En prison, le capitaine Paul Watson reste un homme de convictions

Sur mer ou face à la justice et la demande d'extradition du Japon, le fondateur de Sea Shepherd se bat pour protéger les baleines.

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Le capitaine Paul Watson, militant écologiste canadien, fondateur de l’ONG de protection des océans Sea Shepherd (dont le nom signifie littéralement “berger des mers”), était de passage en Haute-Savoie en mars 2024, quelques mois avant son arrestation au Groenland. Avec Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd France, ils ont livré un témoignage très inspirant de leurs aventures respectives au sein du mouvement de défense des océans le plus combatif au monde.

L’événement s’est déroulé à l’occasion du Festival du Film Vert et de la projection du film Les Gardiennes de la Planète”, organisée au Centre de l’Étoile à Thonon-les-Bains, sur le thème des baleines. Un échange animé par Paul Watson et Lamya Essemlali a suivi la projection du film.

Essentiel News est en mesure de présenter la vidéo de leur intervention, durant laquelle ils partagent tous deux leur passion pour la protection des océans et des baleines en particulier.


“Tuer une baleine est un meurtre”

Fondée en 1977 par Paul Watson, l’ONG Sea Shepherd travaille sur trois axes majeurs:

Dépasser la seule protestation et intervenir de manière active et non violente dans les cas d’atteintes illégales à la vie marine et aux écosystèmes marins.

Ainsi, depuis plus de 45 ans Sea Shepherd se confronte “aux monstres qui tuent les baleines”. En effet, selon l’activiste écologiste:

Tuer une baleine est un meurtre. Ce sont des animaux extrêmement intelligents, socialement complexes, des êtres conscients et nous n’avons absolument aucun droit de les tuer.

Paul Watson et Lamya Essemlali ont raconté devant le public de Thonon-les-Bains quelques-unes de leurs missions avec Sea Shepherd. En Union Soviétique face aux soldats russes, en Islande où ils ont été confrontés à l’homme le plus riche du pays, contre les baleiniers pirates au Portugal, en Antarctique face à un baleinier japonais… Leur discours les voit dénoncer et condamner sans demi-mesure les actes des chasseurs de baleines:

La chasse baleinière commerciale est illégale depuis le moratoire international sur le commerce de viande de baleines voté en 1986, mais depuis cette date le Japon, l’Islande et la Norvège, ont tué 25 000 baleines sans subir aucune sanction pour leurs actes, en violation des directives de la Commission baleinière internationale.

L’action, moteur de changement

La philosophie de Sea Shepherd se concentre sur le rapport au vivant dans une approche biocentrique, qui met la vie au centre de tout, plutôt que l’humain. Par exemple, Paul Watson considère la nature comme sacrée et mesure l’intelligence par la capacité à vivre en harmonie avec son environnement. Mais la philosophie de l’ONG ne reste pas théorique, puisqu’elle se déploie à travers l’action essentiellement:

C’est important d’agir, de faire des actions parce que dénoncer ne suffit pas. Quand il s’agit de protéger les baleines, de lutter contre le changement climatique, tout ce que les gouvernements font, c’est parler. Ils ne passent jamais à l’action, et rien ne changera à moins que nous agissions.

À partir de cette philosophie, Paul Watson a développé une approche stratégique qu’il appelle “l’agression non-violente”, c’est à dire que Sea Shepherd intervient de façon agressive mais sans jamais blesser personne. Grâce à cette méthode d’action, le mouvement de protection des océans a réussi de nombreuses missions, par exemple il a éjecté le Japon du sanctuaire baleinier antarctique.

Quand on fait ce genre de chose, il faut être avant-gardiste, il faut être responsable de ses actions. C’est incroyable la manière dont on peut s’en sortir.

En prison au Groenland jusqu’au 2 octobre

Arrêté par la police le 21 juillet 2024 dans le port de Nuuk au Groenland, le capitaine Paul Watson s’apprêtait à faire route vers le passage du Nord-Ouest pour intercepter un tout nouveau navire japonais dans le Pacifique Nord, le Kangei Maru. Inauguré en mai 2024, il s’agirait du plus grand baleinier jamais construit.

L’arrestation de Paul Watson est liée à des événements survenus dans l’océan Austral en février 2010. Le marin militant est accusé de “complicité d’agression” et “d’intrusion sur un navire” suite à l’abordage du navire japonais Shonan Maru No 2 par Pete Bethune, capitaine du navire Ady Gil de Sea Shepherd. Après l’arrestation de Pete Bethune par le Japon, un mandat d’arrêt international, appelé également “notice rouge” a été lancé contre Paul Watson en 2012. Selon un rapport du Parlement Européen datant de 2017, le système de la “notice rouge”, qui a servi à l’arrestation récente du fondateur de Sea Shepherd, serait utilisé de façon abusive par certains gouvernements pour traquer des activistes et des opposants politiques .

Dans une interview donnée au média Reporterre depuis sa prison au Groenland, Paul Watson s’exprime:

Ce qu’il se passe avec la notice rouge d’Interpol est un bon exemple. Cet outil qui doit servir à traquer les criminels et les assassins est de plus en plus détourné de son objectif initial pour traquer les gens qui s’opposent à des gouvernements pour des raisons parfois très légitimes.

Lamya Essemlali dénonce dans une vidéo l’obstination injustifiée du juge groenlandais qui a emprisonné Paul Watson. Dans ce même document, Sea Shepherd détaille ce que l’ONG considère comme les facteurs innocentant son fondateur:

Repoussant les arguments des avocats de la défense, la justice groenlandaise a prolongé la détention du militant écologiste jusqu’à son procès le 2 octobre 2024. Paul Watson attend désormais la décision du Danemark, puisque le Groenland est un territoire danois autonome, au sujet de sa possible extradition vers le Japon. Si le juge devait trancher en faveur de l’extradition, le défenseur des mers risquerait un “séjour” définitif au Japon, au vu du système carcéral nippon…

Pour reprendre les propres mots de Paul Watson:

On ne peut pas faire ce que l’on fait sans risquer sa vie et sa liberté. Car on s’oppose à des intérêts puissants. Cela fait partie des risques. Je les prends en connaissance de cause parce que c’est la chose juste à faire.

Pour en savoir plus

Pétition pour demander la libération de Paul Watson: https://seashepherd.fr/petitions/petition/10/

Site du mouvement : https://seashepherd.fr/

Contre Courant – Les recettes végétales de Sea Shepherd

Adresse où lui écrire en prison (en anglais) :

Paul Watson
Anstalten for Domfældte,
Jagtvej 3900, NUUK
GREENLAND