La hausse des cas de Covid en Chine fait l’objet de traitements alarmistes par les médias occidentaux depuis quelques jour (voir les titres ci-dessous). Or ce rattrapage épidémique après quasi trois ans de confinements extrêmes est inévitable. Mais comme l’explique l’article qui suit, la vague de contaminations ramenée à la population chinoise reste modeste. Plus bas, l’article de Philippe Oswald (LSDJ) rappelle l’échec dramatique de la politique Zéro-Covid, qui a menacé la survie même du régime communiste. (Covidhub)
Covid: un nouveau péril chinois?
par Rodolphe Bacquet, Alternatif Bien-Etre
Les médias relaient l’inquiétude des gouvernements et de l’OMS, qui craignent une véritable déferlante de contaminations en Occident avec la réouverture des frontières chinoises.
Mais cette couverture médiatique effrayante occulte deux éléments importants qui éclairent tout à fait différemment la «catastrophe sanitaire» que traverserait la Chine aux dires des TV et journaux.
Une «déferlante»… moins forte qu’en France !
- La vague épidémique qui se produit actuellement en Chine est, vous le savez probablement, la conséquence de la fin brutale de la politique «zéro-Covid» du gouvernement chinois (voir article LSDJ ci-dessous).
Cette politique extrémiste de confinement général d’une ville ou d’une province dès qu’un cas de covid se déclarait avait pris des proportions inhumaines: peut-être avez-vous vu passer, il y a quelques mois, ces vidéos d’habitants de Shanghaï cloîtrés chez eux, hurlant de désespoir à leurs fenêtres.
«Rattrapage épidémique» après un confinement radical
Néanmoins le gouvernement chinois aurait dû apprendre des autres pays du monde que, plus un confinement est radical et long, plus le «rattrapage» épidémique est sévère lorsqu’on y met un terme.
Enfermer à double tour la population empêche effectivement le virus de circuler… mais uniquement le temps que dure cet enfermement (qui, pour de multiples raisons, ne peut se prolonger ad vitam) !
À la réouverture, le virus a donc un terrain immunitaire pour ainsi dire vierge parmi la population. Telle est la situation que vit la Chine, aggravée par le fait que la levée de cette politique zéro-Covid a été décrétée du jour au lendemain, sans préparation d’aucune sorte.
C’est ce qui donne, en valeur absolue, ce «spectaculaire pic de contaminations» [1] :
La Chine, qui a passé deux ans sans pic épidémique (jusqu’en mars 2022) alors même que c’est sur son territoire qu’est apparu le virus, est en effet en train de connaître son premier pic épidémique important.
…Mais ce pic est très faible en proportion de la population
2. Toutefois… rapporté au nombre d’habitants du pays, ce «pic» est faible, y compris si on le compare aux taux actuels de contamination en Europe et en particulier en France qui ne sont plus, officiellement, en phase épidémique !
Cette carte montre que le nombre de cas quotidiens confirmés par million d’habitants est bien plus faible qu’en Europe:
On y voit que, durant tout le mois passé (du 13 décembre 2022 au 9 janvier 2023), les pays qui ont connu le plus de contaminations (en rouge) sont le Pérou, l’Australie, la Mongolie, le Japon et des pays d’Europe de l’ouest : la France et l’Italie ! …
… quand la Chine, elle, affiche un jaune pâlot !
En proportion, 200 fois plus de contaminations en France!
Il est donc assez cocasse que les médias français parlent de tsunami épidémique au sujet de la Chine alors que, rapporté à son nombre d’habitants, les contaminations sont 200 fois plus nombreuses en France sur la même période !!!
À ces chiffres vous pourrez cependant me rétorquer de bon droit deux arguments :
Le premier, c’est que la Chine est un territoire gigantesque, et que les zones les plus touchées par le Covid sont très circonscrites : il s’agit de Shanghaï et de la province du Henan, dont quelque 90% de la population aurait été testée positive au Covid (!)[3].
Les cas sont donc « dilués » dans la population d’1,4 milliards de citoyens chinois. C’est vrai.
Les chiffres chinois sont-ils fiables?
Le second, c’est qu’on peut soupçonner les autorités chinoises de ne pas être transparentes quant aux données sanitaires qu’elle communique (notamment le nombre de morts du covid), phénomène aggravé par un trait culturel capital en Chine : ne pas perdre la face.
Or, admettre un nombre record non seulement de contaminations, mais encore de décès dus au Covid, serait probablement humiliant aux yeux du gouvernement chinois.
À cet argument je répondrai que les Chinois font vraisemblablement l’inverse des Occidentaux : durant toute la pandémie en France, tout décès «avec Covid» était imputé au Covid, alors que c’était de toute évidence la comorbidité la cause réelle du décès.
Ce système de décompte a artificiellement gonflé le bilan de la pandémie.
