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Trafic d’enfants: un nouveau MeToo?

Le film Sound of Freedom, qui décrit ce marché de la honte (150 milliards par an, 2 millions de victimes) est curieusement dénigré par les mass médias. Pleins feux sur un débat explosif.

Crédit : Sound of Freedom, Angel Studios et Jewish Journal
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Sound of Freedom, le nouveau film soutenu par Mel Gibson met sur le devant de la scène le trafic mondial d’enfants, organisé par des réseaux qui les kidnappent ou les achètent à leur famille en situation de précarité.

Estimé à 150 millards de dollars par an, ce marché de la honte alimente ceux qui ont les moyens de s’offrir ce genre de “service”, un enfant “coûtant” entre 50’000 et 80’000 euros.

Les victimes, dont le nombre est estimé à deux millions, sont ensuite revendues à des réseaux organisés qui en abusent sexuellement, puis alimentent le trafic illégal d’organes, aussi en Europe.

#MeToo et l’affaire Weinstein

En 2017 éclatait au grand-jour l’affaire du producteur hollywoodien Harvey Weinstein, événement déclencheur du mouvement #MeToo. Pendant des décennies, tout le monde savait mais tout le monde s’était tu, même de grandes stars comme Gwyneth Paltrow ou Angelina Jolie.

Des mois d’enquête auront été nécessaires pour que le prédateur soit enfin inquiété, grâce au courage des victimes, célèbres pour certaines, et à la persévérances de journalistes.

De gros moyens de dissuasion avaient été déployés par Weinstein : il avait déboursé pas moins de 1,3 million de dollars pour faire surveiller les activités des journalistes et des témoins participant à l’enquête. Ses tentatives d’intimidation auront finalement échoué.

Selon l’UNICEF, une fille sur 10 est victime d’abus sexuel avant ses vingt ans. En France, seulement 0,3% des victimes de ce genre d’abus arrivent à faire condamner leur agresseur. La Suisse non plus n’échappe pas à ce phénomène sordide, comme on l’a vu récemment avec une maman qui a livré sa fillette de 10 ans à un pédophile pour assouvir un fantasme. La société a encore une bonne marge de progression pour améliorer la situation.

Le film Sound of Freedom

Alors que #MeToo avait essentiellement été porté par des femmes célèbres, aujourd’hui ce sont principalement des hommes, Mel Gibson et Jim Caviezel (La Passion du Christ), qui mettent le thème de la traite d’enfants abusés sexuellement sur le devant de la scène médiatique, avec un film destiné au grand public sur ce trafic au niveau international.

Basé sur une histoire vraie à peine romancée, le scénario est fortement inspiré de missions bien réelles coordonnées par un ancien agent de la CIA, Tim Ballard, en collaboration avec les autorités des pays concernés.

Agent secret devenu sauveur d’enfants

Celui-ci a quitté le service secret pour consacrer sa vie au sauvetage d’enfants abusés, au sein d’une organisation qu’il a créée, O.U.R. Rescue. À l’écran, c’est l’acteur Jim Caviezel (La Passion du Christ) qui joue le rôle de l’ex-agent.

Le tournage a débuté en 2018 et s’est terminé en 2019, entre la Californie et Carthagène en Colombie (voir à ce sujet l’anecdote du Guardian un peu plus loin). Sound of Freedom devait être distribué par 20th Century Fox, rachetée par Disney entre-temps. La sortie du film a ainsi été retardée de 4 ans, pour des raisons peu claires, et n’a été possible que grâce au rachat des droits par Angel Studios.

La sortie du film a eu lieu très symboliquement le 4 juillet, date de l’indépendance américaine. En 10 jours, ce film a fait 4 millions et demi d’entrées de cinéma aux États-Unis atteignant des recettes de 42 millions de dollars – couvrant largement les 14,6 millions qu’ont coûté le film.

Malgré son succès, le film n’est étrangement pas référencé dans tous les box offices américains. À l’heure d’écrire cet article, il n’y a pas encore de date de sortie prévue en francophonie.

La vie réelle dépasse la fiction

La lecture du dernier rapport annuel 2022 de OUR Rescue dépasse de loin ce que l’on peut apprendre dans le film.

