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Stargate : Quand l’agilité chinoise défie la suprématie américaine

L’émergence de DeepSeek R1 bouleverse la domination américaine en IA, illustrant l’impact des stratégies asymétriques dans une révolution technologique mondiale.

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Cet article est le tout premier d’une série sur l’intelligence artificielle. Elle en explorera les enjeux, les risques et les opportunités; au-delà de cette introduction, nous expliciterons les tenants et aboutissants techniques, philosophiques et moraux de cette nouvelle technologie.

Article de Matthias Faeh, fondateur de Surmesure.ai, pour Essentiel News.

Le 27 janvier 2025 marque une journée noire pour la Bourse américaine. Le NASDAQ chute de 3 %, tandis que Nvidia, leader des processeurs d’intelligence artificielle (IA), voit sa valorisation s’effondrer de 17 %, soit une perte colossale de 400 milliards de dollars. À l’origine de ce tremblement de terre financier: une petite start-up chinoise, inconnue du grand public il y a encore un mois.

Pour comprendre cette révolution, revenons à décembre 2024. OpenAI, fer de lance de l’IA depuis la sortie de ChatGPT en 2022, affiche une valorisation impressionnante de 150 milliards de dollars, malgré des pertes de 5 milliards pour un chiffre d’affaires de 3,7 milliards. Afin d’augmenter ses revenus, un nouvel abonnement à 200$ par mois est proposé. Pendant ce temps, Nvidia atteint des sommets historiques avec une capitalisation boursière de 3 300 milliards de dollars, grâce à ses processeurs indispensables pour entraîner les modèles IA. Cet engouement pousse le NASDAQ à son apogée, porté par des prévisions optimistes sur les retours futurs de la technologie.

Stargate : le plan américain pour rester en tête

Lors de son investiture le 21 janvier 2025, Donald Trump annonce un projet ambitieux baptisé “Stargate”. Ce programme prévoit d’injecter immédiatement 100 milliards de dollars dans la construction d’infrastructures énergétiques et de data centers, entièrement dédiés à l’intelligence artificielle. Ce montant pourrait être complété de 400 milliards supplémentaires sur les quatre prochaines années. L’objectif est clair : maintenir l’avance technologique des États-Unis dans un secteur où le leadership est synonyme de pouvoir global.

Cependant, au moment où l’Occident se félicite de sa domination, un vent de changement souffle depuis l’Asie. Début janvier, une start-up chinoise dévoile DeepSeek R1, un modèle IA révolutionnaire qui va redistribuer les cartes.

DeepSeek R1 : le géant discret qui frappe fort

Le 20 janvier, DeepSeek R1 est officiellement lancé après une phase de test discrète en fin d’année 2024. Rapidement, il devient le sujet de discussions effervescentes dans les cercles technologiques. Les experts saluent une IA à la fois d’une puissance exceptionnelle et d’une accessibilité inédite.

Développé en seulement deux mois avec un budget modeste de 6 millions de dollars, DeepSeek R1 contraste radicalement avec les investissements massifs des leaders américains. Son coût d’utilisation, 30 fois inférieur à celui des concurrents, et son code open source en font une référence incontournable. Libre d’accès, cette IA marque un tournant en se basant sur des avancées logicielles plutôt que sur du matériel coûteux.

Cette stratégie bouleverse l’équilibre du marché, notamment pour des acteurs comme Nvidia, et remet en question le modèle économique des services d’IA par abonnement. Parmi ses avantages clés : elle opère sur des processeurs standards, réduit drastiquement la consommation d’énergie et peut fonctionner hors ligne sur des PC ou smartphones, offrant une indépendance technologique inégalée.

Un choc pour Wall Street

Les valorisations stratosphériques des entreprises technologiques des derniers mois reposent sur des projections de gains futurs immenses, nourries par un engouement sans précédent pour l’intelligence artificielle. L’arrivée de DeepSeek R1 provoque un véritable séisme à la fois cognitif et boursier. Ce modèle performant, développé avec une rapidité et une efficacité remarquables, déstabilise les certitudes sur la domination établie des entreprises américaines dans le domaine de l’IA et redéfinit les règles du jeu.

La réponse de Trump : reconnaître l’adversaire

Fait surprenant, Donald Trump adopte une posture inhabituelle en saluant l’innovation chinoise. Il appelle les entreprises américaines à voir dans cette avancée un électrochoc pour se réinventer. “J’espère que le lancement de l’intelligence artificielle DeepSeek par une société chinoise sera un avertissement pour nos industriels et leur rappellera qu’il faut rester très concentrés sur la concurrence pour gagner“, déclare-t-il.

Le modèle chinois : agilité et innovation

Comment la Chine parvient-elle à défier les mastodontes américains avec si peu de moyens ? Plusieurs facteurs expliquent ce succès. D’abord, le pays forme chaque année plus d’ingénieurs que tout autre pays du monde, grâce à un système éducatif orienté vers les sciences. Ensuite, la mise en réseau de ses institutions d’éducation et ses entreprises par région ainsi que la promotion du code open source favorisent une innovation collaborative et rapide. Enfin, les sanctions américaines, censées freiner la Chine, ont eu l’effet inverse, stimulant une créativité et une résilience inédites.

La stratégie chinoise repose sur une utilisation optimale des ressources, une approche économique disruptive et une forte coopération internationale. Elle prouve que la puissance financière brute n’est plus la clé unique de l’innovation technologique.

Une asymétrie inspirante

Les récentes attaques menées par les Houthis contre le porte-avions américain USS Harry S. Truman illustrent de manière frappante l’efficacité des stratégies asymétriques face à la supériorité militaire des grandes puissances. En utilisant des missiles de croisière et des drones à faible coût, ce groupe non étatique démontre une remarquable capacité à tirer parti de ressources limitées pour contester l’hégémonie d’une puissance mondiale. Cette approche, qui privilégie l’ingéniosité et l’innovation tactique à la force brute, vise à maximiser l’impact psychologique et médiatique tout en maintenant des coûts opérationnels réduits. Par leur audace et leur créativité, ces tactiques bousculent les paradigmes militaires traditionnels, soulignant l’émergence de nouvelles formes de conflits dans un monde de plus en plus multipolaire.

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La Suisse face à ses choix technologiques

Dans ce contexte, la Suisse se trouve à un tournant critique. Exclue de l’accès aux derniers processeurs IA américains, elle risque de se retrouver en marge de la révolution technologique. Si des discussions diplomatiques pourraient apaiser la situation à court terme, il devient urgent de développer une autonomie technologique sur le long terme.

L’exemple chinois montre que l’exclusion peut être un moteur d’innovation. En adoptant une approche ouverte et collaborative, en s’appuyant sur ses propres forces et en forgeant des partenariats internationaux, la Suisse pourrait renforcer sa souveraineté technologique.

Ces événements fragilisent la domination technologique unipolaire et ouvrent la voie à un monde plus multipolaire, où l’innovation collaborative pourrait devenir la norme.