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Le Parlement suisse adopte l’e-ID malgré l’opposition populaire

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Les Suisses avaient pourtant rejeté le projet d’identité électronique par référendum en 2021.

La presse l’a annoncé en grande pompe la semaine dernière: après le National, le Conseil des États a approuvé à son tour un projet de e-ID (identité numérique) du Conseil fédéral.

Par 64,36% des voix, un tel projet avait été balayé par le peuple suisse lors d’une votation populaire le 7 mars 2021. Pour justifier cet échec, la presse avait affirmé que ce rejet était uniquement dû au fait que l’identité numérique devait être gérée par des entreprises privées, au lieu de l’État lui-même.

Voila par exemple comment la Radio-Télévision suisse (RTS) avait décrit le résultat du vote populaire à l’époque:

L’utilité d’une e-ID n’était pas controversée, mais sa gestion par des entreprises privées a suscité le référendum lancé par la Société Numérique, l’organisation Campax, la plateforme We collect et l’association Public Beta. Toutes dénonçaient la libéralisation d’une tâche régalienne. […]

L’Alliance pour une e-ID suisse, de son côté, “prend acte” de la décision du peuple suisse mais regrette une “occasion manquée” pour la Suisse de réaliser une avancée technologique majeure. Pour les partisans du texte, il appartient désormais aux responsables politiques de proposer une nouvelle solution.

Cette “nouvelle solution” avait été annoncée en novembre 2023 par le Conseil fédéral. Pour rassurer l’opinion, Berne avait déclaré qu’une telle identité numérique serait “gratuite, facultative, facile à utiliser et entièrement entre les mains de l’État”.

Quiconque dispose d’une carte d’identité ou d’un passeport suisse, ou encore d’un titre de séjour pour étranger, pourra demander l’obtention d’une e-ID, en ligne ou auprès du service des passeports. Une possibilité demandée en procédure de consultation.

Il sera possible de s’en servir sur internet, par exemple, pour demander un extrait du casier judiciaire, un permis de conduire ou une attestation de résidence. Mais aussi dans le monde physique via une application sur smartphone pour prouver son âge en achetant de l’alcool.

Une précédente tentative avait largement échoué devant le peuple en 2021. La gestion par des privés et la centralisation des données en étaient les principaux écueils.

“Le refus populaire a constitué une véritable opportunité”, a déclaré Elisabeth Baume-Schneider, conseillère fédérale en charge de la Justice, devant les médias à Berne. Le Conseil fédéral a tiré les leçons. “La loi a été repensée de A à Z”, notamment sur les questions essentielles de la sécurité et de la protection des données.

En expliquant aux gens que la seule raison pour laquelle ils avaient refusé l’identité numérique en 2021 était son exploitation privée, et en la rebaptisant désormais “e-ID étatique”, Berne se veut rassurante, comme le démontre sa vidéo de promotion ci-dessous.

Mais, au-delà de l’argument du respect de la vie privée et de la sécurité des données, les opposants à ces nouvelles méthodes d’identification voient également d’autres risques. La concentration des outils numériques autour de l’e-ID est la clé de la mise en place d’une forme de surveillance – et de gouvernance – mondiales, qui se traduiront par la prescription incessante de comportements “citoyens” et la privation de libertés individuelles.

Contexte international

Le projet suisse d’identité numérique s’inscrit bien dans un contexte international.

L’Union européenne tout d’abord: le 30 avril 2024, le règlement européen sur l’identité numérique a été publié au Journal officiel. Ce règlement “oblige les États membres à mettre au point au moins une application mobile permettant aux citoyens européens de stocker et utiliser les données liées à leur identité.”

Au Royaume-Uni, une première tentative d’un tel système s’appelait “GOV.UK Verify”. Devant un défaut d’adoption par les britanniques, et de nombreuses critiques essuyées, le système a finalement été abandonné en avril 2023. Le gouvernement avait aussitôt relancé un nouveau projet, baptisé cette fois-ci “One Login For Government”.

En Chine, l’identité numérique est entièrement intégrée au système de “carte d’identité de résident”, qui contient un numéro d’identification de citoyen à 18 chiffres. L’utilisation de cette e-ID est obligatoire pour tous les usages courants de la vie quotidienne, comme tous types d’achats, de services, de transports, l’accès aux bâtiments et quartiers, les documents administratifs, données sanitaires ou l’accès aux réseaux sociaux.

World Economic Forum

Dans un rapport de 2023 intitulé “Reimagining Digital ID” (réimaginer l’identité numérique), le World Economic Forum (WEF) explique que l’identité numérique est une affaire d’inclusion et d’équité, dans la mesure où il existerait dans le monde “850 millions de personnes qui ne disposent d’aucun moyen d’identification légale”.

Selon le WEF, ces personnes sont hautement défavorisées et “il peut leur être difficile, voire impossible, de participer pleinement à la société”.

Et le WEF d’expliquer:

Depuis des siècles, l’identification – un moyen par lequel les gens prouvent des attributs sur eux-mêmes – a joué un rôle essentiel dans la société. C’est pourquoi les objectifs de développement durable des Nations unies font de l’identité légale une priorité en matière de développement.

La vie des gens étant de plus en plus soumise aux technologies numériques, il est nécessaire de développer l’identification numérique, c’est-à-dire un moyen de revendiquer des données personnelles par le biais des canaux numériques. Les systèmes d’identification centralisés, fédérés et décentralisés, ainsi que les approches hybrides, chacun présentant des avantages et des inconvénients uniques, peuvent contribuer à répondre à ce besoin.