En 2022, l’organisation de Tim Ballard a collaboré avec 175 agences gouvernementales dans 50 pays, ils ont extirpé 1200 enfants des griffes de leurs abuseurs et ont contribué à faire arrêter plus de 2000 personnes impliquées dans ces trafics sordides.

Les opérations de OUR Rescue sont filmées et ont fait l’objet de plusieurs documentaires. Il est prévu qu’un nouvel épisode intitulé Triple take, sorte après le film.

Le travail de terrain de Tim Ballard et ses équipes ne se résume pas aux infiltrations des réseaux et aux interventions. Ils offrent également un suivi psychologique aux rescapés, leur trouvent des familles d’accueil et montent une communauté et des campagnes de sensibilisation, dont le film est une émanation.

L’ONG épaule également les autorités et leur apporte leurs compétences techniques, notamment pour la traque des réseaux sur le darknet et l’espionnage.

Quel #MeToo pour Sound of Freedom ?

L’objectif premier des producteurs est de sensibiliser l’opinion à cette réalité vécue par 2 millions d’enfants au moment ou vous lisez ces lignes. Le fait que cette “fiction” soit largement inspirée de la réalité amplifie les émotions ressenties tout en permettant de se rassurer en se disant que ce n’est qu’un film.

Un jeu d’équilibriste qui au final fait grandir l’indignation et est un déclencheur émotionnel fort pour créer des vocations parmi les spectateurs, qui rejoindront peut-être la communauté grandissante de ceux qui luttent contre ces horreurs… ou deviendront des donateurs réguliers à l’ONG de Tim Ballard. On retrouve dans la manière de communiquer de O.U.R. rescue des similitudes avec ce qui a fait le succès d’une autre ONG activiste qui sort de l’ordinaire, Sea Shepherd.

Dans le cas de Sound of Freedom, et contrairement au #MeToo de 2017, ce ne seront probablement pas les victimes elles-mêmes qui vont sortir du bois. Les témoignages de ce genre s’énumèrent au compte-goutte; les coupables agissent en réseau et non pas isolément comme dans le cas d’abus sexuels visés par le mouvement #MeToo. Lucie Lumière, victime québécoise maintenant adulte et fille d’un ancien membre du gouvernement impliqué dans ces abus, en a d’ailleurs témoigné dans une vidéo de soutien à Sound of Freedom :

Les non-dits du film et ses critiques

Tim Ballard et Jim Caviezel se lâchent beaucoup plus dans les interviews qui entourent la sortie du film que dans le film lui-même.

Selon Tim Ballard, des îles d’Epstein, il y en a des centaines dans le monde, des hôtels sexuels également. L’acteur évoque l’usage d’adrénochrome dans la jet-set, une substance stimulante dérivée de l’adrénaline et qui serait utilisée par les gens qui en ont les moyens pour rajeunir et renforcer leur organisme.

Un des moyens d’en obtenir, outre la synthèse chimique, serait de l’extraire d’enfants victimes de tortures.

Ces sorties leur ont bien évidemment attiré l’ire en bloc des médias bien pensants, criant au complot, étiquetant au passage le film, pourtant assez modéré, d’accointances avec le mouvement d’extrême-droite Q-Anon. On sait que ce genre d’amalgame, classique, sert souvent à discréditer les voix dissidentes.

Soupçons en France aussi

En France, en mars 2023, c’est l’ex-dealer du gratin parisien, Gérard Fauré, qui a créé la polémique en accusant de nombreuses stars, dont Céline Dion (vidéo), de consommer de l’adrénochrome, lors de l’émission TPMP de Cyril Hanouna. Les soupçons et polémiques autour de la pédophilie dans la jet-set jalonnent d’ailleurs la vie publique française depuis des décennies.

L’émanation visuelle la plus inquiétante est probablement la bande dessinée “La vilaine Lulu”, d’Yves Saint-Laurent, dont voici une illustration et dont l’auteur disait : “Toute ressemblance avec des personnes qui existent ou qui ont existé est parfaitement voulue. Toutes ces aventures ont été tirées de faits réels.”

