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Les «antivax» minent-ils vraiment la vaccination des enfants?

Le rédacteur en chef du Courrier, Philippe Bach, vient s'expliquer sur la reprise d'une dépêche à charge des "antivax" produite par l'AFP.

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Le 21 avril 2023, le quotidien genevois de gauche Le Courrier ainsi que divers autres titres de presse suisses romands ont repris une dépêche ATS/AFP intitulée “La vaccination minée par les antivax – 67 millions d’enfants ont été privés au moins en partie des vaccins durant la pandémie de Covid”.

Covidhub décortique ce compte-rendu à charge et offre une lecture critique et étayée des thèses avancées.

Le rédacteur en chef du Courrier a bien voulu répondre à nos interrogations et exposer son point de vue.

Posons le cadre.

La dépêche qui a retenu notre attention présente les résultats d’un rapport de l’UNICEF qui s’alarme sur la baisse du nombre de vaccinations infantiles observée dans le monde. Selon leur analyse, “67 millions d’enfants ont été privés au moins en partie des vaccins durant la pandémie de Covid”. Un niveau “jamais vu depuis 2008”.

Premier constat : cette publication véhicule certains mythes sur la vaccination, comme la couverture vaccinale nécessaire de 95% pour immuniser efficacement une population. Une étude a montré que le vaccin contre la rougeole n’est efficace qu’à 68%, ce qui explique nombre de flambées épidémiques dans des populations pourtant très vaccinées (voir dossier en bas d’article).

En outre, la dépêche ne fait intervenir aucun contradicteur qui aurait par exemple pu parler de l’influence grandissante de donateurs privés liés à la promotion commerciale des campagnes de vaccination, comme la Fondation Bill et Melinda Gates, qui travaille étroitement avec l’UNICEF et finance ce type de projets à hauteur de plusieurs centaines de millions de dollars chaque année.

Il y aurait pourtant beaucoup à redire sur les pratiques de ces organisations “philanthrocapitalistes”. En 2022, ARTE avait osé le sacrilège de lèse-majesté en diffusant son documentaire « L’Afrique, les OGM et Bill Gates ».

L’AFP conserve une grande crédibilité

L’Agence France Presse (AFP) est une habituée des salves contre les “antivax”. D’où vient cette véhémence à vouloir en découdre avec toute critique vaccinale ? Peut-être en raison de la proximité qui existe entre l’agence et l’Etat français.

L’indépendance de l’AFP par rapport à la “voix” de l’Etat français est en effet remise en question en raison de son financement garanti à plus de 50%, selon les dires de Claude Chollet, président de l’Observatoire des journalistes et de l’information médiatique (OJIM). Selon lui, les trois voix sur les dix-huit qui composent le Conseil d’administration de l’AFP ne reflètent pas le vrai poids de l’État dans la gestion de l’agence de presse. En outre, le directeur général de l’AFP, Fabrice Fries, n’est autre que l’ancien patron de Publicis Consultants, une grosse entreprise de publicité et de RP proche de Big Pharma.

Contacté au sujet de la reprise de cette dépêche faisant le lien entre les “antivax” et la baisse de la vaccination infantile, Philippe Bach, le rédacteur en chef du Courrier, souligne “ne pas être au courant du passé de M. Fries”. Il considère que “l’AFP fait un excellent travail journalistique, avec rigueur et déontologie” et trouve leur fact-checking d’excellente qualité. De plus, l’OJIM n’est pour lui “pas une source fiable en raison de son parti-pris d’extrême droite”.

“Titraille” jugée trop réductrice à postériori

Philippe Bach ajoute que la dépêche a été fournie telle quelle au Courrier, titre compris, par leur partenaire La Liberté, quotidien du Canton de Fribourg.

À la question de savoir comment elle a été reprise, le rédacteur en chef du Courrier reconnaît que “le lendemain, au débriefing du numéro du jour, cette titraille a été jugée par trop réductrice” car “c’est l’épidémie dans sa globalité qui est responsable de ce recul, pas le refus des vaccins”, ajoute-t-il. “Mais c’est le cas de tout titre”, poursuit le rédacteur.

Dans ce cas, le titre “survend” effectivement un aspect du problème, ce qui est “un peu malvenu”, “voire mal choisi” admet-il. Philippe Bach ne considère cependant pas qu’il soit erroné, le texte relayant “les inquiétudes de l’UNICEF sur cette question de défiance à l’égard des vaccins”.

Cette “survente” se vérifie aisément. Le rôle des “antivax” n’est effectivement cité que dans une seule phrase de l’article: « En parallèle, alors que les débats autours du Covid-19 ont remis les antivaccins sur le devant de la scène, le rapport s’inquiète d’une baisse de la confiance dans la vaccination dans 52 pays sur 55 étudiés. »

On peut regretter que d’autres facteurs pouvant expliquer cette baisse des vaccinations au niveau mondial, comme des problèmes logistiques, de capacité de production, n’ont pas du tout été évoqués dans la dépêche.

Solidarité vaccinale, moteur de la gauche
Nous avons également abordé avec Philippe Bach le thème délicat des raisons de ce soutien quasi-inconditionnel de la gauche aux campagnes de vaccinations, et cette disparition de l’esprit critique qui la caractérise pourtant souvent lorsqu’il s’agit de dénoncer les errements d’intérêts industriels, comme ceux de Monsanto.

