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Le spectre de la censure et comment s’en protéger

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Dès lors que la censure en ligne imposée par l’Union Européenne va se renforcer dès le 25 août 2023, il est important de bien comprendre le mécanisme d’accès à des informations représentant différents points de vue pour se faire une opinion. Et aussi de protéger ses propres informations personnelles et son “intimité” digitale.

L’accès à une information diversifiée devrait être la base de toute démocratie qui se respecte, histoire d’alimenter un vrai débat. Or, on observe l’impact de plus en plus fort de groupes d’intérêt privés. Influençant également les autorités publiques, ces groupes visent à restreindre l’accès à l’information de manière arbitraire et unilatérale, sans réel débat public et recours pour ceux que la censure touche.

Voici quelques pistes pour s’orienter sans se perdre dans la jungle de nos vies digitales à l’ère de la censure.

Que va-t-il se passer le 25 août ?

Une déclaration du ministre français Thierry Breton concernant l’introduction du règlement européen sur les services numériques (en anglais Digital Services Act, DSA) a fait grand bruit récemment sur les réseaux sociaux, en marge des émeutes en France. Certains estiment qu’il s’agit de la fin de la liberté d’expression.

L’objectif déclaré de ce règlement est de pouvoir demander des comptes aux plateformes quant à la gestion des contenus haineux ou d’appels à la révolte. Il s’agit aussi de les responsabiliser.

Bien qu’il s’agisse effectivement d’un pas vers plus de contrôle, le risque d’une censure totale n’est pas forcément immédiat avec ce texte. Interrogée par 20 Minutes, la professeure en sciences de l’information et de la communication à l’université Paris 8, Sophie Jehel, se veut rassurante : « Le DSA vient renforcer une législation déjà existante en France, il donne simplement des contraintes plus grandes sur l’explicitation de son application ».

Ce sera toujours aux plateformes donc de gérer les contenus, mais cette nouvelle épée de Damoclès sur leurs activités les incitera certainement à opter pour une plus grande marge de sécurité, en termes d’appréciation de la légalité des contenus, pour éviter à tout prix d’être épinglées par les autorités.

Les grandes plateformes suppriment déjà des millions de contenus. Ce qu’apporte le DSA, c’est la possibilité de leur demander des comptes sur la manière dont elles le font.

Sophie Jehel, professeure à l’université Paris 8

Malheureusement, comme c’est déjà le cas massivement avec YouTube et Facebook, ces plateformes fixent elles-mêmes les règles du jeu. Il suffit, par exemple, que les mêmes actionnaires qui financent l’industrie pharmaceutique soient également derrière ces plateformes pour qu’elles censurent des informations juridiquement légales mais dangereuses pour les affaires, comme on l’a vu lors de la crise du Covid avec les critiques à l’encontre des injections.

Des comptes ont été supprimés ainsi sans moyen de recours, ce qui revient à entacher la démocratie et le droit des citoyens d’être informés de manière honnête et diversifiée. En fin de compte, au lieu d’avoir une transparence sur les agissements des grands groupes économiques et des Etats, ce sont les citoyens qui sont mis à nus. Tout l’inverse de ce que devrait être une démocratie.

Accéder aux sites bloqués

Au-delà des contenus, certaines plateformes et sites risquent d’être sanctionnés et bloqués en entier ces prochaines années, soit pour des raisons justifiées, soit pour des raisons bassement politico-économiques. RT France par exemple a été arbitrairement exclue de l’espace médiatique français. Pourquoi le faire pour un média ouvertement pro-russe et ne pas le faire pour un média ouvertement pro-américain, comme CNN ? La réponse est politique.

Ce genre de blocage était plutôt l’apanage de régimes considérés comme peu démocratiques jusqu’à présent, pour bâillonner leurs opposants. Il est très inquiétant de constater que ces pratiques s’étendent aujourd’hui à l’Union Européenne pour des contenus qui n’ont rien d’illégal.

Heureusement, il existe un moyen technique simple de contourner ce blocage : le VPN pour réseau privé virtuel. On le retrouve gratuitement intégré dans des navigateurs comme Opera ou de manière payante dans Brave. La plupart des VPN sont des programmes qui ne sont pas liés au navigateur. Il suffit de les installer pour qu’un visiteur situé en France puisse passer par un autre pays pour demander le chargement d’un site Internet qui serait bloqué dans l’hexagone. Ceci marche aussi pour les restrictions géographiques liées à des vidéos : les VPN payants permettent de choisir par quel pays on souhaite passer pour visiter une page.

Attention cependant, dans un article détaillé sur le sujet, le Journal du Geek nous avertit que 80% des VPN gratuits revendent nos données et qu’il est préférable de ne pas opter pour un VPN gratuit qui n’a pas d’offre payante.

