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Artemisia, la plante médicinale antique qui effraie la pharma

Plusieurs études démontrent l'efficacité antivirale de cette plante ancestrale, pourtant la commercialisation de tisanes en contenant est freinée en Suisse. Voici les alternatives pour s'en procurer.

Lucile Cornet-Vernet, fondatrice de la Maison de l'Artemisia
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Juan W.* vit en Suisse. Il connait comme sa poche le monde des plantes médicinales, une passion pour lui. Nous le rencontrons pour nous parler d’un sujet qui le préoccupe : l’interdiction progressive et arbitraire de préparations à base de plantes médicinales, pourtant utilisées par l’humanité depuis la nuit des temps pour lutter contre certains troubles.

Le prétexte le plus souvent avancé par les autorités est la “protection des consommateurs”, nous dit-il. Lui y décèle plutôt l’influence des lobbys pharmaceutiques qui, ne parvenant pas à imiter artificiellement les vertus thérapeutiques d’une plante, s’efforcent à coup de lobbying politique de limiter au maximum la capacité des gens de s’en procurer.

Utilisée en Chine depuis 2000 ans contre la fièvre jaune

Un exemple qui l’a frappé est le témoignage d’agriculteurs sénégalais ayant participé à un des projets de lutte contre la malaria de la Fondation Bill et Melinda Gates.

Venus en Suisse pour apprendre à cultiver l’artemisia annua, une cousine chinoise de l’absinthe, voici ce qu’ils lui ont raconté :

Leur récolte était expédiée en Belgique pour en extraire un principe actif, l’artémisinine, et fabriquer des pilules qui leur ont été renvoyées pour les soigner. Alors que les premières boîtes de médicaments étaient offertes, les suivantes leur étaient vendues. Mais beaucoup trop cher par rapport à leur salaire. Ce projet “philanthro-capitaliste” a donc vite été abandonné.

“On leur a dit qu’il était dangereux de consommer la plante sans la transformer, ce qui est absolument faux. La plante entière est même plus efficace car elle contient un cocktail de substances actives” poursuit notre interlocuteur. Ceci a été confirmé par Klaus Osterrieder, professeur de virologie à la Freie Universität de Berlin, cité dans un article de Paris Match de 2020 fort intéressant rétrospectivement, à un moment de la pandémie du SARS-CoV-2 où aucune solution n’était taboue :

J’étais surpris de constater que les extraits d’Artemisia annua fonctionnent mieux que les dérivés d’artémisinine pure et qu’en ajoutant du café l’activité est stimulée.

Ce n’est pas la première fois d’ailleurs que cette famille de plantes a été utilisée en Suisse lors d’une pandémie puisque l’absinthe – artemisia absinthium, aussi connue sous le nom d’armoise – avait été prescrite par des médecins à l’époque de la grippe espagnole.

Coup de projecteur lors de la crise Covid

Alors qu’avant le Covid l’usage d’artemisia annua était plutôt confidentiel, la crise sanitaire a mis cette plante sous les projecteurs comme un traitement efficace, bien avant l’arrivée des injections. “C’est principalement à Madagascar que son usage a été officialisé et très répandu”, précise Juan W., avant d’ajouter :

Les Chinois avaient déjà remarqué que la plante était efficace contre le SARS-CoV-1, ce qui avait fait prédire à de nombreux chercheurs, dont le Pr Raoult, que les pays traitant leur population contre la malaria s’en sortiraient mieux avec le Covid, ce qui s’est avéré vrai.

D’autres pays, notamment en Afrique et au Mexique, ont prôné son usage contre le Covid. “Que s’est-il passé lorsque les résultats positifs de Madagascar ont été médiatisés ? La plante a été interdite en France !” s’emporte notre interlocuteur.

Le documentaire de 2019 “Malaria business : les laboratoires contre la médecine naturelle ?” réalisé par Bernard Crutzen –  journaliste belge d’investigation, également réalisateur de “Ceci n’est pas un complot” et “La Loi La liberté” – diffusé par France24, dénonçait avant le Covid une interdiction aux motifs douteux :

L’artemisia annua est interdite en France et en Belgique, pourtant elle n’est pas toxique et ce n’est pas une drogue. L’artemisia n’est dangereuse que pour ceux qui font de la malaria un business.

