UE: vers l’interdiction des viandes aux nitrites

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La députée européenne Michèle Rivasi a obtenu une majorité afin que la Commission européenne revoie sa position concernant les nitrates et les nitrites, un agent de conservation utilisé en charcuterie et déclaré par l’OMS en 2015 comme “cancérogène certain pour l’homme”.

Comme pour beaucoup de sujets qui touchent à des intérêts industriels, il aura fallu au moins deux décennies pour que les découvertes scientifiques concernant les effets délétères des nitrates et des nitrites sur la santé humaine se transforment en décisions politiques saines.

Ces additifs alimentaires se retrouvent dans la liste des ingrédients sous les noms de code E249 (nitrite de potassium), E250 (nitrite de sodium), E251 (nitrate de sodium) et E252 (nitrate de potassium).

Plus de 20 ans pour reconnaître le problème

Après des années de recherches, le Fonds mondial de recherche sur le cancer (WCRF) et l’Institut américain de recherche sur le cancer (AICR) alertaient en 2007 sur le fait que la consommation de charcuterie augmentait significativement le risque de cancer.

Puis en 2015, ce fut au tour du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de déclarer ces salaisons comme “cancérogènes certains pour l’homme”, en se basant sur 800 études.

Leur rapport final publié en 2018 indique que “chaque portion de 50 grammes de charcuterie consommée chaque jour augmente de 18 % le risque de cancer colorectal”.

Au sein de l’UE aussi

La Commission européenne avait reconnu en 2006 déjà que les viandes nitritées posaient un problème de santé, en acceptant que le Danemark puisse continuer d’imposer sa législation nationale en la matière, plus restrictive.

En 2010, cette même Commission avait admis que l’utilisation de nitrites dans certains produits à base de viande peut donner lieu à la formation de nitrosamines, réputées cancérogènes.

Plus de nécessité technologique

Alors que la Commission européenne souhaitait simplement imposer des seuils d’utilisation de nitrites et nitrates, la députée européenne Michèle Rivasi a estimé que “ces nouvelles limites, réduites, restaient insuffisantes pour réellement protéger la santé des consommateurs”.

Pour elle, il n’y a plus de nécessité technologique justifiant leur usage. Elle cite l’exemple du jambon de Parme : depuis 1993, ses producteurs, qui produisent 8 à 9 millions de jambons chaque année, n’utilisent plus aucun additif alimentaire, avec succès.

La députée relève également la bonne volonté d’une grande partie des industriels qui ont mis sur le marché depuis trois ans un grand nombre de produits sans additifs nitrés.

Elle a réussi à rallier à sa vision une courte majorité de la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire (ENVI) du Parlement européen.

Ce vote acte un veto sur la proposition de la Commission européenne, demandant que ces produits soient tout simplement bannis. La Commission européenne doit maintenant revoir sa copie avec des mesures d’accompagnement pour gérer la transition.

C’est tout d’abord une bonne nouvelle pour la prévention des cancers.” Michèle Rivasi

La société civile s’engage aussi

En France, les associations foodwatch, Yuka et la Ligue contre le cancer militent depuis plusieurs années pour l’interdiction de ces additifs alimentaires.

Leur pétition sur le sujet a récolté plus de 500’000 signatures en ligne et a attiré les foudres du lobby de la charcuterie, la FICT, qui a tenté de mettre fin à cette action.

La Cour d’appel de Paris a finalement donné raison aux lanceurs d’alerte : “Toute activité, fut-elle à but commercial, ayant pour finalité l’information de tiers et la diffusion d’opinions est protégée par la liberté d’expression dont il n’est démontré en l’espèce, sur un sujet de santé publique, aucun abus dans l’exercice de ce droit.”

Au niveau politique, ces organisations avaient été déçues en mars dernier par le plan de réduction progressive des produits nitrités proposé par le gouvernement, qualifié de “coquille vide” et très favorable à l’industrie. Le mois suivant, c’était au tour de l’Assemblée nationale de refuser une interdiction pure et simple.

Deux livres pour comprendre

Le journaliste Guillaume Coudray avait réalisé le sujet des nitrites et nitrates ajoutés dans notre alimentation diffusé par Cash Investigation en 2016.

Un an plus tard, il publiait « Cochonneries. Comment la charcuterie est devenue un poison » (éd. La Découverte) puis début 2023 est paru son deuxième livre consacré au même sujet : « Nitrites dans la charcuterie : le scandale » (éd. Harper Collins).

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