Dans les obstacles à l’implémentation que cite le WEF, l’organisation note que les “théories du complot” doivent être surmontées, en plus du faible désir qu’ont les populations de profiter d’une telle innovation.

A la page 23 de son rapport, on lit:

Il peut être difficile d’expliquer les avantages de toute nouvelle technologie; cela est particulièrement vrai pour une solution telle que l’identification décentralisée qui combine plusieurs technologies.

Cependant, dans le cas de l’identification, la barrière de communication est particulièrement élevée, ce qui est aggravé par la myriade de théories du complot qui lient l’identification numérique à des spéculations fausses et malveillantes. […]

En outre, même si les individus souhaitent en théorie une plus grande protection de la vie privée, les technologies concrètes qui offrent moins de protection de la vie privée peuvent s’avérer plus attrayantes pour eux dans la pratique.

Un manque de reconnaissance de l’importance de l’identification numérique peut créer un manque de demande de la part des utilisateurs, paralysant ainsi les efforts visant à développer l’identification décentralisée.

Identité numérique et CBDC

Les CBDC, pour “Central Bank Digital Currency” (Monnaie numérique de banque centrale) sont envisagées dans le monde entier. Il s’agit d’un tout nouveau type de monnaies ayant cours légal, car elles sont strictement électroniques, et programmables. Par exemple, tout achat ou transfert d’argent pourra être soumis à une série de normes et de prescriptions comportementales (un quota carbone, un dossier de santé, les opinions exprimées sur les réseaux sociaux, etc).

Les CBDC sont plébiscitées par les autorités monétaires et financières car elles leur octroieraient donc un contrôle direct et entier sur la diffusion et l’utilisation de la monnaie.

Les CBDC permettraient par exemple d’éviter les paniques bancaires, simplifier la planification centrale et la manipulation des taux d’intérêts, faciliter le prélèvement d’impôts, imposer une consommation dite “écoresponsable”, et mettre en œuvre des distributions de revenus de base.

C’est pour faire avancer une telle ambition que six grandes banques centrales, dont la Banque de France, la Banque du Japon, la Banque centrale européenne, la Banque nationale suisse et la Banque d’Angleterre, ainsi que la Banque des règlements internationaux ont lancé un groupe de recherche conjoint en janvier 2020, plus tard rejoint par la Banque centrale américaine.

Les critiques soulignent que l’incommensurable pouvoir que les CBDC conféreraient aux autorités financières et politiques est source de danger, car le pouvoir corrompt, et le pouvoir absolu corrompt absolument. Elles soulignent de surcroît que c’est conformément à cet axiome de philosophie politique que les États sont, sur tous les continents et à toutes les époques, les premiers susceptibles d’atteindre à la vie, la prospérité et la liberté des individus.

En tout état de cause, le lien entre CBDC et identité numérique est manifeste; en effet, avant d’être en mesure d’émettre une telle monnaie numérique, les citoyens doivent au préalable nécessairement bénéficier d’une identité numérique, de façon à pouvoir conserver et dépenser leur monnaie numérique.

A la page 24 du rapport susmentionné, le WEF l’écrit en toutes lettres:

Certains pays commencent à comprendre que l’identification numérique est une condition préalable au développement d’une monnaie numérique de banque centrale (CBDC) et d’autres innovations en matière de paiement.

La convergence entre passeport biométrique, identité numérique, et CBDC est donc admise. Il ne reste qu’à savoir quel pourcentage de la population l’acceptera, et si elle en tirera affectivement un quelconque avantage.

Non-participation

Pour l’instant, l’identité numérique en suisse est dite facultative. Il est toutefois raisonnable d’envisager que la vie des récalcitrants sera rendue difficile, par le simple fait que l’accès aux services publics risque de leur être entravé.

Par exemple, si la crise monétaire annoncée se produit effectivement, et que les autorités financières et politiques profitent de l’occasion pour introduire un revenu de base, il est hautement probable que ce revenu soit lié à une identité numérique; l’explication sera celle de chercher à éviter les abus.

De fait, les objecteurs de conscience n’auront d’autre alternative que de s’organiser entre eux, et de faire sécession moralement et physiquement d’une société qu’ils considéreront alors dystopique au-delà de toute mesure. A l’instar de ce qui s’est déroulé pendant le Covid, les individus attachés aux principes de liberté individuelle devront innover pour développer des réseaux parallèles de production et d’approvisionnement.

Le nouvel ordre technologique, pharmaceutique, climatique et militaire est annoncé. A cet égard, le WEF vient d’admettre que le Covid était en fin de compte un “test de responsabilité sociale” en vue d’un objectif plus ambitieux:

Au cours des cinq à sept dernières années, des évolutions significatives ont eu lieu sur les plans social, environnemental et technologique, qui pourraient contribuer à la réalisation des initiatives «Mon Carbone» pour façonner l’avenir vers des villes intelligentes et durables.[…]

COVID-19 a été le test de la responsabilité sociale. Des milliards de citoyens à travers le monde ont adopté un nombre considérable de restrictions inimaginables pour la santé publique. De nombreux exemples de maintien de la distance sociale, de port de masques, de vaccinations de masse et d’acceptation d’applications de suivi des contacts pour la santé publique, ont démontré l’importance de la responsabilité sociale individuelle.

Une inconnue principale persiste donc: dans quelle mesure les populations du monde adhéreront aux projets que leurs dirigeants préparent pour elles?