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La nouvelle monnaie «BRICS» enfin dévoilée

Visant à concurrencer le dollar et à permettre un ordre "multipolaire", le nouveau billet a été dévoilé par Poutine lors du récent sommet de Kazan.

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Article d’Icaros d’Essentiel News

Dans un article du mois d’avril, nous expliquions la façon dont l’ordre monétaire international s’apprête à changer.

En effet, bien que ce renversement soit prédit depuis longtemps, un signe annonciateur n’est apparu que cette année: la déconnexion du prix de l’or des taux obligataires américains à dix ans.

En toile de fond: le renversement de l’ordre de Bretton Woods, conclu à l’issue de la deuxième guerre mondiale par les puissances victorieuses, et qui a désigné le dollar américain comme la monnaie de réserve internationale.

Depuis 1945, cet ordre a failli être remis en question plusieurs fois; d’abord lors de l’effondrement du pool de l’or en 1969, puis lors du défaut souverain américain de 1971, puis lors des accords du Plaza en 1985, et enfin lors des accords du Louvre en 1987.

Mais finalement, la suprématie militaire américaine, les garanties offertes par le régime saoudien de ne vendre son pétrole qu’en dollars, son recyclage des pétrodollars, et surtout l’absence d’alternative sérieuse, a permis à la monnaie américaine de demeurer pendant de longues décennies la colonne vertébrale du système financier mondial; ce qui, pour reprendre la formule du général de Gaulle, a conféré à ce pays un «privilège exorbitant».

Or, depuis la crise financière de 2008, et encore plus depuis la confiscation des avoirs russes en représailles à son offensive en Ukraine, la question de la suprématie du dollar est de nouveau à l’ordre du jour. En acteurs principaux, les pays dits du BRICS+, dont la Chine et la Russie sont les têtes de file.

Leur promesse: l’émergence d’un monde «multipolaire», et donc la fin de l’hégémonie américaine. Cela passe nécessairement pas une remise en question des accords de Bretton Woods, et donc par une dé-dollarisation des échanges internationaux.

A cet égard, une étape importante vient d’être franchie.

Sommet de Kazan

Le 16ème sommet des BRICS s’est déroulé cette année du 22 au 24 octobre à Kazan, en Russie. A cette occasion, plusieurs annonces importantes ont été faites.

D’abord, la veille de l’ouverture du sommet, l’Inde et la Chine ont annoncé avoir conclu un accord au sujet de la frontière qu’ils se disputent dans l’Himalaya. Cela a permis au premier ministre indien Narendra Modi et au président chinois Xi Jinping d’avoir leur première rencontre bilatérale en cinq ans, et de dégeler leur relation.

Ensuite, au deuxième jour du sommet, Xi Jinping a fait une annonce qualifiée d’«historique» au sujet d’un nouveau système international de paiements, en expliquant «l’urgence de réformer l’architecture financière internationale.»

Démonstration technique à l’appui, un nouveau système de paiement dénommé «BRICS Pay» a en effet été dévoilé; il permet de transférer de l’argent en temps réel sans passer par le système de messagerie SWIFT et le dollar américain.

Plusieurs médias ont souligné que lorsque les cartes «BRICS Pay» seront généralisées, cela permettra à des milliards de dollars de marchandises transfrontalières d’être réglées sans risque de sanction et d’interférence américaines, et que cela contribuera au déclin du dollar dans les échanges internationaux.

Une autre révélation, encore plus significative, a émergé à Kazan: la nouvelle monnaie qui doit sous-tendre ce système de paiements, dont le nom n’est pas encore officiellement connu mais que les participants au sommet appellent «l’unité», serait garantie à 40% par de l’or et à 60% par les monnaies locales des pays participants.

Finalement, et le symbole est puissant, le président russe a dévoilé le design d’un nouveau billet de banque.

L’or, ancien et futur étalon

Le fait que la nouvelle monnaie des BRICS soit garantie par de l’or est significatif, mais pas surprenant. En effet, les banques centrales de ces pays ont battu ces dernières années tous les records en matière d’achat d’or.

Rien qu’entre 2022 et 2023, les achats nets d’or par les banques centrales ont atteint plus de 1000 tonnes par an, des records historiques. Mais alors que les banques centrales occidentales continuent à en vendre, les acquéreurs sont justement les BRICS, et la Chine en particulier.

Et justement, à propos de l’accumulation d’or par la Chine, elle pourrait largement dépasser ce qu’on sait: depuis de nombreuses années, des rumeurs crédibles existent que ce pays n’annonce ni ne comptabilise pas toutes ses réserves, pour éviter une envolée des prix, et pour continuer à en accumuler d’autant mieux.

De la même façon que l’empire du Milieu a soudainement admis en 2015 avoir en réalité 60% plus d’or que précédemment rapporté, il est donc possible qu’une nouvelle annonce du même ordre soit faite prochainement, peut-être lorsque la Chine aura estimé en avoir accumulé assez, et que la monnaie BRICS est fin prête. Selon le chiffre avancé alors, on envisage facilement que des doutes émergeront sur les véritables réserves américaines.

Si les évènements devaient se produire de la sorte, alors le détrônement du dollar se produirait plus rapidement que ce que le consensus envisage pour l’instant.

BRICS Pay et CBDC

Un autre élément d’information a également été confirmé à Kazan: le nouveau système de paiement BRICS fonctionne sur la technologie blockchain.

Il s’agit de la technologie décentralisée numérique de stockage et de transmission d’informations initialement mise au point pour la cryptomonnaie Bitcoin, mais élargie ensuite à d’autres usages.

Cela signifie que la nouvelle monnaie BRICS est de facto une CBDC, c’est-à-dire une monnaie numérique de banque centrale, et qu’elle est donc potentiellement programmable. En d’autres termes, si cela se confirme, la Chine serait en mesure d’utiliser cette monnaie pour renforcer encore son système de crédit social, en empêchant par exemple ceux qui ont un score trop bas d’effectuer certains achats.

Si cette CBDC est programmable, les régimes pourraient aussi l’utiliser pour imposer des confinements, des achats prétendument «écoresponsables», ou d’autres mesures du même ordre.

Derrière l’enthousiasme que susciterait donc certainement une fin de l’hégémonie américaine, se cache donc peut-être un piège. L’avenir nous le dira, et Essentiel News sera là pour en faire état.