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L’OMS espère adopter un traité pandémies «light» d’ici fin 2024

L'organisation élimine la partie «One Health» pour mieux l'adopter plus tard; c'est justement ce qui ferait converger le contrôle sanitaire, alimentaire et environnemental

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Article d’Icaros d’Essentiel News

Cet été nous révélions la teneur du nouveau Règlement sanitaire international (RSI) adopté à l’OMS (Organisation mondiale de la santé), et la façon dont il risquait, malgré les déclarations rassurantes de l’OFSP (Office fédéral de la santé publique), d’entamer la souveraineté de la Suisse.

Ce règlement, qui relève du droit international, confère un nouveau pouvoir extraordinaire au directeur général de l’OMS, et introduit de nouveaux principes au sujet de «l’urgence pandémique», des «produits de santé utiles» (thérapies géniques), et de l’identification numérique.

Le texte adjacent, le soi-disant «traité pandémies», n’avait quant à lui pas été adopté cette année, faute de consensus des États membres.

L’OMS ne baisse pourtant pas les bras, et on apprend désormais que l’OMS ambitionne d’adopter un traité pandémies «light», c’est-à-dire sans les dispositions les plus controversées, d’ici la fin de l’année. L’organisation choisit donc une tactique du salami, pour entériner ce qui peut l’être le plus rapidement possible, et repousser le reste à des discussions ultérieures plus discrètes.

Texte préliminaire fuité

Un brouillon préliminaire du traité a fuité récemment sur Internet, et présente l’intérêt d’indiquer en vert les articles sur lesquels les délégués pensent avoir obtenu un consensus; et en jaune, les articles pour lesquels un consensus est proche.

Selon l’ONG Health Policy Watch, l’objectif derrière l’idée de procéder en plusieurs étapes est d’éliminer les points potentiellement contentieux, notamment les dispositions dites «One Health», ainsi que les principes qui gouvernent le transfert d’informations (mécanisme «PABS», pour Pathogen Access and Benefit Sharing). Cela permettrait d’adopter le traité rapidement, ce qui est vu comme une priorité politique, et de se donner le temps de «remplir les cases» plus tard.

James Roguski, spécialiste américain de l’OMS, explique:

L’organe intergouvernemental de négociation a jusqu’à la 78e Assemblée mondiale de la santé en mai 2025 pour achever ses négociations, mais certains États membres font pression pour parvenir à un accord avant le 11 novembre 2024 afin de programmer une session extraordinaire de l’Assemblée mondiale de la santé pour que les États membres signent le traité pandémies avant la fin de l’année 2024.

À mon humble avis, il est impossible que tous les détails soient réglés au cours du prochain mois. Compte tenu de cette réalité, les «pouvoirs en place» tentent de prolonger les négociations sur deux sujets très controversés en les intégrant dans des «instruments» distincts qui seraient CONSENTIS MAINTENANT, MAIS DÉTAILLÉS PLUS TARD.

La structure du traité pandémies est celle d’une convention-cadre qui mettrait en place une conférence des parties (COP) qui se réunirait en permanence, à l’instar de la convention-cadre sur le changement climatique. […]

Outre le Règlement sanitaire international (RSI) existant, la dernière version (non officielle) de l’«Accord sur les pandémies» comprend également des déclarations qui aboutiraient en fin de compte à trois nouveaux instruments, et non à un seul traité pandémies.

«One Health»

Selon cette tactique du salami, qui consiste à diviser l’accord en plusieurs étapes, trois composantes («instruments») distincts devraient donc exister:

  • Le traité pandémies à proprement parler, que les États membres s’efforcent d’adopter avant la fin de l’année (dans une version «light», c’est-à-dire allégée).
  • Le mécanisme de partage d’information PABS (Pathogen Access and Benefit Sharing System).
  • Le mécanisme de «prévention et de surveillance» selon le principe appelé «One Health» («une seule santé»).

Selon l’OMS, le principe «One Health» est défini comme suit:

One Health est une approche intégrée et unificatrice qui vise à équilibrer et à optimiser durablement la santé des personnes, des animaux et des écosystèmes.

En reliant les humains, les animaux et l’environnement, One Health peut contribuer à couvrir l’ensemble du spectre de la lutte contre les maladies – de la prévention à la détection, en passant par la préparation, la réaction et la gestion – et contribuer à la sécurité sanitaire mondiale.

En d’autres termes, il s’agit de faire converger la gouvernance sanitaire, alimentaire et environnementale au niveau mondial, en arguant que tous ces principes sont liés. Vu autrement, il s’agit de donner un pouvoir encore plus fort, encore plus centralisé, et encore plus total sur ces trois domaines pour l’instant disjoints.

La Confédération suisse justifie cette convergence sur le site Web de «l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires» de la façon suivante:

La santé des êtres humains, la santé des animaux, la santé des plantes et la santé de l’environnement sont intimement liées. L’approche Une seule santé promeut la collaboration entre médecines humaine et vétérinaire, et sciences de l’environnement afin d’obtenir de meilleurs résultats en termes de santé.

Comme les êtres humains occupent une surface toujours plus importante sur terre, ils empiètent de plus en plus sur l’habitat des animaux. Cette interaction facilite la propagation des maladies. En outre, les maladies infectieuses transmises par les moustiques ou les tiques progressent de plus en plus vers le nord en raison du changement climatique.

Il s’agit de l’un des défis que l’approche Une seule santé cherche à relever. Les autorités et les milieux scientifiques collaborent étroitement afin de prévenir, de réduire et de contrôler les risques sanitaires. Ce n’est en effet qu’en unissant nos forces que nous pourrons répondre aux défis que présentent notamment la pandémie de Covid-19 et l’augmentation des résistances aux antibiotiques.

En conclusion

La raison pour laquelle la négociation sur le PABS a été repoussée à plus tard concerne essentiellement une question «d’équité», et l’absence de consensus est technique et provient des pays en voie de développement.

Le troisième instrument, One Health, est quant à lui infiniment plus problématique pour la liberté des peuples, puisqu’il ferait converger des domaines du mécanisme de contrôle global pour l’heure assez distincts. C’est donc sans surprise que les délégués de l’OMS ont choisi de l’omettre du traité pour l’instant, de façon à mieux l’adopter subrepticement plus tard.

La manœuvre est subtile, car dans sa version allégée, le traité est moins susceptible de soulever des oppositions. Quand il s’agira par suite de «remplir les cases» (fill-in the blanks, pour reprendre l’euphémisme de l’OMS), il est possible que personne ne s’en aperçoive.