En ce début de 2023 sort un livre sur une situation que la France, qui se prétend «patrie des droits de l’homme», est quasiment la seule au monde à maintenir. Elsa Ruillère, secrétaire adjointe de la CGT du Groupement Hospitalier Portes de Provence, décrit les vies brisées de milliers de soignants chassés, menacés et ruinés depuis plus de 500 jours.
A noter que l’auteure est une des rares représentante syndicale à se soucier de ces travailleuses et travailleurs ainsi marginalisés.
Dans son avant-propos, l’écrivain Didier Van Cauwelaert résume l’absurdité d’une telle discrimination:
- «Qu’ils soient détenteurs d’un test négatif ne compte pas: on continue de leur interdire de soigner, de sauver des vies, d’éteindre des incendies et de s’occuper des personnes âgées ou handicapées, privilège réservé à des gens vaccinés, même s’ils sont porteurs du virus et susceptibles de le transmettre. Et même pour une téléconsultation, il est obligatoire que le praticien soit vacciné.»
«Applaudis en 2020, persécutés en 2022! Comment avons-nous pu en arriver là?», ajoute le sociologue Laurent Mucchielli, directeur de recherches au CNRS, dans son épilogue. Le livre est également introduit par l’euro-députée verte Michèle Rivasi, avec une conclusion de l’avocate Maud Marian.
Témoignages recueillis par Cécile Maïchak et son équipe au Dosumani, et retranscris par Laurette Heim
Peu avant la sortie de ce livre, le “marathon des docteurs” Dosumani (anciennement Doctothon), a réuni en décembre 2022 plus de 250 témoignages de soignants et d’autres professionnels suspendus.
Ces récits souvent poignants évoquent des privations et des pressions peu connues du public. Peu de gens savent que ces personnes ont été suspendues sans revenu, sans droit au chômage ou autre aide, puisque leur contrat de travail est toujours en vigueur.
Quelques-unes se sont suicidées, d’autres ont fini par se faire injecter (une partie subissant aussi des effets secondaires). Certaines sont poursuivies par la police et/ou la justice. Motifs: participation à des manifestations ou conférences, diffusion d’informations contradictoires.
Nous en diffusons ici une sélection:
Socialement rayés de la carte
– Rachid, aide médico-psychologique en milieu hospitalier. Au début de la crise, souvent sans matériel, tout le personnel hospitalier a combattu ensemble, tous à égalité. Solidarité qu’il n’avait jamais connue avant. Puis, dit-il, du jour au lendemain, tout a explosé. Ne pouvant rester sans salaire, je me suis fait vacciner par contrainte et je suis en colère pour cela. Il admire ceux qui ont décidé de rester droits dans leurs convictions, qui ont résisté sans tricher, car ils auraient pu faire de faux pass. Les suspendus sont en détresse psychologique et financière, il y a des suicides, et je suis révolté : ces gens, qui ont été au casse-pipe pour 1500 euros, sans moyen de protection, ont été ensuite invisibilisés, ils sont socialement rayés de la carte.
Beaucoup disent ne pas être sûrs de revenir. C’est une très grosse perte, dit-il. Nous sommes beaucoup à vouloir leur réintégration. Mais comment fait-on pour regarder nos collègues suspendus? Après avoir travaillé dix à quinze ans avec eux… et ne pas les avoir soutenus?
Lui-même manifeste dans la rue et essaye de faire des interventions dans les médias. Si on ne retrouve pas bienveillance et humanité dans l’hôpital, on ne la retrouvera nulle part ailleurs, conclut-il.
– Une infirmière au bloc opératoire depuis 15 ans. Elle est devenue sans autre formalité infirmière en réanimation après le confinement. Alors là, j’étais très compétente, de jour et de nuit… Menacée d’être suspendue car ne voulant pas d’injection, et pour ne pas tout perdre, elle a demandé une place en stérilisation au sous-sol. Refusée, ainsi qu’un arrêt maladie. Elle a donc pris sa retraite à 57 ans, vendu son appartement et elle vit dans une chambre chez une amie. Compétente et applaudie… et soudain FINIE et rayée du groupe WhatsApp professionnel. Mes collègues se sont faits vacciner dans mon dos. Ils auraient bien voulu faire comme moi mais… Une seule personne lui a demandé comment elle allait.