De ce que l’on sait du profil des malades en Chine, les patients les plus gravement touchés (placés sous respirateur) sont, comme il y a deux ans en France, des personnes âgées et/ou avec comorbidité.
Lorsque l’un de ces patients décède, on peut supposer que les médecins chinois ont pour instruction, à l’inverse des médecins occidentaux, d’indiquer la maladie préexistante comme cause du décès.
Mais il est temps d’aborder un autre point, tout aussi important : la vaccination.
90% de la population chinoise est vaccinée
En Chine, près de 3,5 milliards (oui, milliards) de doses de vaccins anti-Covid ont été administrées depuis décembre 2020 [4].
92,4% de la population a reçu au moins une dose, et 90,2 % est complètement vaccinée.
Ce taux avoisine les 100% dans les grandes villes… dont Shanghaï, où l’épidémie fait rage actuellement.
Il serait facile d’adopter un regard condescendant sur ces chiffres, en estimant que les Chinois étant majoritairement vaccinés avec le sinovax (et non les vaccins occidentaux type Pfizer ou Moderna), ils sont «moins bien protégés que les Occidentaux».
Les vaccinés chinois ni mieux ni moins bien protégés que les Occidentaux
La réalité est beaucoup plus prosaïque : les Chinois, avec leur vaccin national, ne sont ni mieux ni moins bien protégés que les Occidentaux avec leurs vaccins américains et européens.
Cette réalité, indiscutable vues les proportions du pic épidémique en Chine (on aurait pu, en théorie, s’attendre à ce qu’une population vaccinée à plus de 90% ne connaisse pas un tel pic) a conduit, discrètement, les grands médias français à repositionner leur discours en termes d’immunité.
Ainsi, le journal Le Monde du 7 janvier a tranquillement écrit noir sur blanc qu’une population généralement vaccinée, sans immunité naturelle, n’était pas protégée[5] :
De tels propos auraient, dans un organe de presse comme Le Monde dont la position est calquée sur celle du gouvernement, été inimaginables il y a un an seulement.
Imaginez-vous en effet Le Monde, le Figaro, Libération, en pleine période du pass vaccinal, admettre en lettres grasses qu’une population vaccinée dépourvue d’immunité naturelle n’est pas protégée ?
Ils ne l’ont pas écrit, à l’époque ; et pire, ceux qui le disaient étaient au mieux censurés, au pire vilipendés et qualifiés d’antivax.
La Chine a perdu la foi dans le vaccin… contrairement à l’Europe
Les autorités chinoises ne s’y trompent d’ailleurs plus, et admettent publiquement qu’elles mettent désormais l’accent sur les traitements antiviraux plutôt que sur la vaccination pour faire face à ce pic épidémique…
…tandis qu’en France, nous en sommes toujours à ne tabler que sur la vaccination !
Bref, la Chine passe actuellement un sale quart d’heure avec le Covid. Mais elle a au moins eu le courage de renoncer à une politique sanitaire absurde, quand la France et les pays occidentaux restent jusqu’ici accrochés à leur croyance du vaccin comme solution universelle à la maladie.
Autrement dit, ce traitement médiatique du pic épidémique en Chine en dit plus long sur nos erreurs à Nous, que sur celles de la Chine.
Rodolphe Bacquet
Sources
[1] Our world in data, 10 janvier 2023, https://ourworldindata.org/coronavirus/country/china
[2] Ibid.
[3] “Chine : 90% des habitants d’une province infectés par le Covid-19”, Franceinfo, 9 janvier 2023, https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/chine-90-des-habitants-d-une-province-infectes-par-le-covid-19_5591523.html
[4] Our world in data, “Total COVID-19 vaccine doses administered”, 10 janvier 2023, https://ourworldindata.org/grapher/cumulative-covid-vaccinations?tab=chart&stackMode=absolute&time=earliest..latest®ion=World&country=~CHN
[5] “Covid-19 en Chine : les hôpitaux de Shanghaï submergés après l’ouverture soudaine de la Chine”, Le Monde, 7 janvier 2023, https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/01/07/a-shanghai-les-hopitaux-submerges-par-la-vague-de-covid-19_6156983_3244.html
Zéro-Covid: le désastre du «modèle chinois»
Le virus a fait plier la dictature. Face aux révoltes populaires et à l’effondrement économique, le régime a dû assouplir ses mesures drastiques.
En annonçant début décembre un allègement général des mesures drastiques contre l’épidémie et notamment la fin du “zéro-Covid” (cf. LSDJ n°1758), Pékin a reconnu implicitement son échec.
Ces mesures étaient appliquées depuis trois ans avec des confinements d’une rigueur toute communiste et chinoise. “L’ajustement de la stratégie est une décision abrupte prise sous une pression énorme face à la révolte contre le “zéro Covid”, qui est sans précédent. L’objectif est d’éviter que l’autorité de Xi et le régime ne soient défiés encore davantage”, estime Wu Qiang, analyste indépendant, à Pékin (Le Figaro,11 décembre).
