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Trump signe un ordre de sortie de l’OMS

Quand passera-t-on à l'acte? À Genève on tente d'en mesurer les conséquences.

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Article de Senta Depuydt d’Essentiel News

Fidèle à sa promesse, Trump a signé un ordre de retrait des États-Unis de l’Organisation mondiale de la santé dès son arrivée à la Maison Blanche. Certains se demandent si c’est bien réel, et quand cela prendra effet. D’autres se désolent en essayant de mesurer l’impact que cette décision aura sur les programmes de la santé mondiale, d’autant que cette décision est accompagnée de la sortie des Accords de Paris sur le climat.

Quelles seront les prochaines étapes?

Allers-retours à l’OMS

Filmé derrière le célèbre “bureau oval”, Trump a commencé son premier jour de mandat en signant toute une série d’ordres exécutifs et en s’exprimant à la 1ère personne. Parmi les changements stratégiques ainsi décrétés, la sortie de l’OMS a été argumentée à coup de dollars:

Nous avons payé 500 millions de dollars à l’OMS et j’y ai mis fin. La Chine qui a une population de 1,3 milliard d’habitants payait 39 millions de dollars et nous qui en avons a peu près 400 millions, nous avons payé 500 millions de dollars. Cela ne m’avait pas l’air juste. Alors j’ai décidé d’en sortir (en 2020). Mais ce n’est pas la raison pour laquelle je suis sorti de l’OMS.

Ils m’ont offert de revenir en payant comme la Chine la somme de 39 millions, mais j’ai refusé. Quand Biden m’a succédé, il a tout de suite accepté d’y revenir et on a payé 500 millions… alors qu’il aurait pu le faire pour seulement 39. C’est incroyable à quel point ils essayent de nous ravoir. Nous verrons bien par la suite…

Cette décision, qui devrait avoir un impact majeur sur les politiques de santé mondiale, semble presque “trop belle pour être vraie” pour ceux qui en ont fait leur combat. James Roguski, qui a lutté sans relâche contre le traité pandémie de l’OMS et son emprise sur la souveraineté des États, reste prudent face à cette nouvelle. Est-ce bien réel ou est-ce un leurre, un effet d’annonce assorti d’une formulation qui pourrait tout compromettre?

Après tout, le “nous verrons bien” à la fin du commentaire de Trump laisse perplexe. En épluchant le texte signé par le Président, le militant reste sur ses gardes. Les Etats-Unis avaient déjà signifié leur retrait de l’OMS en 2020 durant le premier mandat de Trump, mais cela avait été révoqué par Biden dès son arrivée à la Maison Blanche.

Dans le texte signé par Trump au premier jour de son 2ème mandat, les États-Unis annoncent leur “intention” de se retirer de l’OMS en révoquant à leur tour la lettre de révocation émise par le Président Biden. Pourquoi ne pas utiliser un langage plus direct et plus volontaire?

Le texte énonce que les Etats-Unis vont “mettre en pause” les futurs transferts de fonds et de ressources à l’OMS. Pourquoi une “pause” et non une “fin” au flux d’argent que l’on dénonce?

Les politiques liées à la pandémie

A propos des politiques pandémiques, la section 2 du texte déclare que :

Le décret 13987 du 25 janvier 2021 (Organiser et mobiliser le gouvernement des États-Unis pour apporter une réponse unifiée et efficace à la lutte contre le Covid-19 et assurer le leadership des États-Unis en matière de santé et de sécurité mondiales) est abrogé.

Il est intéressant de noter comment l’administration Biden avait ici proclamé haut et fort le rôle de leadership des États-Unis dans les politiques pandémiques. Toutefois, le retrait de l’OMS ne signifie pas nécessairement l’abandon des ambitions américaines.

En avril 2024, alors qu’il semblait évident que les “Accords sur la  pandémie” ne seraient pas prêts pour la 77ème Assemblée mondiale de la santé, le gouvernement américain avait annoncé disposer d’un plan B détaillé dans sa “Stratégie de renforcement de la sécurité sanitaire mondiale“.

Dans ce plan qui considérait l’échec des Accords, le gouvernement Biden évoquait la nécessité de placer les États-Unis aux commandes de la réponse sanitaire mondiale par le biais de partenariats bilatéraux d’investissement financier avec une cinquantaine, voire une centaine de pays… Rien ne dit que le gouvernement Trump abandonnera cet objectif, il y a fort à parier que les Américains tenteront de garder leur domination dans le secteur de la santé, même si c’est par d’autres modalités.

Plus loin, la section 4 du nouveau décret de Trump stipule que:

Tant que le retrait des Etats-Unis est en cours, le secrétaire d’État cessera les négociations sur l’accord de l’OMS sur la pandémie et les amendements au Règlement sanitaire international, et les mesures prises pour mettre en œuvre cet accord et ces amendements n’auront pas de force contraignante pour les États-Unis.

Rappelons que les négociations sur les “Accords” (anciennement “traité”) sur la pandémie sont actuellement à l’arrêt, notamment dans l’attente de la position des États-Unis. En revanche, il n’y a plus de négociations concernant le Règlement sanitaire international dont les amendements ont déjà été adoptés. Il conviendrait donc que les États-Unis introduisent une révocation formelle à ce sujet, pour aller au bout du processus.