*- Un homme nouvellement formé dans les soins. Il a commencé au mois d’août 2021 et a été suspendu le 15 septembre 2021. On m’a dit: vous êtes un danger, alors que les effectifs minimums sont devenus la norme depuis des années. Il a eu le covid avec des anticorps et a pu retravailler pendant 4 mois, plutôt bien accueilli, puis à nouveau suspendu. J’ai fait des petits jobs et je ne parviens pas à faire le deuil, je suis comme un outil qu’on jette à la poubelle.
Retombé une fois malade, il est ensuite revenu dans un nouveau service, cette fois sans dire qu’il avait été suspendu. Il y a trouvé une équipe extrêmement fatiguée, incomplète, certains en arrêt maladie et d’autres partis. Je vais être suspendu pour la 3ème fois…
– Elisabeth, infirmière. Suspendue en octobre 2021, car également considérée comme un danger pour les malades. Elle travaille dans un magasin de fruits et légumes. Je n’ai aucune nouvelle de l’hôpital qui m’a formée pour un coût de 54’000 euros, ou 5 ans de travail dû, et dans lequel j’ai travaillé 2 mois !
– Une soignante. Elle est revenue au travail après avoir eu le covid. L’équipe était froide et distante et on m’a dit ce qu’on pensait de moi. Aujourd’hui dégoûtée, elle se forme dans une autre profession thérapeutique.
– Une infirmière du Nord de la France. Ayant plusieurs dizaines d’années de service à son actif, elle a fini par trouver une place à Payerne en Suisse, très loin de sa famille.
«Soyez acteur de votre vie»
– Une infirmière libérale en exercice depuis 20 ans dans le Sud de la France, 3 enfants. Elle remercie pour sa suspension. D’accord, je n’ai plus de salaire, je suis passée par la sidération, la peur et la déprime. Mais heureusement, je ne suis plus dans ce système où l’on ne soigne plus.
Elle dit témoigner pour dix personnes qui n’oseront jamais. On va vous emmerder…(a promis le président Macron aux non-vaccinés)… eh bien la merde a éclaboussé tout le monde. Pour les enfants des suspendus, il n’y a pas de Noël, pas de vacances. Elle est allée manifester à Montpellier. Lorsqu’on lui a demandé ce qu’ils pouvaient faire pour aider les suspendus, elle a répondu: Écrivez aux députés, portez plainte, cherchez des informations dans les médias indépendants, soyez acteur de votre vie.
*- Une secrétaire médicale dans le service d’urgence d’un CHU. Sans masques les premières semaines, le personnel devait en trouver lui-même avec l’impression d’être des pestiférés. Je rentrais à la maison et laissais mes habits à l’entrée. Des patients déprogrammés étaient très agressifs. Avec la pression et le stress, elle est tombée malade. Puis, j’ai vécu l’humiliation de la part de mes cadres et ai été suspendue.
*- Une aide-soignante en activité depuis 30 ans. Elle s’exprime très émue sur sa suspension et sa vie. Seules 2-3 collègues de l’hôpital prennent de mes nouvelles.
Injectée pour garder son job, elle tombe gravement malade et perd tout
– Fanny, 33 ans, secrétaire médicale en intérim chez un radiologue. Menacée depuis février 2021 par l’agence intérim, je me suis faite vacciner pour ne pas perdre mon travail. Après la première, puis la deuxième dose, sa santé a décliné. Du côté gauche, j’ai eu la jambe paralysée, puis le bras, puis le visage. Elle a subi une ponction lombaire dont elle n’a reçu le résultat que 3 mois plus tard. Trop tard pour traiter, m’a dit le nouveau neurologue qui m’a expliqué la situation et m’a attesté une contre-indication vaccinale ! Avant cela, on m’avait dit que c’était psychiatrique et j’avais cru être folle. Maintenant, elle a une atteinte à la vessie et à la jambe droite et est en fauteuil roulant. J’ai perdu mon futur mari et ma maison, ainsi que mon travail car le radiologue ne veut pas d’une personne handicapée dans son cabinet. Mon cas a été déclaré en pharmacovigilance.
