Dirigée par un ancien agent du FBI, l’équipe de “lutte contre la désinformation” du fabricant du vaccin Moderna surveille tout ce qui se dit sur internet, de l’information dans les médias aux contenus des sites de jeux en ligne. L’enquête menée par deux journalistes américains montre comment l’industrie Pharma a développé ses propres agences de renseignement. Objectif : censurer les discours antivax et manipuler l’opinion publique avec l’aide de l’intelligence artificielle.
Les “dossiers Twitter”, les procès contre l’administration Biden et d’autres enquêtes ont révélé la collusion entre le gouvernement américain et les médias pour contrôler les informations sur la santé, les fraudes électorales ou la politique étrangère. Une nouvelle enquête met à présent en lumière la stratégie de l’industrie pharmaceutique dans les coulisses de ce nouveau paysage médiatique, partant de l’exemple de Moderna.
Censure et propagande
Les journalistes d’investigation Lee Fang et Jack Poulson ont découvert que l’industrie pharmaceutique sponsorise une organisation nommée Public Good Projects (PGP), dont l’objectif est de supprimer les voix dissidentes sur les politiques sanitaires.
PGP travaille en étroite collaboration avec les plateformes de médias sociaux, les agences gouvernementales et les médias sponsorisés pour s’attaquer à la “cause première des résistances à la vaccination” en identifiant rapidement les informations erronées et en y mettant un terme. L’organisme diffuse ensuite des points de discussion et des conseils sur la manière de réagir aux refus de se vacciner, à un réseau de 45 000 professionnels de la santé.
Avec un public qui boude les doses de rappel et des subventions fédérales qui disparaissent, les bénéfices de Moderna sont en chute libre. En dépit des critiques contre la censure, l’entreprise redouble ses efforts de communication avec des campagnes publicitaires tape-à-l’œil pour promouvoir les vaccins et un monitoring des réseaux sociaux pour censurer les vaccino-sceptiques.
Les espions de Moderna
Ce n’est pas un canular. La société Moderna recrute des anciens agents secrets et possède son propre service de renseignements, le “Global Intelligence”. L’entreprise a confié la direction de ce nouveau département à une ancienne analyste des services américains Nikki Rutman, qui a travaillé 20 ans au FBI et a participé à la cybersécurité de l’opération Warp Speed (le développement des vaccins Covid par les militaires américains) en organisant les réunions entre l’agence de renseignements et Moderna.
Sa mission est de mettre fin à la “désinformation”, en détectant les “récits anti-vaccins” qui constituent une menace pour l’entreprise. Son département travaille avec le Public Goods Project qui est financé en grande partie par un don de 1,27 million de dollars de la Biotechnology Innovation Organization, un lobby biotech qui représente Pfizer et Moderna.
En pratique, PGP s’est associée à l’entreprise Talkwalker pour exercer une veille et une analyse permanente de l’information à l’aide d’un outil d’intelligence artificielle nommé Blue Silk GPT. Cette application serait capable d’analyser les ‘sentiments’ exprimés par les utilisateurs d’un produit, par exemple le sarcasme, la méfiance ou l’enthousiasme et ceci dans pas moins de 127 langues.
PGP fournit ensuite à Moderna des rapports qui classent les “récits anti-vax” par couleur et par niveau de risque. Selon le rapport de Poulsen et Fang, les récits à faible risque ne justifient pas de prise d’action. Mais pour ceux qui présentent un risque plus élevé, l’équipe “informera les parties prenantes appropriées et formulera des recommandations”.
Musk et Djokovic dans le collimateur
Parmi ces informations à risque, on note une vidéo mythique partagée par Elon Musk, dans laquelle la baisse du degré d’efficacité des vaccins Covid est illustrée par des titres d’articles de presse. La vidéo fait preuve d’un sarcasme redoutable en soulignant les chiffres qui partent d’une promesse de 100% d’efficacité pour arriver aux aveux de l’inefficacité totale de la vaccination Covid, quelques mois plus tard.
