Un ordinateur alimenté par des “mini-cerveaux” humains

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Une start-up suisse crée un bio-processeur composé de véritables cellules humaines. Un pas de plus vers le rêve transhumaniste!

Le thème récurrent de la science-fiction où le cerveau humain alimente la machine prend le chemin de la réalité! Basée à Vevey en Suisse, la société FinalSpark co-fondée par Fred Jordan et Martin Kutter, entend développer l’IA en utilisant des mini-cerveaux humains artificiels appelés “organoïdes cérébraux”, créés à partir de réelles cellules humaines, pour concurrencer les ordinateurs classiques, qui fonctionnent avec des puces en silicium.

FinalSpark développe son “ordinateur vivant” ou bio-processeur en utilisant 16 organoïdes cérébraux, des billes de cellules constituées en laboratoire à partir de cellules souches dans l’intention de reproduire certaines capacités du cerveau. Les ressources exceptionnelles du cerveau humain font rêver les scientifiques depuis longtemps, et le secteur de l’informatique ne fait pas exception.

En effet, l’un des angles de recherche dans le développement de l’intelligence artificielle tente d’imiter le fonctionnement du cerveau pour l’appliquer à l’informatique. Dans ce sens, FinalSpark espère que les organoïdes cérébraux sauront reproduire le fonctionnement des neurones dans le traitement de l’information grâce à leurs activités électriques:

Le cerveau humain est une centrale électrique dotée de 86 milliards de neurones et n’utilisant que 20 watts de puissance pour un calcul efficace.

Le concept de la start-up intègre certaines idées que l’on retrouve dans le transhumanisme, notamment cette symbiose entre l’homme et la machine. En cela, ce type de technologies, qui en est encore à ses débuts*, pose de sérieuses questions éthiques. Selon les mots de FinalSpark:

Notre laboratoire biologique travaille activement à reproduire et surpasser le succès de la nature.

Créer un ordinateur capable de surpasser l’intelligence humaine, tel est le rêve de l’industrie de l’intelligence artificielle et du mouvement transhumaniste.

Un mélange de biologie humaine et de techniques informatiques

Les organoïdes cérébraux de Final Spark sont composés d’un mélange de neurones et de cellules gliales. Ces cellules sont cultivées artificiellement dans un environnement spécial où elles vont former un organoïde cérébral ou “mini-cerveau”, l’équivalent de quelques 10 000 neurones agglomérés dans une sphère d’un demi-millimètre de diamètre appelée une neurosphère:

Dans notre laboratoire, nous utilisons des neurosphères, des structures rondes constituées de milliers de neurones vivants, que nous entraînons aux calculs.

Il s’agit d’un objectif d’ingénierie purement non médical : construire un nouveau type de processeurs informatiques. Les neurosphères sont conservées sur des appareils électriques pour permettre l’envoi et la réception de signaux électriques vers et depuis les neurones.

Afin d’atteindre son but, FinalSpark relie ces organoïdes à des électrodes pour créer ce que la start-up nomme du “wetware computing”, une structure mélangeant de la matière biologique et du matériel informatique. Ceci permet de transformer l’activité neuronale en information numérique, grâce au traitement informatique et à la conversion numérique analogique:

Le défi à résoudre pour concevoir un bio-processeur, c’est de réussir à traiter du signal, donc des informations, par des neurones biologiques.

Source image: FinalSpark

En s’appuyant sur l’activité électrique et les capacités du cerveau humain, FinalSpark exploite le concept selon lequel le bit, l’unité d’information qui sous-tend le monde numérique, pourrait être stocké et traité par de la matière organique, en particulier par les neurones. L’entreprise suisse a annoncé en février 2023 la réalisation de son premier bit biologique.

Plateforme en ligne

FinalSpark a créé également une plateforme informatique ouverte aux scientifiques et aux institutions de recherche afin d’accélérer les découvertes dans le secteur des bioprocédés.

Baptisée Neuroplatform, cette plateforme en ligne propose un accès à distance aux expériences sur ces 16 organoïdes cérébraux et une interaction directe avec les neurones biologiques in vitro. La start-up précise:

Nous avons créé le premier processeur biologique au monde doté de capacités d’apprentissage et de traitement de l’information en utilisant des réseaux neuronaux biologiques in vitro.

Nous sommes la seule organisation au monde à fournir des données de mesures électrophysiologiques en direct sur le Web et en temps réel.

La carte de l’économie d’énergie

Pour faire la promotion de cette technologie à l’éthique discutable, FinalSpark utilise la carte de l’économie d’énergie. Selon l’entreprise, utiliser des éléments du corps humain pour alimenter les machines serait une solution écologique pour réduire l’impact environnemental puisque:

Ce bio-processeur consomme un million de fois moins d’énergie que les processeurs numériques conventionnels.

En effet, les systèmes d’intelligence artificielle traditionnels nécessitent énormément de données informatiques pour fonctionner et consomment une quantité d’énergie astronomique. L’année dernière, une étude suggérait que les systèmes d’intelligence artificielle pourraient consommer près de 4% de l’électricité globale en 2030.

FinalSpark relève que:

L’un des inconvénients du progrès technologique actuel réside dans les coûts énergétiques élevés nécessaires au traitement de l’information numérique. Pour créer des modèles d’IA à l’aide de processeurs à base de silicium, nous devons les entraîner avec d’énormes quantités de données. Plus il y a de données, meilleur est le modèle. Ceci est parfaitement illustré par le succès actuel des grands modèles de langage, comme ChatGPT. Les capacités impressionnantes de ces modèles sont dues au fait que d’énormes quantités de données ont été utilisées pour leur formation.

Plus nous utilisons de données pour enseigner l’IA numérique, plus elle s’améliore, mais aussi plus la puissance de calcul est nécessaire.

Ainsi, plutôt que de remettre en question la nécessité du développement de l’intelligence artificielle, notamment pour protéger l’environnement et l’intégrité humaine, les héritiers de la Silicon Valley préfèrent exploiter le corps humain. Dès lors, peut-être verrons-nous se déployer dans les années à venir de nouveaux arguments qui présenteront l’alimentation des machines et des ordinateurs par le corps humain telle une véritable cause écologique ?

À noter:

*L’australien Cortical Labs avait déjà réalisé une démonstration en 2022 d’un système de neurones biologiques capable de jouer au jeu Pong.