L’utilisation d’un VPN diminue la vitesse de votre connexion, à cause des données qui doivent être encryptées et décryptées et du goulet d’étranglement potentiel du fournisseur que vous utilisez. À côté d’offres gratuites, il existe également de nombreuses offres commerciales de VPN, vous permettant de choisir par exemple par quel pays vous souhaitez faire transiter votre trafic.

Pour les plus paranoïaques d’entre nous, il est également possible, comme une poupée russe, d’utiliser un double service de VPN, qui permet d’augmenter le niveau de sécurité des données qui transitent, souvent au détriment des performances.

Ne faites pas confiance au digital

Si l’on a des secrets à transmettre à quelqu’un, le mieux est de le faire proche d’une cascade au fond d’un vallon isolé, sans appareil électronique à proximité : le principe de base en matière de communication digitale est qu’il ne faut jamais faire confiance aveuglément aux outils qui sont proposés. Quelques astuces permettent cependant de communiquer de manière plus ou moins sécurisée.

Vos données sont précieuses

Utiliser les services gratuits de grandes entreprises de communication américaines comme Google est le meilleur moyen de perdre son intimité numérique. Ces services sont gratuits car, comme le veut la devise, “le produit, c’est vous”. Combien de personnes ont remarqué des publicités en lien avec une conversation orale qu’elles venaient d’avoir avec un ami, sur une destination de voyage, un livre, un service. Par défaut, votre téléphone écoute tout et lit tout.

Ces données sont envoyées à des serveurs qui les analysent pour vous proposer du contenu personnalisé et, par la même occasion, peaufiner votre profil digital, pour tout savoir de vous.

Si ces données concernent des problèmes de santé que vous pourriez avoir, et qu’elles sont achetées par des assureurs, inutile de vous dire que ces informations seront utilisées contre vous pour vous empêcher par exemple de contracter une assurance dont vous auriez vraiment besoin.

Désactiver les options fouineuses

Heureusement, il est possible de désactiver la plupart de ces collectes de données vous concernant dans les paramètres de votre téléphone ou de votre compte. Il vaut la peine d’y consacrer une heure, Internet regorge d’astuces pour se sevrer.

Les Français de Framasoft proposent toute une série de mesures pour “dégoogliser” Internet.

En Suisse, il existe des fournisseurs de services Internet qui garantissent que vos données ne seront pas exploitées à des fins commerciales et, en règle générale, le cadre légal suisse protège bien les données personnelles. Veillez à bien lire les conditions générales, qui doivent préciser que les données collectées ne soient pas transmises à des tiers. Ces conditions protègent non seulement vos e-mails mais aussi d’autres services comme le partage de fichiers.

Les fournisseurs grand public ne prennent pas en charge le chiffrement de bout en bout, car leur modèle économique dépend souvent de la publicité et de la vente des données des utilisateurs. Deuxièmement, nos gouvernements veulent pouvoir contrôler nos communications.

Mailfence, fournisseur d’un service d’e-mails cryptés

La tendance actuelle est d’ouvrir un compte Protonmail, qui propose un cryptage complet de vos courriels si vous communiquez avec une autre personne possédant un compte chez Proton.

C’est le cas également du service belge Mailfence, qui explique dans son blog les avantages d’un système de cryptage de bout en bout par rapport à une solution “standard”. Le protocole de cryptage utilisé s’appelle OpenPGP et est compatible avec de nombreux logiciels et services de messagerie électronique. De nombreux tutoriels expliquent pas à pas les étapes à effectuer.

Vidéoconférences, quelques alternatives respectueuses

Alors que les plus grands fournisseurs de vidéoconférences ne garantissent pas que vos conversations ne soient pas utilisées à des fins commerciales ou soient effectivement cryptées, il existe quelques solutions alternatives et viables telles que Whereby ou Jitsi.

Le maillon faible

Il faut être conscient que même dans un système sécurisé, il suffit que l’ordinateur ou le téléphone d’un seul des participants ou destinataire soit piraté pour que toutes vos communications soient accessibles pour quelqu’un.

Le logiciel Pegasus s’installe par exemple sans que l’utilisateur s’en rende compte. Même des chefs d’État ont été espionnés. Ces technologies sont également utilisées par des réseaux mafieux et les services secrets pour voler des informations sensibles et les revendre, ou faire du chantage.

Pour les personnes qui souhaitent aller plus loin, il est possible de faire l’acquisition de téléphones et ordinateurs spécialement axés sur la sécurité. Ces appareils permettent de désactiver physiquement le micro ou la caméra, avec des systèmes d’exploitation conçus pour garantir l’intimité.

À chacun de faire le nécessaire pour éviter des déconvenues, tout comme on se brosse les dents ou l’on ferme sa voiture ou son logement à clé. Il est tout aussi important aujourd’hui de s’assurer que nos communications restent privées.