L’avocat suisse Me Henri Gendre et le Dr Philippe Vallat, expert en santé publique, ont co-rédigé une analyse des enjeux du nouveau Traité pandémique et des modifications du Règlement sanitaire international prévus pour 2024.
Pour ces auteurs, il existe un risque réel que ces accords, synonymes de délégation quasi-totale de souveraineté à l’OMS en cas de crise sanitaire ou climatique, avérée ou construite, soient acceptés sans aucun débat démocratique.
L’OMS sans contrôle?
Dans un document de 18 pages, les auteurs décrivent en termes simples ce qui nous attend dès 2024 si les réformes de l’OMS – voulues surtout par leurs sponsors privés – sont acceptées par les états membres de l’organisation sise à Genève.
En substance, ajoutent-ils, le directeur de l’OMS, non élu démocratiquement et sans contrôle, pourrait seul déclarer une urgence sanitaire mondiale, même contre l’avis de son propre conseil scientifique comme on l’a vu avec la variole du singe.
Santé publique et paix sociale
Me Henri Gendre et le Dr Philippe Vallat mettent en garde:
Dans cette situation, les autorités suisses ont le choix. Elles peuvent accepter l’extension des pouvoirs de l’OMS, privant les citoyennes et citoyens de ce pays des moyens juridiques et politiques leur permettant de défendre leurs droits fondamentaux, ce qui ôtera leur responsabilité personnelle pour leur santé et restreindra d’une façon inacceptable l’autonomie de prescription de soins par les agents du secteur médical.
Elles peuvent au contraire s’opposer explicitement à cette extension des pouvoirs de l’OMS, d’une part lors des travaux préparatoires actuellement en cours à l’OMS, mais aussi lors de l’Assemblée mondiale de la santé en mai 2024 et lors de l’approbation future éventuelle du traité pandémique CA+ (ndlr: projet préliminaire conceptuel) de l’OMS et des amendements au RSI (ndlr: Règlement sanitaire international) 2005.
Ce choix crucial aura des conséquences non seulement sur la santé publique mais également sur le climat politique et la paix sociale dans notre pays.
La balle est dans le camp du Conseil fédéral
Le choix de l’opposition à l’extension des pouvoirs de l’OMS s’impose. Le Conseil fédéral est dès lors invité, au besoin par injonction parlementaire, à instruire des conséquences réelles ses agents négociateurs ainsi que les trois délégués suisses qui participeront à l’Assemblée mondiale de la santé en mai 2024. Si le traité CA+ de l’OMS était néanmoins approuvé à la majorité des deux tiers des États représentés et votants (article 19 Cst OMS), il ne pourrait pas être ratifié avant d’avoir été soumis à l’approbation de l’Assemblée fédérale avec référendum obligatoire ou facultatif (articles 140 al. 1 lettre b et 141 alinéa 1 lettre d Cst CH).
Quant aux amendements au RSI 2005, s’ils étaient approuvés à la majorité simple des États représentés et votants (articles 21 et 60 lettre b Cst OMS), le Conseil fédéral devrait immédiatement signifier au Directeur de l’OMS une réserve d’approbation par l’Assemblée fédérale qui devrait statuer par arrêté fédéral avec référendum obligatoire ou facultatif (articles 140 al. 1 lettre b et 141 alinéa 1 lettre d Cst CH).
Nous reproduisons ci-dessous, avec l’aimable autorisation des auteurs, le document complet ainsi que la partie introductive de l’analyse de Me Gendre et du Dr Vallat (publication originale ici).
Mémoire sur le traité pandémique CA+ de l’OMS en cours d’élaboration et sur les amendements projetés au Règlement sanitaire international (RSI)
Introduction
Le contexte en bref
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En décembre 2021, les États membres de l’OMS ont décidé lors d’une session extraordinaire de l’Assemblée mondiale de la santé de créer un organe intergouvernemental de négociation (INB1) pour rédiger et négocier une convention, un accord ou un autre instrument international de l’OMS, dénommé le CA+ de l’OMS, prescrivant les mesures à prendre et la manière de les mettre en œuvre pour prévenir la survenance d’une pandémie et d’en organiser la riposte si elle survenait.
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La négociation de cet accord va de pair avec une modification du Règlement sanitaire international (RSI) de 2005.
Les modifications majeures en cours de discussion
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Les modifications de l’article 3 “Principes” remplaceraient les termes “respect de la dignité des personnes, des droits de l’homme et des libertés fondamentales” par les termes “d’équité, d’inclusivité, de cohérence et de solidarité”, ou ajouteraient ces derniers.
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L’OMS jouerait un rôle central de direction et de coordination en tant que”cheffe de file de la coordination multilatérale dans la gouvernance mondiale de la santé”, les États étant “tenus” de mettre en œuvre les mesures déclarées appropriées, devenant ainsi juridiquement contraignantes.
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Le Directeur général de l’OMS, après consultation d’un comité d’urgence, aurait la compétence de décréter, seul et sans possibilité d’opposition, la survenance potentielle ou actuelle d’une crise sanitaire de portée internationale (PHEIC).
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Les États membres reconnaîtraient l’OMS durant une telle situation de crise comme l’autorité de gouvernance et de coordination pour les mesures de prévention et de riposte et s’obligeraient à suivre ses prescriptions; les mesures ordonnées seraient mises en œuvre sans délai et imposées par les États membres à tous les acteurs non étatiques.
Le processus politique
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Le Conseil fédéral soutient en l’état explicitement l’accroissement dans ce sens du rôle de l’OMS et s’engage à appliquer de manière efficace et conséquente le RSI.
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Les projets finals du CA+ de l’OMS et de celui des amendements au RSI 2005 devraient être présentés pour vote d’approbation à la 77ème Assemblée mondiale de la santé de mai 2024.
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La ratification du CA+ de l’OMS et l’approbation du nouveau RSI modifié seraient de la compétence de l’Assemblée fédérale, via un Arrêté fédéral soumis à référendum.
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Cette ratification et cette approbation impliqueraient une modification concomitante de la législation suisse sur les épidémies.
Les enjeux
Les actuels projets du CA+ de l’OMS et d’amendements au RSI 2005 impliquent un changement de paradigme.
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Alors que l’OMS avait jusqu’à maintenant un rôle de facilitation volontaire au service des États membres, ces derniers deviendraient les agents d’exécution de décisions juridiquement contraignantes d’un organisme international non démocratiquement élu et financé largement par le secteur privé.
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Les mesures sanitaires décrétées par l’OMS auraient pour conséquence un abandon de souveraineté des États membres en matière de santé, une atteinte importante aux droits fondamentaux inaliénables de ses ressortissants, une déresponsabilisation de ces derniers par rapport à leur santé et une restriction inacceptable à l’autonomie de prescription de soins par les agents du secteur médical.
PS : En réponse à une motion déposée au Parlement suisse, le Conseil fédéral dit qu’il “examine soigneusement chaque nouveau traité international afin de déterminer si celui-ci doit être soumis au Parlement pour approbation et à un référendum le cas échéant” et que “La Suisse continuera à décider de sa politique nationale en matière de santé et à prendre des mesures nationales en toute indépendance.”
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