L’OMS en pagaille

Quand tout cela sera-t-il effectif? Certains affirment que les États-Unis ont besoin d’un an pour partir et doivent continuer à payer leurs cotisations. D’autres estiment que Trump a déjà donné le préavis d’un an en 2020 et qu’il n’a pas besoin de le signifier à nouveau. Les Américains pourraient donc quitter l’OMS plus rapidement et sans payer de cotisations ultérieures.

À Genève, où l’agenda pour la prochaine Assemblée mondiale de la santé doit être décidé, la nouvelle sème le trouble. L’OMS a publié un communiqué officiel qui ne permet pas de conclure grand chose, se contentant d’exprimer ses regrets quant à ce départ ainsi que la volonté de poursuivre une collaboration étroite avec les Etats-Unis. Il faudra sans doute attendre le 3 février prochain, lorsque les États membres se retrouveront pour la 156ème réunion du conseil exécutif qui devra examiner des questions opérationnelles et des questions de financement urgentes, ainsi que préparer l’agenda pour la prochaine Assemblée mondiale fin mai.

Selon les Geneva Health Files, la mise en œuvre et le suivi de toute une série de nouvelles initiatives, en plus des mandats existants, constituent une tâche quasi impossible pour l’OMS.

Catharina Boehme, sous-directrice générale chargée des relations extérieures et de la gouvernance à l’OMS, avait  récemment déclaré:

Où que je regarde, nous sommes mal mis. C’est incontestable. Notre champ d’action ne cesse de s’étendre. Par exemple, nous savons déjà que pour la prochaine Assemblée mondiale de la santé, 25 États membres travaillent sur 24 nouvelles résolutions, dont beaucoup élargissent encore notre mandat et couvrent des domaines de la santé pour lesquels nous n’avons pas d’équipes aujourd’hui.

Il est fort probable qu’il faudra revoir ces ambitions à la baisse.

Quel impact sur les politiques de santé globale?

Bien qu’il soit trop tôt pour réaliser les retombées de ces décisions, le fait que Trump ait également renouvelé sa volonté de sortir de l'”agenda carbone” et des Accords de Paris sur le climat permet de présager que les politiques de “la santé globale” et de “la santé liée au climat” prendront un sérieux coup de frein. Le message du président était sans ambiguïté: les politiques de réduction du carbone sont une farce et les Etats-Unis comptent réinvestir l’exploitation pétrolière:

Je me retire immédiatement de l’accord de Paris sur le climat, qui est une escroquerie injuste et unilatérale. Les États-Unis ne saboteront pas leurs propres industries alors que la Chine pollue en toute impunité.

…A partir de maintenant nous allons forer sans plus nous arrêter.

À Davos où le Forum économique mondial vient de démarrer son sommet annuel, Ursula von der Leyen n’a pas tardé à réagir en réaffirmant le soutien de l’Europe aux Accords de Paris, qu’elle considère comme “le meilleur espoir pour l’humanité” de résoudre la crise climatique.

Quel sera l’impact de toutes ces décisions sur les politiques de santé globale? D’autres pays vont-ils également tenter de sortir de l’OMS ou d’autres organisations ou traités, ou vont-ils renforcer leur contributions et leur engagement dans les programmes supranationaux? Dans ce cas l’on pourrait assister à une montée en puissance de la Chine, de l’UE ou d’États comme l’Allemagne et la Grande-Bretagne, à moins que le privé ne passe en première ligne avec des ONG comme l’Alliance GAVI pour la vaccination et les fondations Bill Gates et Wellcome Trust?

Quoi qu’il en soit, ce départ devrait inciter les membres de l’organisation à exiger une réforme profonde de sa mission et de son fonctionnement, en premier lieu retrouver un financement plus transparent où les fonds et les priorités d’action ne sont pas directement déterminés par leurs donateurs.

L’on pourrait aussi espérer une révision des mandats des dirigeants et une enquête externe sur un grand nombre de fonctionnaires de l’organisation. Idéalement, il faudrait aussi remettre en question le rôle normatif et centralisateur de l’OMS, puisque la plupart des pays ont leurs propres agences de santé nationales et que la FDA et l’EMA exercent déjà des rôles régulateurs…

À terme, si d’autres pays emboîtent le pas aux États-Unis, il n’est pas impossible d’imaginer une dissolution de l’organisation pour en revenir à des politiques nationales de santé publique, comme le suggérait l’ancien président de la commission santé au Conseil de l’Europe, le prof. Wolfgang Wodarg.

Sans s’aventurer aussi loin, le duo Trump et Kennedy promet déjà un véritable assaut contre Big Pharma et sa “guerre contre la santé publique et la démocratie” comme l’annonçait déjà le livre dans lequel Robert Kennedy Jr. avait dénoncé Anthony Fauci, Bill Gates et leurs acolytes. Sa motivation semble sincère autant que sa détermination à atteindre son objectif. Comme il l’a répété il y a deux jours sur le compte X de leur programme commun pour la santé (“MAHA action” – Make America Healthy Again soit rendre à l’Amérique sa santé):

Cela fait 19 ans que chaque matin, je prie 30 minutes pour cela: cela fait 19 ans que je demande à Dieu de me mettre dans une position qui me permettrait de mettre fin à l’épidémie de maladies chroniques et rendre la santé à nos enfants.

Reste à espérer que Dieu et Trump l’exaucent.