Sortir de ce système sans cœur et soigner bénévolement
– Elisabeth, soignante. Elle cite Noam Chomsky et le discours médiatique qui crée la peur. En août 2021, elle rejoint les bientôt suspendus puis un collectif citoyen. J’ai compris qu’il fallait lutter tous ensemble, et contre le pass. J’ai eu le covid comme une grosse grippe, j’ai été soignée avec des médicaments interdits par des médecins courageux.
Avec un certificat de rétablissement, elle a pu retravailler en hôpital psychiatrique et en EHPAD. Plutôt bien reçue par mes collègues, j’ai eu trois réactions: 1) Veinarde, tu as eu le covid. 2) Tu es une résistante. 3) Injuste, car tu peux reprendre sans avoir subi ce qu’on a subi. Ce qui prouve, dit-elle, qu’ils ont été contraints et forcés.
Un second covid lui a permis de poursuivre son travail 4 mois, mais sans cœur. Mes collègues n’étant pas intéressés à se battre, je me suis donc concentrée sur mes patients. Et en EHPAD, j’ai soutenu les nombreux résidents qui refusaient aussi les injections.
Elle parle d’un rouleau compresseur de mesures de plus en plus stupides, alors que vaccinés ou non, rien ne changeait. J’ai constaté des effets secondaires chez des patients et des soignants. Vu que le monde du soin ne tourne plus rond, il était temps que je m’en extraie. Je ne peux plus cautionner ce système. Elle propose maintenant bénévolement ses services aux patients et aux familles.
*- Une préparatrice en pharmacie. Je me suis posée des questions au sujet du bénéfice/risque et des autorisations conditionnelles et j’ai été interpelée que les pharmaciens acceptent si facilement. Suspendue quatre mois, elle a ensuite choisi volontairement l’option «abandon de poste». Ce qui signifie donc que j’ai été licenciée pour faute grave ! J’ai fait ce choix par besoin de sécurité financière.
– Une psychologue du travail intervenante à Pôle Emploi. Suspendue alors que les conseillers à l’accueil direct des chômeurs n’ont pas l’obligation d’injection. Elle rappelle le consentement libre et éclairé tel que défini dans le code de Nuremberg de 1947. Et de citer le final de DYSTOPIE-19 (https://www.youtube.com/watch?v=rts5na5mrco) du chanteur Mysa: Nos enfants nous regardent, le cœur battant. Notre force c’est eux. Et leurs remparts, c’est nous.
Enfants privés de leur orthophoniste
– Une orthophoniste pour les enfants. Je me suis faite suspendre contrairement aux enseignants et je n’ai même pas eu le droit de prendre une remplaçante ! Les parents de mes petits patients, non informés, ont été très choqués. Ma plus grande désolation est d’avoir abandonné ces enfants. Des dizaines, des centaines d’entre eux n’ont plus de soin.
– Une hôtesse d’accueil en section administrative d’une structure de soins. Suspendue, j’ai même reçu des charges patronales à payer, actuellement à hauteur de 1500 euros !
Une carrière de 13 ans démolie en 5 minutes
– Matthieu, ingénieur informatique à l’hôpital. Le 24 septembre, à son retour de vacances, la DRH lui demande son statut vaccinal. Un entretien de 5 minutes qui a démoli 13 ans de carrière H24 avec mes collègues. C’était très violent, mais il est soutenu par son entourage. Avec l’aide d’une avocate, une action est en cours. Je garde espoir en la justice française. Qu’on n’ait pas proposé au personnel technique un reclassement est révoltant. Je vis de mes économies et j’ai de l’aide de mes proches pour manger, mais le jeu en vaut la chandelle.
– Un sapeur pompier volontaire. On m’a suspendu le 15 septembre. Mes horaires ont été coupés net sur mon smartphone. J’avais un mois pour réfléchir. Hormis 4 personnes, je n’ai aucune nouvelle des 55 pompiers.