Le virus s’est joué de la rigueur du Parti
Il y a un an et demi, c’est en vantant les bienfaits de sa politique sanitaire que le président Xi Jinping avait célébré le centenaire du PCC et son propre triomphe.
Le leader avait encore défendu le “zéro-Covid” en octobre 2022, au XXe Congrès du parti communiste chinois (PCC) qui lui avait permis d’accéder à un troisième mandat. Mais l’entêtement du virus à se jouer de la vaccination et le raz-le-bol du confinement manifesté par la population ont contraint les autorités à faire volte-face.
Assouplissement
Le 7 décembre, moins de deux mois après, Pékin a confirmé l’assouplissement des mesures déjà constaté dans plusieurs villes du pays sans plus faire allusion au “zéro Covid”. Depuis, les personnes testées positives au Covid-19 mais asymptomatiques peuvent s’isoler à domicile plutôt que dans des centres de quarantaine.
Par ailleurs, il n’est plus nécessaire de présenter des tests négatifs pour accéder à la plupart des lieux publics, ou pour se déplacer dans le pays. Quant à la quarantaine exigée à l’arrivée en Chine, son abolition était annoncée pour le 8 janvier.
Troubles en traînée de poudre
Les manifestations contre les confinements ont commencé à Urumqui, capitale de la région autonome du Xinjiang, où 10 personnes ont péri dans l’immeuble en flammes où elles étaient enfermées.
Les troubles ont gagné ensuite de grandes villes chinoises, Pékin, Nanjing, Shanghai, Chengdu, Wuhan, Guangzhou… Dans des propos rapportés par Asianews, l’opposant chinois Wei Jingsheng, exilé aux États-Unis, constate plusieurs différences entre ces manifestations et les événements de la place Tiananmen à Pékin en juin 1989, qui s’étaient soldés par le massacre de milliers d’étudiants.
Un mouvement approuvé par la plupart des Chinois
“Le mouvement de 1989 était soutenu par certains responsables au sein du PCC”, remarque Wei Jingsheng, alors qu’aujourd’hui, “la nature spontanée des manifestations est évidente”. En 1989, les manifestants dont la cible était la corruption des dirigeants, n’étaient pas soutenus par les paysans et par l’armée, alors que le mouvement de 2022 “a le soutien et la sympathie de la plupart des Chinois”, tous affectés par les politiques de prévention contre la pandémie.
Tandis que “le mouvement de 1989 plaçait ses espoirs dans le Parti”, les manifestants de 2022 n’hésitaient plus à appeler à la démission de Xi Jinping et à la mise en veilleuse du Parti.
Le régime aux abois
Aujourd’hui, ajoute Wei Jingsheng, “le PCC n’ose plus utiliser l’armée, de peur qu’elle n’obéisse pas à ses ordres.” En revanche, grâce à la technologie actuelle, le régime dispose d’une “surveillance de pointe”, permettant “une répression ciblée avec précision”.
Les confinements ont freiné le développement de l’immunité collective alors que la pandémie est toujours très présente. Des centaines de millions de Chinois seraient malades et le système de santé est débordé.
Un Tchernobyl chinois
“L’OMS est très préoccupée par l’évolution de la situation en Chine” a déclaré le Directeur général de l’organisation le 21 décembre. L’épidémie pourrait entraîner non pas les 4000 morts officiellement recensés pendant la période “ zéro Covid ” dans l’incrédulité générale, mais jusqu’à deux millions de décès.
Marie Holzman, sinologue, compare l’échec de la politique “zéro Covid” à ce que fut la catastrophe de Tchernobyl pour l’URSS dans un entretien au Figaro (29 décembre, en lien ci-dessous) : une sorte de coup de grâce pour un “régime finissant”.
C’est peut-être enterrer un peu vite le régime de Xi Jinping. Mais il est vrai que celui-ci a brandi la gestion chinoise du Covid comme preuve de la supériorité du PCC et de son Grand Timonier sur les démocraties occidentales.
Bilan désastreux, croissance en panne
Dans un réflexe commun à tous les dictateurs en difficulté, Xi Jinping s’entoure de béni-oui-oui et tient à distance les critiques, dont le premier ministre, Li Keqiang.
Résultat : au terme de trois ans de confinement strict, les crématoriums sont saturés, la population effrayée et excédée, tandis que le Covid flambe de plus belle.
Quant aux répercussions économiques sur la Chine et sur le monde, elles sont suspendues à la virulence du variant Omicron qui fait actuellement caler la croissance du pays. “Nous sommes toujours dans un moment difficile”, a reconnu Xi Jinping, lors de son discours du nouvel an.