Procédure silencieuse, verbiage, textes flous: l’organisation s’essouffle.
Le Sommet du Futur se tiendra ces 22 et 23 septembre 2024, lors de l’Assemblée annuelle de l’ONU à New York. Cette réunion se conclura par la signature de trois documents, non contraignants: le Pacte pour l’Avenir négocié entre les nations et orienté vers des actions concrètes, le pacte numérique mondial et la déclaration sur les générations futures qui seront annexés au Pacte.
Cet événement qui devrait dynamiser la poursuite des Objectifs de développement durable (ODD), génère de nombreuses critiques.
L’horizon 2030 s’éloigne
Dans un rapport sur les progrès de la mise en oeuvre des Objectifs de développement durable, l’ONU reconnaît qu’à la mi-parcours, il y a peu d’espoir d’atteindre le but d’ici 2030. C’est donc un cri d’alarme qui semble motiver l’ONU pour la tenue de ce Sommet du futur et l’adoption de ces nouveaux instruments.
L’ONU invite à nouveau les nations à se rassembler pour intensifier leurs efforts dans les Objectifs de développement durable. Elle appelle pour cela à renforcer son rôle central, présenté comme indispensable à la construction d’un monde multilatéral et à la réalisation d’une promesse de paix et de prospérité.
Mais, des observateurs critiques estiment que de nombreux programmes promus par l’organisation sont inadéquats et devraient être repensés. Par ailleurs, ils s’inquiètent aussi du manque de transparence affiché par l’organisation.
Trop de discrétion
À la faveur des procédures d’urgence instaurées avec la crise sanitaire, une forme d’opacité permanente semble s’être installée dans les processus politiques, tant au niveau national qu’au niveau mondial. Les textes qui seront proposés ce week-end à l’ONU ne semblent pas y échapper, et ce à plus d’un titre.
L’on note d’abord une absence de couverture médiatique sur la préparation de ce sommet, pourtant censé dessiner notre futur commun. Cette désagréable impression de ne plus être informés des grandes politiques internationales, est confirmée par le fait que les textes ont été soumis aux États selon une procédure d’adoption tacite.
En l’occurrence, les co-facilitateurs du Pacte, l’Allemagne et la Namibie, ont soumis la 3ème version du texte, publiée le 27 août en « procédure silencieuse » jusqu’au mardi 3 septembre. Il s’agit d’une mesure d’exception qui a été introduite en mars 2020 dans le cadre des réunions virtuelles durant la pandémie, mais qui est restée d’application.
Ce principe du “qui ne dit mot consent” a aussi été utilisé dans le cadre des négociations de l’OMS et de la révision du Règlement sanitaire international.
L’ONU et ses agences semblent donc l’avoir adopté comme sa nouvelle “norme”, dans un contexte qui est présenté comme celui d’un état d’urgence permanent.
Un texte fourre-tout
Dans son Pacte pour l’avenir, l’ONU affirme proposer une série d’actions concernant les domaines tels que: le développement durable et son financement, la paix et la sécurité internationales, la science, la technologie et le numérique et… la transformation de la gouvernance mondiale.
Mais quels sont en réalité les principes et les programmes proposés?
Pour David Bell, fondateur du Brownstone Institute:
L’ensemble du document, censé avoir été rédigé par les meilleurs rédacteurs de l’ONU sous le contrôle de leurs juristes et diplomates, est tellement vague qu’il permettrait de justifier ou recommander à peu près n’importe quelle politique.
“L’action 1” en est un parfait exemple.
Nous prendrons des mesures audacieuses, ambitieuses, accélérées, justes et transformatrices pour mettre en œuvre l’Agenda 2030, réaliser les ODD et ne laisser personne de côté.
20. (…) Nous décidons de :
(a) Intensifier nos efforts en vue de la mise en œuvre intégrale du Programme de développement durable à l’horizon 2030, du Programme d’action d’Addis-Abeba et de l’Accord de Paris.
(b) Mettre pleinement en œuvre les engagements de la Déclaration politique convenue lors du Sommet sur les Objectifs de développement durable en 2023.
(c) Mobiliser et fournir des ressources et des investissements significatifs et adéquats provenant de toutes les sources pour le développement durable.
(d) Éliminer tous les obstacles au développement durable et s’abstenir de toute coercition économique.
60 actions regroupées sous plusieurs thèmes sont déclinées de cette façon. Le texte de ce Pacte contraste ici avec des documents bien formulés tels que la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, rédigée dans les premières années de l’ONU.
