Les signes annonciateurs d’une nouvelle grande guerre

Le recours à l'arme nucléaire: une propagande anxiogène ou la préparation à un réel danger?

Cette image provient d'une des fameuses fresques apocalyptiques de l'aéroport de Denver.

Chronique d’Icaros d’Essentiel News

Les dernières déclarations bellicistes d’Emmanuel Macron ne sont que le énième exemple d’une tendance inquiétante: la banalisation dans le discours public de l’idée d’une troisième guerre mondiale.

A la fin de la guerre froide le consensus était, de part et d’autre du «rideau de fer», qu’une conflagration entre grandes puissances était nécessairement synonyme de catastrophe existentielle. Lorsqu’en novembre 1985 les présidents Reagan et Gorbachev ont fait à Genève leur déclaration historique affirmant qu’«une guerre nucléaire ne peut être gagnée et ne doit jamais être menée», cela a enterré, pour toujours pensait-on à l’époque, les craintes d’un tel conflit.

On avait alors à l’esprit la citation attribuée à Einstein, «je ne sais pas avec quelles armes se fera la troisième guerre mondiale, mais la quatrième guerre mondiale se fera avec des bâtons et des pierres», et on s’accordait à penser que la deuxième guerre mondiale avait été la dernière.

Pourtant, cette idée n’a pas prévalu pendant l’ensemble de la guerre froide, et l’équilibre de la terreur (destruction mutuelle assurée) n’a pas toujours fait l’unanimité.

En 1957, le futur ministre des affaires étrangères américain Henry Kissinger publiait un livre intitulé «Nuclear Weapons and Foreign Policy» dans lequel il arguait que «le domaine le plus fructueux de la réflexion stratégique actuelle est la conduite et l’efficacité d’une guerre nucléaire limitée.» Cette idée d’une «guerre nucléaire limitée» a fini par être officiellement formulée en toutes lettres dans les années 1970 sous la dénomination de doctrine Schlesinger.

Or depuis les années 2010, une évolution inquiétante a lieu: le monde semble revenir aux positions de Schlesinger. La guerre nucléaire n’est plus considérée comme impensable, mais comme scénarisable, contenable, voire gagnable. Les positions et le vocabulaire des think tanks, appelés parfois en français «instituts d’ingénierie politique», et dont certains sont connus pour annoncer les développements géopolitiques des années à l’avance, illustrent parfaitement cette tendance.

Par exemple, dans un rapport de 2016 du Center for Strategic International Studies intitulé «Penser à l’impensable dans un monde hautement proliférant», l’auteur évoque un futur où des armes nucléaires tactiques pourront être utilisées dans des théâtres régionaux. Dans un rapport de 2018 du Center for Global Security Research intitulé «Guerre nucléaire limitée: le défi du XXIe siècle pour les États-Unis», l’auteur suggère explicitement que les États-Unis doivent être prêts, non seulement à dissuader, mais aussi à mener et gagner une «guerre nucléaire limitée».

Le journal Foreign Affairs publié par le Council on Foreign Relations, certainement une des voix les plus influentes dans les cercles géopolitiques occidentaux, proposait quant à lui en 2018 un article titré «Si vous voulez la paix, préparez la guerre nucléaire», dont l’auteur Elbridge Colby, actuel sous-secrétaire à la Défense de Trump, argue qu’une guerre nucléaire limitée pourrait être menée de façon contrôlée, efficace, et stratégiquement avantageuse pour les États-Unis.

Ce tout petit échantillon, qui ne représente que quelques exemples d’une vaste multitude d’articles et de rapports du même ordre, révèle le retour au pouvoir des NUTS, pour «Nuclear Use Theorists» (théoriciens de l’utilisation d’armes nucléaires). Or l’actualité récente semble démontrer que les planificateurs centraux prévoient effectivement une nouvelle conflagration mondiale, toute scénarisée soit-elle.

Guerres et rumeurs de guerre

En plus du discours public et du consensus politique qui change, des signes concrets et objectifs semblent indiquer que les planificateurs se préparent à scénariser une nouvelle grande guerre:

  • La Pologne a annoncé ce mois-ci qu’elle se prépare à une guerre contre la Russie. Le premier ministre Donald Tusk a annoncé au Parlement polonais qu’ils prévoient de constituer une armée de 500’000 soldats, ce qui impliquerait une conscription générale. Le pays envisage également d’héberger des armes nucléaires américaines.
  • La Pologne et les pays Baltes ont annoncé leur intention de se retirer de la convention d’Ottawa, qui interdit l’acquisition, la production, le stockage et l’utilisation des mines antipersonnel. Selon Paweł Bejda, secrétaire d’État au ministère polonais de la défense, son pays se prépare par la suite à installer 1 million de mines antipersonnel à sa frontière orientale.
  • Les pays Baltes viennent de décider de construire une «ligne défensive» de 600 bunkers sur leurs frontières avec la Russie.
  • Les planificateurs militaires britanniques se prépareraient à un déploiement imminent de forces spéciales en Ukraine, à des fins de «maintien de la paix». A cette occasion, les médias britanniques se sont assurés de rappeler à leur public qu’un tel déploiement ne nécessite pas l’approbation du Parlement, et qu’en l’occurrence il se trouve déjà en «phase opérationnelle».
  • L’Europe toute entière se prépare à la guerre, et les médias l’annoncent candidement. Les pays nordiques distribuent des guides de survie en cas de guerre, la Suède et la Finlande ont renoncé à la neutralité contre la Russie, et les médias de masse révèlent que l’Allemagne dispose depuis peu d’un «plan complet de 1000 pages», baptisé «Operation Deutschland», qui détaille l’organisation que le pays prévoit de mettre en œuvre en cas de «guerre à grande échelle».
  • Les médias de masse publient des sondages qui prétendent mesurer l’engouement des Européens pour une troisième guerre mondiale, en spéculant sur les pays qui seraient impliqués, et sur la probabilité de victoire de chaque partie.
  • A l’instar d’autres pays européens, le gouvernement d’Emmanuel Macron prévoit d’envoyer à tous les ménages français un «manuel de survie» qui «détaille les mesures à prendre en cas de conflit armé ou d’autre crise majeure.»
  • En France, la nouvelle loi de programmation militaire 2024-2030 permet au président de la République de réquisitionner personnes et biens, en cas de menace réelle ou supposée, de façon à assurer les «engagements internationaux» de la France en matière de Défense.
  • La nouvelle administration Trump multiplie les déclarations belliqueuses à l’encontre de l’Iran, et semble parfaitement disposée à continuer de mettre en œuvre la «politique étrangère» israélienne; caractérisée par la stratégie Clean Break et le plan Yinon, elle est connue depuis le 11 septembre au moins, et implique la destruction de sept pays; dont un seul, l’Iran, n’a pas encore été détruit conformément au plan.
  • Selon ce qui précède, Donald Trump vient de communiquer un ultimatum à l’Iran, indiquant que si le pays n’obtempérait pas dans les deux mois, il subirait une campagne «sans précédent» de bombardements. Ses demandes impliquent notamment un démantèlement de tous ses missiles, ainsi qu’une dissolution de son programme nucléaire civil; des conditions qui ne semblent pas être conçues pour être acceptées. En conséquence, l’Iran se prépare à la guerre.
  • En guise de confirmation, le Washington Post, publication notoirement proche des services de renseignement américains, a annoncé le mois dernier en grande pompe qu’Israel s’apprête à mener ces prochains mois une «attaque préemptive» contre le programme nucléaire iranien, ce qui constituerait selon les principaux concernés un casus belli qui entraînerait inévitablement les États-Unis dans la guerre.
  • La dialectique s’est accentuée autour d’une guerre que les États-Unis s’apprêteraient à mener contre la Chine, dans la mesure où celle-ci aurait l’intention d’envahir Taiwan en 2027. Le général Anthony J. Cotton, chef du STRATCOM (responsable des armes nucléaires américaines), vient d’affirmer que l’objectif du dirigeant chinois Xi Jinping est bien d’envahir Taïwan en 2027, ce qui fait écho à ce que la CIA affirmait déjà en 2023. Le Washington Post vient de surcroît de faire état d’un mémorandum interne à l’actuel ministère de la défense américain qui décrirait «l’exécution de la vision du président Donald Trump de préparer et gagner une guerre potentielle contre Pékin.»

Propagande anxiogène ou véritables projets?

Il est toujours difficile de faire la distinction entre deux scénarios possibles: premièrement, une propagande anxiogène, similaire à ce qui se faisait pendant la guerre froide, et dont le but est simplement d’entretenir l’angoisse publique à des fins de contrôle. Deuxièmement, une authentique programmation de l’opinion en vue d’un véritable débouché, comme ce qui s’est fait dans les mois et années qui ont précédé la «pandémie» de 2020-2022.

En l’occurrence, on ne sait pas si les planificateurs centraux prévoient effectivement de scénariser une nouvelle grande guerre; on peut toutefois souligner trois choses qui démontrent qu’une telle possibilité n’est plus aussi impensable qu’avant.

Tout d’abord, l’incommensurable ridicule qui est devenu une véritable marque de fabrique de la guerre psychologique moderne, et qui est destiné, comme on a déjà eu l’occasion de l’expliquer, à subvertir, démoraliser, humilier, et enrager. A titre d’illustration récente, voici la dernière vidéo de la commission européenne sur les préparatifs que les citoyens européens devraient entreprendre en perspective notamment d’une guerre contre la Russie.

 

Une telle ineptie illustre la distribution des rôles caricaturaux d’un possible futur conflit, et dans laquelle l’Occident, décadent, corrompu et incompétent, jouerait celui du perdant. Le fait que le New York Times, média contrôlé s’il en est un, vienne de confirmer ce que tous les observateurs avertis savaient déjà, et ce que Poutine répète depuis trois ans, à savoir que les États-Unis et l’OTAN se sont servis des Ukrainiens comme boucliers humains pour mener une guerre (désormais perdue) contre la Russie, s’inscrit dans le même paradigme de compréhension.

Deuxièmement, une catastrophe économique et monétaire affectant le système dollar est devenue inévitable à ce stade; la dédollarisation des échanges internationaux est annoncée de toutes parts; et de tels bouleversements de l’ordre économique mondial sont presque toujours corrélés à des conflits armés.

Troisièmement, plusieurs membres importants de la nouvelle administration américaine, à commencer par le président lui-même, sont obnubilés par des superstitions obscurantistes de la fin des temps, et semblent convaincus qu’il est de leur ressort «d’immanentiser l’eschaton». C’est un sujet sensible et délicat, qui paraît abracadabrantesque de prime abord, et au sujet duquel on ne peut s’étendre davantage pour l’instant (tout en promettant qu’il sera plus amplement traité si un tel dessein se précise).

En conclusion, en observant honnêtement les tendances, on est obligé d’admettre que la probabilité d’une nouvelle guerre mondiale n’est pas négligeable. Dans la perspective d’une telle éventualité, il convient, tout en espérant que ça ne se produise pas, de s’y préparer en gardant trois choses à l’esprit: que la peur est contre-productive, que la guerre livrée à l’humanité est avant tout d’ordre spirituel, et que si un sauveur providentiel finit par être présenté, il faudra éviter de tomber dans le panneau.