Il a démissionné. Très en colère pendant une année, il a ensuite vu le documentaire ‘Suspendus, des soignants entre deux mondes’, de Fabien Moine. J’ai été très surpris du calme des intervenants et après le deuxième visionnement, je me suis également calmé.
Dépression, désespoir, anxiolythiques
– Une femme de 38 ans, pompier volontaire et adjointe administrative au centre d’appel d’urgence depuis 15 ans. Alors que je n’étais pas soumise à l’obligation vaccinale pour ce 2ème poste, j’ai été mise au placard dans un poste qui n’existe pas ! Elle a eu le covid en janvier 2022 et a demandé sa réintégration qui a été refusée. Puis une rupture conventionnelle, également refusée. Elle cite le code de Nuremberg en lançant On dirait que le passé n’existe pas et elle parle d’effets secondaires constatés dans son entourage.
– Une professeure de yoga suspendue par son fitness-club. Aucun club d’activités physiques ne peut revendiquer de pratiquer du sport-santé s’il a obligé ses élèves à être des cobayes pharmaceutiques. Elle parle de discriminations, de secret médical enfreint et de ce que les enfants des suspendus subissent en entendant leurs parents être accusés de complotisme, d’être des moins que rien, des assassins, des criminels, des antivax et des fous par les médias et les politiques. Des vies basculées, des personnes qui n’ont plus de droits, aucun droit. Dépouillés de nos vies, en dépression, suicidés, devant aller aux restos du cœur, perdant la garde de nos enfants, pleurant tous les jours de désespoir, avalant des anxiolytiques, nous sommes invisibles…
– Une dame parle ironiquement d’un choix entre un vaccin et la précarité. Elle introduit la notion d’abandon lorsque toute la meute sauf moi accepte (cette injection). Donc la perte des amis, des voisins, de la famille. Ou même la perte de tout lorsque après trois doses, certaines personnes ne peuvent plus travailler tellement elles souffrent d’effets secondaires.
«La grande famille des pompiers m’a tourné le dos»
– Nicolas, pompier, agent technique et intervenant en milieu conflictuel, médiateur et formateur. Le 15 septembre 2021, après 18 ans de service, toujours en tenue de pompier, j’ai eu l’interdiction de la porter. Que faire? Retourner dans le privé, c’est repartir à 1400 euros… impossible en plein divorce avec une maison sur les bras, relate-t-il.
Moi qui était prêt à mourir pour mon drapeau… pompiers en 1ère ligne, on allait chercher les malades avec les ambulanciers, j’avais 1 masque pour 3 tours de garde. On était les meilleurs ! On m’a recyclé depuis 18 mois aux archives à trier des papiers dans un poste à placard où on m’a dit plusieurs fois : Nicolas estime-toi heureux, tu as de la chance qu’on te garde, tu as ton boulot, ton salaire, regarde autour de toi…
A un moment donné, il était à deux doigts de monter une équipe et à faire des bracos raconte-t-il car tant qu’il n’y a pas le feu aux poudres, qu’on défile pacifiquement et qu’on va d’un point A à un point B sans faire de casse, il ne se passe rien.
Il a été très déçu par ses pairs qui l’ont abandonné. Mes amis du syndicat ne sont pas descendus dans la rue pour l’avenir de nos gamins. Ils pensent que c’est plus important d’aller au resto, au ciné, c’est de la folie. Je veux être aligné avec moi-même, je le suis.
Il a ensuite organisé un projet caritatif pour l’œuvre des pupilles de sapeurs-pompiers en parcourant le chemin de Compostelle pendant 600 km sur 26 jours, dans un but fédérateur. Je devais avoir le gîte et le couvert dans les casernes que j’allais rencontrer sur mon périple dans 7 départements. Pas une ne m’a ouvert ses portes parce que je suis pompier non vacciné. Seul un officier du Gard l’a soutenu précise-t-il. Il a récolté 5200 euros. Sans aucun respect pour les donneurs, on m’a même dit d’envoyer mon chèque par la poste ! La grande famille des pompiers m’a bel et bien tourné le dos, sans parler du verrouillage des médias pour que personne ne soit présent à la conférence de presse de la remise du chèque.