Dans le rapport de PGP, la vidéo n’est pas identifiée comme source de fausses informations, mais bien comme une menace, car elle met en avant : “la tromperie des autorités sanitaires et des prestataires de soins de santé durant la pandémie, qui pousserait le public à se méfier des sources crédibles sur la sécurité et l’efficacité des vaccins”.
Have you heard dis information?
pic.twitter.com/sHljBLYNfq— Elon Musk (@elonmusk) September 26, 2023
Un autre VIP à avoir fait paniquer Moderna est la star incontestée du tennis, Novak Djokovic. Le champion, qui avait été exclu de la compétition en 2022 en raison de son refus de se laisser vacciner, avait ensuite remporté de multiples victoires, dont celle de l’U.S. Open, provoquant des réactions de triomphe chez les anti-vax.
Les informations transmises à Moderna le mentionnaient clairement:
Le fait que Djokovic, dont l’opposition aux vaccins lui interdisait de participer à l’US Open 2022, revienne et remporte la compétition parrainée par Moderna, renforce les arguments des anti-vaccins selon lesquels les vaccins – et les obligations – ne sont pas nécessaires.
Politiciens surveillés
Lee Fang et Jack Poulson ont indiqué que Moderna ne se préoccupait pas de la véracité des affirmations contenues dans les messages qu’elle avait signalés, mais uniquement de leurs effets.
“Aucun des rapports que nous avons vus ne tente de contester les affirmations faites”, écrivent-ils. En réalité, les propos sont automatiquement considérées comme de la “désinformation”, dès qu’ils encouragent les critiques à l’égard des vaccins.
Moderna a commencé à travailler avec PGP en 2021-2022 sur un programme appelé “Stronger”, qui visait à “identifier la désinformation et à orienter les décisions concernant les contenus sur les médias sociaux”. Cette opération a été grandement facilitée par un “accès dérobé” (backdoor) aux données de Twitter, dont PGP a bénéficié. Grâce à cela, l’organisation a pu réaliser une surveillance de tous les tweets de la plateforme en temps réel. Ceci lui a permis de réagir en temps record, en envoyant à Twitter la liste des comptes à amplifier ou à censurer.
Toujours selon les auteurs de l’enquête :
Comme nous l’avons déduit des courriels échangés, l’intention de Moderna n’était pas seulement de combattre la désinformation, mais aussi d’influer sur le contenu et la teneur du débat public.
Cette année, alors que les chiffres de l’utilisation du vaccin de rappel Covid-19 se sont effondrés, Moderna et PGP ont lancé une nouvelle collaboration, cette fois avec l’American Board of Internal Medicine, pour développer un programme de formation appelé “Infodemic Training Program”, afin de former les professionnels de la santé à identifier la “désinformation médicale”.
Malgré la fin de la pandémie, les protestations contre la censure et l’échec des politiques de rappel à la vaccination, Moderna poursuit le monitoring des réseaux sociaux. Les documents analysés par Fang et Poulson révèlent que la société surveille toujours étroitement les lois et les politiciens qui cherchent à lever les obligations vaccinales et qu’elle continue de signaler les messages postés sur X Twitter par Elon Musk qui “utilise de plus en plus cette plateforme pour promouvoir les marginaux qui s’opposent à la vaccination et les théoriciens du complot”.
Loin d’être dénoncée par les politiques, cette collaboration entre les services de renseignement, l’industrie pharmaceutique et les plateformes internet s’inscrit dans la politique générale de contrôle de l’information que l’OMS entend imposer aux états membres. Dans les documents préparatoires au “traité pandémie” et à la révision du Règlement sanitaire international qui seront soumis au vote lors de la prochaine assemblée de la santé, l’organisation demande aux pays de s’engager à une surveillance de l’information sur les réseaux pour ‘lutter contre l’infodémie, les informations fausses et trompeuses et la désinformation”.
A ce train là, Big Pharma pourrait bientôt mener le futur Ministère de la Vérité.
Sources : l’article de Brenda Baletti publié le 21 novembre dans The Defender et l’article de Lee Fang et Jack Poulson publié le 20 novembre dans Unherd.