Le site français Conspiracy Watch publie la carte interactive du conspirationnisme francophone.
En décembre 2023, quelques semaines seulement avant que le Forum de Davos ne classe la désinformation et les «fake news» parmi les «plus grands risques de l’humanité», le site Conspiracy Watch publiait une carte interactive du «web conspirationniste» francophone.
Chronologie récente de la menace qui pèse sur les médias «complotistes»
En s’inspirant de la chronologie présentée par l’Observatoire du journalisme, nous constatons un enchaînement récent des annonces qui convergent toutes dans le sens d’une surveillance de plus en plus étroite des médias non conventionnels:
- Le 1er décembre 2023, le site Conspiracy Watch, créé en 2007 par Rudy Reichstad dont l’objectif est d’alerter sur les dangers des discours complotistes et d’informer le public sur l’existence de ces mouvements, présente une représentation graphique et interactive de la « complosphère » qui recense 126 sites et leurs interactions.
- Le 15 janvier 2024, le Forum Économique Mondial annonce à Davos que la désinformation est devenue la seconde menace la plus importante après celle du réchauffement climatique.
- Le 16 janvier 2024, Emmanuel Macron déclare lors d’une conférence de presse :
Si on a des adolescents et des futurs citoyens dont le rapport à la vérité a été mal bâti, en tout cas construit, sur des réseaux sociaux où la différence entre la vérité et la contre-vérité n’était pas claire, bonjour à la génération des complotistes.
- Le 17 janvier, Emmanuel Macron intervient au Forum Économique Mondial à Davos.
Une surveillance et une analyse étroite des différences d’opinion et des sujets alternatifs
C’est ainsi que Conspiracy Watch a collaboré avec des agences expertes de l’influence et de la communication en ligne comme Occurrence et Deep Opinion pour cartographier le web conspirationniste avec l’intention d’alerter le public sur les principales mouvances complotistes et les connexions qui les relient:
Avec l’essor d’Internet, les théories du complot ont trouvé un espace propice à la diffusion de leurs croyances et ont su gagner de nouveaux publics. La liberté offerte par ce médium a permis à ses adeptes les plus convaincus de concevoir leur propre portail afin d’y diffuser leur vision du monde et convertir une communauté qui se fait aujourd’hui le relais de leurs idées. Au fil des années s’est alors construit un réseau complexe d’acteurs qui participent ensemble à désinformer le grand public.
Ce foisonnement d’acteurs œuvrant à la désinformation est tel qu’il devient aujourd’hui de plus en plus difficile pour l’internaute de s’orienter dans le paysage informationnel. Distinguer les acteurs fiables des acteurs malintentionnés est toujours plus difficile et les risques de basculement vers une lecture complotiste de la réalité augmentent. La pandémie de Covid-19 a été un exemple frappant de cette tendance. Nous connaissons tous autour de nous des proches qui, malheureusement, se sont enfermés dans une bulle de désinformation, incapables d’en sortir après une longue exposition à ces contenus nocifs. Rejetant ainsi les grands médias, selon eux complices du grand complot qui se déroulerait à notre insu.
La carte propose une catégorisation du web conspirationniste en six «familles» construites à partir des fameuses théories du complot. Un système de filtres permet de naviguer dans la carte par thèmes, par audience ou encore par degrés «d’intensité complotiste».
Parmi les thèmes référencés, nous trouvons par exemple l’adrénochrome, les chemtrails, le climato-complotisme, le Great Reset, le Nouvel Ordre Mondial, les francs-maçons, le contrôle mental de la population, les fraudes électorales, le réseau pédocriminel mondial, les ondes 5G et électromagnétiques, le groupe Bilderberg…
Médias de masse & pensée unique
Conspirationniste, complotiste, complosphère… Les médias de masse sont les premiers à étiqueter ceux qui s’interrogent et s’éloignent de la pensée de masse ou pensée unique. C’est le cas de TF1 dont l’analyse au sujet de la carte du conspirationnisme est – pour reprendre leurs propres mots ci-dessous – sans surprise :
À titre d’exemple, on y voit, un peu sans surprise, que la sphère qui défend les pseudo-sciences, comme le jeûne intermittent ou le crudivorisme, est voisine de la sphère covido-sceptique. Rien d’étonnant quand on se remémore la manière dont certaines figures de la santé alternative ont pu devenir des fers de lance de la désinformation sur l’épidémie.
Situé en bonne place aux côtés de France-Soir, du Courrier des stratèges ou encore d’Epoch Times…, CovidHub.ch est classé dans la famille du complotisme sanitaire et des covido-sceptiques, qui diffuserait majoritairement des discours anti-masque, anti-vaccins…
A quel moment cette surveillance étroite des médias dits de “désinformation” se transformera en censure pure et simple de la liberté d’opinion sur le web? La question n’obtient pas de réponse pour l’instant mais elle mérite d’être posée.