Un clivage démocrates contre républicains

Dès sa sortie, Sound of Freedom a été la cible de censure et d’articles négatifs, tant de la part des grands médias démocrates – qui pourtant il y a quelques années dénonçaient le même trafic avec véhémence – que de ceux qui pensent que le film ne va pas assez loin.

Pour illustrer ce manque de cohérence éditoriale, citons le Guardian, qui en 2018 avait publié un article qui titrait “Le trafic d’enfants sévit dans la pittoresque ville de Carthagène, en Colombie” et mentionnait le fait que la ville historique luttait contre une industrie qui cible les enfants et les jeunes femmes des quartiers pauvres. Or en 2023, le même Guardian décrit Sound of Freedom, qui se déroule dans cette même ville et sur ce même sujet, de film “paranoïaque” :

 

Pour enfoncer le clou, Tim Ballard et Jim Caviezel ont accusé la “gauche” américaine de s’opposer à Sound of Freedom pour la simple raison que leur agenda prévoit de banaliser la sexualisation des enfants sous couvert de prévention, et ainsi ouvrir une voie royale aux pédophiles.

Quelle posture choisir ?

Pour David Suissa, éditeur du Jewish Journal, l’important est de “faire beaucoup de bruit au nom des millions d’enfants maltraités qui souffrent en silence”.

Voici ce qu’il dit dans une tribune dédiée à Sound of Freedom :

Je dirige un journal juif. J’ai vu “Freedom” et je l’ai adoré. J’ai trouvé l’histoire à la fois déchirante et captivante. Je me fiche de savoir d’où viennent les bonnes choses. Je me fiche que “Freedom” soit distribué par Angel Studios, basé à Provo, dans l’Utah, qui soutient les contenus favorables aux chrétiens, ou que le marketing comprenne des ventes en bloc aux églises, ou que la star du film, Jim Caviezel, ait joué le rôle de Jésus dans “La Passion du Christ”.

Je me préoccupe des deux millions d’enfants qui sont victimes de la traite des êtres humains chaque année dans le monde. Je me préoccupe du fait que le ministère de la sécurité intérieure estime que le trafic d’enfants représente un profit annuel mondial de 150 milliards de dollars, soit plus que le commerce illégal d’armes. Je me préoccupe du fait que les États-Unis sont le premier consommateur et producteur de contenus pédopornographiques.

Tout comme on ne juge pas une personne sur ses croyances mais sur ses actes, les émotions que Sound of Freedom déclenche sont personnelles et intimes et le meilleur moyen de s’en faire une opinion est de le visionner.

Sound of Freedom nous donne l’opportunité non seulement de réfléchir à ce grave problème mais aussi de s’engager en conscience à notre niveau pour lutter contre ce fléau universel qui ne devrait pas être politiquement instrumentalisé.

Et qui sait, peut-être ainsi nous aussi nous allons sauver des vies.

Bande-annonce sous-titrée en français

Entretien de Tim Ballard et Jim Caviezel

Entretien de Bercoff avec Karl Zéro sur Sound of Freedom

Entretien d’Idriss Aberkane avec Karl Zéro sur Sound of Freedom

Pour les Suisses, dès la minute 42, Idriss Aberkane liste les employés de la RTS liés à des scandales passés de pédocriminalité.

Réaction à vif d’un spectateur après le film

Tim Ballard explique les raisons de son combat

Rapport annuel 2022 de O.U.R. Rescue, l’organisation de Tim Ballard

Aller plus loin

  • Témoignage d’Anneke Lucas, survivante d’un réseau pédocriminel en Belgique (histoire complète)

  • “Trafic d’enfants au coeur de l’Europe”, ARTE

  • “Eyes of the devil”, film polonais sur la traite d’enfants et le trafic d’organes en Europe, version originale sous-titrée en français

  • Gérard Fauré, l’ex-dealer des stars, parle de pédophilie et d’adrénochrome sur TPMP, mars 2023

  • “Viols d’enfants, la fin du silence ?”, France 3, Élise Lucet, 2000

  • “Zandvoort, le fichier de la honte”, Karl Zéro

“Voyage au coeur du trafic d’organes”, ARTE, 2013