Pfizer a en effet été condamné bien plus lourdement que le semencier agro-chimique, pour des problèmes de sécurité de ses produits et surtout pour les avoir sciemment dissimulés au grand-public et aux autorités, mettant les patients en danger.

Le Courrier ne défend pas le vaccin pour le plaisir de se vacciner, mais bien en raison d’une cohérence de valeurs, celle qui consiste à défendre les personnes les plus faibles.” Philippe Bach, rédacteur en chef

Selon Philippe Bach, “le scepticisme est présent à gauche comme à droite”, et il est tout à fait cohérent “d’être critique à l’égard des pratiques de la big pharma – par exemple le fait que les vaccins ne soient pas distribués gratuitement au sud dans le cadre d’une levée des brevets – et favorable à la vaccination”.

Au final, l’argument qui compte pour la gauche est celui de “la solidarité entre personnes en bonne santé et personnes à risques”, nous dit le journaliste.

Même quête de vérité mais deux perceptions antagonistes

L’article évoque la baisse de confiance envers les vaccins sans pour autant évoquer les raisons qui font que celle-ci s’est érodée.

Les bases de données de pharmacovigilance montrent que le vaccin Covid ne s’est pas montré aussi “sûr et efficace” que promis pour des millions de personnes dans le monde. Avec à la clé des problèmes de santé inattendus et un bouche à oreille en défaveur des vaccins qui s’en est suivi. Au lieu de cela, la dépêche tire sur les messagers, ceux qui tentent d’alerter l’opinion publique, soit les “antivax”.

Pour Philippe Bach, “cette campagne de vaccination respectait le principe de la proportionnalité”. Il constate qu’il y a “surtout eu des personnes qui sont mortes du Covid” et désapprouve les amalgames faits par les vaccino-sceptiques: “Ce n’est pas la même chose d’être un brin fiévreux après un vaccin ou d’avoir une réaction allergique,” ajoute-t-il.

Il estime que “la communauté scientifique a plutôt joué la carte du principe de précaution” et “qu’elle a tenté de respecter les règles et méthodologies scientifiques”. Tout en étant conscient que le milieu vaccino-sceptique est en désaccord avec cette analyse.

“Notre politique a toujours été de nous baser ou de tenter de nous baser sur des bases scientifiques sérieuses […], à faire confiance au consensus scientifique. Et lorsque nous le questionnons, par exemple sur le nucléaire, nous le faisons dans le cadre d’un débat scientifique basé sur des études qui tiennent la route.” Philippe Bach

Le Courrier a d’ailleurs également publié une dépêche qui “montrait que les effets secondaires sont peut-être plus élevés que ceux identifiés”, précise Philippe Bach. Bien que favorable à la vaccination, elle admettait que “ce sont les vaccinations successives qui pourraient se révéler problématiques”.

“On a craché à mes pieds”

Le rédacteur en chef déplore les “propos excessifs” des “antivax”, qui ont contribué selon lui “au pourrissement du débat” et dont certains “ont dépassé les limites de la bienséance”. Il assure qu’il lui est arrivé que quelqu’un crache à ses pieds en le reconnaissant dans la rue.

Il voit aussi d’un mauvais oeil “les gens peu recommandables” accueillis dans les manifestations, notamment certains “extrémistes de droite”.

L’éradication de la rougeole en point de mire

Fait que peu connaissent, la rougeole était considérée comme une maladie bénigne par l’OMS jusqu’à la commercialisation d’un vaccin en 1983, date à partir de laquelle elle a commencé à être considérée comme une maladie « grave aux lourdes conséquences » (voir “Le vaccin contre la rougeole, une nécessité à relativiser” en bas d’article).

Comme dit en début d’article, une étude a montré que même si 95% des vaccinés avaient des anticorps contre la rougeole après la vaccination, l’efficacité du vaccin n’était pas supérieure à 68%. La possibilité de faire disparaître la rougeole est donc un mythe. Comme avec le SARS-CoV-2, des asymptomatiques peuvent être porteurs du virus et les vaccinés peuvent tout autant transmettre le virus que les non-vaccinés.

La dépêche de l’AFP, avançant des projections de vies d’enfants sauvés par millions par les immunisations, oublie de mentionner que la quasi totalité des décès concernant ces maladies se produisent dans des pays où les conditions de vie sont totalement différentes de celles de l’Europe.

Tout le crédit est donné aux vaccins, avec des estimations de vies sauvées par millions dont on ne connaît rien du calcul, alors que la réalité est beaucoup plus complexe et multifactorielle.

Le Courrier montre patte blanche

Pour conclure, nous avons demandé au rédacteur en chef du Courrier si son journal recevait des financements de l’industrie pharmaceutique ou d’ONG encourageant la vaccination.

Il nous a répondu par la négative, ajoutant que les “rentrées proviennent de nos lectrices et lecteurs. Et 15% de la publicité, principalement politique ou culturelle. Pour ce qui est de cette dernière, nous n’avons eu aucune annonce des milieux de la pharma ou de l’Office fédéral de la santé.”

Liens et références