».

Contre-mesures unilatérales

Confrontés à la futilité des recours politiques locaux, de plus en plus d’opposants aux «smart meters» dans le monde choisissent d’agir de façon unilatérale.

Ainsi, ces dernières années ont vu une prolifération de vidéos démontrant comment une simple cage de Faraday (une fine maille métallique ou du simple papier aluminium) autour des «smart meters» pouvait les empêcher d’émettre des champs potentiellement nocifs.

En bloquant les ondes, l’effet de telles barrières métalliques peu coûteuses et simplissimes à installer est d’empêcher les «compteurs intelligents» d’émettre leurs rayonnements, et de communiquer avec les opérateurs; sans pour autant interrompre la fourniture d’électricité.

Toutefois, la légalité de telles mesures unilatérales n’est pas toujours établie, d’autres choisissent plutôt, à l’instar du Français susmentionné, d’opter pour des recours judiciaires. Couronné de succès pour la première fois, il est possible que son cas fasse désormais jurisprudence et que d’autres parviennent au même résultat plus rapidement.

Aller plus loin

Association française de protection du vivant face aux ondes : https://www.robindestoits.org/

Association française PRIARTEM, qui se bat depuis les années 2000, pour la protection de la santé et de l’environnement face aux risques liés à l’exposition aux ondes électromagnétiques. https://www.priartem.org

Association genevoise qui se mobilise contre la 5G et autres ondes : https://5gmoratoirepourlasuisse.ch/. Leur newsletter sur les compteurs connectés à Genève.

Notre entretien avec Pierre Dubochet, ingénieur radio et spécialiste de la toxicologie des rayonnements non-ionisants, qui s’intéresse particulièrement à la présence et aux effets nocifs des ondes électromagnétiques dans notre mode de vie et notre habitat. https://www.pierredubochet.ch

Notre interview d’Olivier Bodenmann, ingénieur électricien : “Si le nombre d’électrohypersensibles augmente, cela va devenir un problème majeur”. https://www.electrosmogtech.ch

Notre interview du Pr D. Belpomme et Dr P. Irigaray : électrohypersensibilité, diagnostic et solutions :