James Corbett, qui expose l’envers des politiques internationales depuis plus de 15 ans, s’interroge sur ce qu’il considère comme un nouvel enfumage. Que signifie la signature d’un Pacte? Quelles en sont les modalités juridiques? Est-ce semblable à un traité? Nulle part ce terme ne semble prévu dans la constitution de l’organisation.
Et de rappeler qu’avec beaucoup de verbiage et la prétention de servir de nobles desseins, c’est toujours la même tentative de centralisation des pouvoirs qui se poursuit. Jamais on ne dévie de la notion que seule une petite caste est capable de diriger une réponse coordonnée face à des menaces qui pèsent sur l’ensemble de la planète.
Les chocs mondiaux complexes
Effectivement, les “chocs mondiaux complexes” sont toujours les arguments utilisés pour justifier une accélération de la mise en place d’une gouvernance mondiale.
Car, à côté des pandémies et du changement climatique, il y a les menaces terroristes (notamment les armes biologiques), les cyberattaques ou la crise énergétique.
L’an dernier, l’ONU avait précisé dans un document nommé “Notre programme commun“, qu’il fallait mettre le turbo pour créer un organe central de gouvernance de crise, mais dont le rôle serait permanent.
Et ce sont toujours les mêmes éléments que l’on retrouve encore dans le Pacte pour le futur: la vaccination mondiale, la censure et la lutte contre les ‘”infodémies”, de manière générale la mise en place d’une société de contrôle par le numérique.
Changements à l’ONU
L’action 41 mentionne un renforcement du rôle du Conseil de sécurité de l’ONU, notamment par la limitation du système de veto et l’inclusion de micro-Etats.
Si l’objectif d’élargir le Conseil de sécurité, afin qu’il soit plus représentatif des membres actuels de l’ONU, et d’accroître la représentation des pays en développement et des États de petite et moyenne taille, paraît inclusif dans sa formulation, il n’est pas nécessairement un gage de plus de démocratie.
Faut-il donner un poids égal à des pays comme l’Inde, la Chine et la Russie et des petites îles qui comptabilisent parfois moins d’un million d’habitants? En réalité, cette mesure affaiblit le poids des grandes nations et des populations qu’elles représentent, au profit du secrétariat et de ses lobbys, qui n’auront aucune peine à influencer des micro-Etats.
Une manoeuvre similaire s’est déroulée à l’OMS lors de l’Assemblée de 2023.
David Bell pointe une autre modification des orientations fondamentales de l’ONU:
Le paragraphe 9 du préambule marque une rupture majeure et une incompréhension de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) et des principes sous-jacents de la législation internationale moderne en matière de droits de l’homme.
Les droits de l’homme perdent ainsi leur importance primordiale pour les Nations Unies et la bonne gouvernance. Ils n’ont pas plus de valeur que le « développement durable », la « paix et la sécurité » (pour qui ?).
Il convient de noter que la Charte des Nations Unies définit la « paix et la sécurité internationales » comme l’un des objectifs des Nations Unies (article 1) et ne mentionne pas le « développement » (ou le « développement durable », une terminologie récente) comme un objectif.
Anciennement chargé de politiques de santé publique à l’OMS, son constat est amer : les politiques prônées dans le cadre de l’Agenda 2030 sont un échec. Les pays ont tous creusé leur dette, notamment en raison des confinements Covid. La hausse de l’inflation appauvrit les plus pauvres et la classe moyenne dans le monde entier.
En matière de santé, les investissements dans des priorités comme l’accès à l’eau potable, à l’hygiène, aux soins de base, la lutte contre la faim ou des maladies comme le paludisme ou la tuberculose n’ont pas augmenté et les résultats ne sont pas là.
Même si les buts proclamés sont nobles, n’est-il pas temps de remettre en cause la légitimité de cette organisation et de ses politiques?
Le manque de transparence des organisations internationales et leur incapacité à faire évoluer leur vision du monde pourrait bientôt entraîner une perte de confiance irrémédiable des populations qu’elles sont censées servir.
Voir aussi notre article complémentaire “L’inquiétante convention de l’ONU sur la cybercriminalité“.
Documents et liens pour suivre le Sommet
Programme
Liens pour suivre les réunions
https://webtv.un.org/en/asset/k1u/k1uo9kxjqs
https://webtv.un.org/en/schedule/2024-09-22
Pacte pour le futur, 4ème version
https://www.un.org/sites/un2.un.org/files/sotf-pact-for-the-future-rev.4.pdf
Procédure sous silence
https://www.un.org/sites/un2.un.org/files/sotf-co-facs-letter-on-rev.4.pdf