Pacte du Futur: la Russie bloque les pleins pouvoirs au Secrétaire général de l’ONU

Partager

L’ONU ne pourra pas prendre les commandes mondiales en cas de situation d’urgence.

Dimanche 22 septembre, les participants à l’ouverture du Sommet du Futur des Nations Unies (« ONU ») ont adopté “par consensus” le Pacte pour l’avenir et ses 2 annexes. La Russie et quelques pays qualifiés de “souverainistes” se sont opposés au renforcement des pouvoirs de l’ONU et de son Secrétaire Général, dans le cadre de la création d”une “plateforme d’urgence” en cas de chocs mondiaux complexes.

Peu d’enthousiasme

Selon le communiqué de presse de l’ONU, les Nations unies ont adopté dimanche un “Pacte pour l’avenir” visant à relever les défis du XXIe siècle, qui vont des conflits au changement climatique en passant par les droits de l’homme, malgré les objections de dernière minute d’un groupe de pays dirigé par la Russie.

Dans son allocution lors de l’ouverture du Sommet, le Secrétaire général Antonio Guttierez avait déclaré que le Pacte était :

Une occasion unique de réimaginer le système multilatéral et d’orienter l’humanité sur une nouvelle voie pour respecter les engagements existants et résoudre les défis à long terme.

Le pacte présente 56 « actions », dont des engagements en faveur du multilatéralisme, du respect de la Charte des Nations unies et du maintien de la paix.

Il appelle à réformer les institutions financières internationales et le Conseil de sécurité de l’ONU, ainsi qu’à des efforts renouvelés pour lutter contre le changement climatique, promouvoir le désarmement et guider le développement de l’intelligence artificielle.

Il semble toutefois que l’enthousiasme de certaines nations ait été assez mitigé. La signature des documents paraissait même incertaine, jusqu’à la dernière minute. Selon ABC News, le suspense était tel que le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, avait préparé trois discours : un pour l’approbation, un pour le rejet et un dernier en cas de situation entre-deux, a déclaré le porte-parole des Nations Unies, Stéphane Dujarric.

Rejet russe

L’adoption du texte a été brièvement retardée lorsque le vice-ministre russe des affaires étrangères, Sergey Vershinin, a présenté un amendement appelant à rejeter le pacte, en soulignant le « principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des États » et invitant l’ONU à éviter de dupliquer les efforts.

Six pays alliés à la Russie lui ont emboîté le pas: Le Nicaragua, l’Iran, le Soudan, la Biélorussie, la Corée du Nord et la Syrie. 15 autres se sont abstenus, notamment la Chine, Cuba, l’Irak, le Laos, la Malaisie, le Pakistan et le Sri Lanka. En tout ce sont donc 22 nations qui n’étaient pas majoritairement satisfaites du Pacte.

Au cours de la phase de négociation, M. Guterres avait exhorté les pays à faire preuve de “vision” et de  “courage”, appelant à une “ambition maximale” pour renforcer les institutions internationales qui peinent à répondre efficacement aux menaces actuelles.

L’audace et l’ambition dont il est question se réfèrent notamment à l’action 57 et à la proposition de renforcer les pouvoirs de l’ONU en cas de chocs mondiaux complexes.

Pouvoirs spéciaux

Dans le texte initial du Pacte, soumis à une procédure sous silence dans les semaines qui ont précédé le Sommet du Futur, l’Action 57 était formulée comme suit:

Nous demandons au Secrétaire général de soumettre à l’examen des États membres des protocoles pour la convocation et l’opérationnalisation de plateformes d’urgence fondées sur des approches flexibles pour répondre à une série de différents chocs mondiaux complexes, y compris des critères pour le déclenchement et le retrait progressif des plateformes d’urgence.

Cette proposition est similaire aux articles du “Traité pandémies” qui visaient à conférer au directeur de l’OMS des pouvoirs renforcés dans le cadre de la déclaration des urgences sanitaires.

Mais suite à l’intervention russe, cette Action et la “plateforme d’urgence” ont été supprimées et remplacées par une déclaration d’intention qui maintient l’ONU et son Secrétaire dans leur rôle actuel. Les passages suivants de l’Action 54 l’expriment ainsi:

Les principes de souveraineté et de consentement national, l’équité, la solidarité et la coopération guideront nos réponses futures aux chocs complexes, dans le plein respect du droit international.

Ceci comprend la Charte et ses buts et principes, les mandats existants des Nations Unies, ses buts et principes et les mandats existants des organes et processus des Nations Unies, les entités du système des Nations Unies et ses agences spécialisées.

Nous maintiendrons le rôle du Secrétaire général, qui consiste notamment à convoquer les États membres, promouvoir la coordination de l’ensemble du système multilatéral et de s’engager avec les parties prenantes concernées en réponse aux crises.

Nous demandons au Secrétaire général d’envisager des approches visant à renforcer la réponse du système des Nations Unies face aux chocs mondiaux complexes, dans le cadre des autorités existantes et en consultation avec les États membres, qui soutiennent, complètent et renforcent le système multilatéral.

Malgré la multiplication des urgences, le texte adopté est donc “un plus petit commun dénominateur” et ne reflète pas l’ambition initiale du projet. Par ailleurs, indépendamment de son contenu, le Pacte et ses annexes ne sont pas contraignants, ce qui soulève bien entendu la question de leur mise en œuvre.

Une fois de plus, la tentative de l’ONU et de ses agences pour légitimer leur rôle en tant qu’organes de gouvernance mondiale est un échec. Mais ceci n’empêche pas que leurs politiques soient adoptées et financées par la majorité des nations.

On peut revoir la session d’ouverture sur UN Web TV