Pour l’anecdote, la découverte de l’artémisinine en 1972 a valu un Prix Nobel à la scientifique chinoise Tu Youyou en 2015, la même année que la paire William Campbell et Satoshi Omura pour la découverte d’un vermifuge, jugé médicament essentiel par l’OMS et également efficace contre le SARS-Cov-2 : l’ivermectine.

Quand on ajoute à cela que la plante serait également utile pour traiter la tension artérielle, les infections et les cancers, on comprend qu’elle puisse rendre l’industrie pharmaceutique nerveuse.

Imbroglio à la Suisse autour des autorisations

En Suisse, les contraintes se sont renforcées depuis la crise du Covid pour l’artemisia annua, considérée soudainement comme une “novel food” et soumise à une demande d’autorisation même pour une commercialisation en tant que produit alimentaire. Et dans ce cas, il ne sera pas possible d’informer le consommateur de ses potentiels effets bénéfiques pour la santé.

Selon Nicole B.*, une source proche des milieux agricoles souhaitant rester anonyme, “l’artemisia annua a été vendue en Suisse pendant des décennies sans nécessité d’obtenir une autorisation”. Elle se dit persuadée que le vrai problème n’est pas la dangerosité de la plante elle-même :

J’imagine qu’il y a un lien entre l’interdiction de commercialisation sans autorisation et le fait que l’Artemisia annua ait été utilisée contre le Covid et d’autres maladies dans de nombreux pays.

L’autre alternative est d’opter pour une autorisation en tant que produit thérapeutique chez Swissmedic, une procédure administrativement lourde qui dure environ trois ans. C’est ce qu’a fait la marque Sidroga, pour chacune de ses “tisanes”, un mot légalement réservé en Suisse à un usage thérapeutique, soumis à autorisation. Une finesse largement inconnue du grand-public, pour lequel “tisane” fait toujours partie du language commun. “Swissmedic s’est approprié le mot”, déplore Nicole B..

Ce qui peut paraître normal pour un vrai nouvel aliment devient absurde dans le cas d’une plante dont les propriétés alimentaires et médicinales sont largement référencées dans la littérature et sur Internet, sur des dizaines voire des milliers d’années. Nicole B. y voit une censure illégitime :

Avec ces nouvelles restrictions législatives disproportionnées, on est en train de gentiment enlever à la population la possibilité d’acheter en libre service des plantes qui sont utilisées sous forme de tisane dans notre pays depuis des centaines d’années et qui n’ont pas de toxicité sous cette forme-là. Qu’est-ce-qui justifie que tout à coup l’industrie pharmaceutique s’approprie ces plantes qui pourront être vendues seulement par le biais de pharmacies ou avec un enregistrement chez Swissmedic ? Ils sont en train d’empêcher la transmission du savoir ancestral qu’est celui de l’utilisation des plantes pour la santé.

D’autres plantes faisant concurrence à des produits pharmaceutiques figurent actuellement sur une liste des plantes toxiques. C’est le cas du millepertuis, qui serait un efficace antidépresseur naturel et que l’industrie pharmaceutique n’a pas réussi à synthétiser. Cette plante n’est pourtant pas vraiment toxique. Preuve en est qu’elle est autorisée au niveau alimentaire comme arôme dans certains alcools. Une contradiction qui ne surprend pas notre contact.

Trucs pour consommateurs rusés

Confrontés à ces nouvelles contraintes, les consommateurs avertis doivent faire preuve d’imagination pour continuer à se procurer le précieux breuvage. L’artemisia annua se trouve maintenant dans le commerce dans une palette réduite de produits : pour un usage vétérinaire, comme matière de remplissage pour des coussins, comme moyen de fumigation ou encore comme “herbe” pour le bain.

Ceux qui ont la main verte optent pour l’auto-culture et se procurent des graines auprès de semenciers ou d’associations, comme ResSources en Suisse, qui “préserve et diffuse une collection de semences libres et reproductibles” depuis 2009. Contacté, son directeur, Joël Vuagniaux, confirme que parmi les plus de 600 sortes de semences proposées figure l’artemisia annua. Leur mission est de “contribuer à diffuser la biodiversité” en fournissant des petits volumes de semences aux particuliers qui le souhaitent. Pour la France, l’association Kokopelli fournit également des graines de plusieurs variétés d’artemisia.

* noms connus de la rédaction

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