Kennedy: le candidat invisible peut-il créer la surprise?

Aux présidentielles américaines, "Bobby Junior" se bat toujours contre la censure des médias

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“Kennedy n’a aucune chance”, c’est ce que martèlent les médias mainstream de l’autre côté de l’Atlantique. Boycotté par la presse, attaqué par le clan démocrate qu’il a quitté, le troisième homme des présidentielles cartonne pourtant auprès des déçus du système et l’emporterait même sur ses concurrents lors du duel final, selon certains sondages. “Bobby Junior” a-t-il vraiment une chance de gagner? Le candidat indépendant se bat à coups de procès pour faire valoir ses droits face à d’autres candidats, dans une campagne que l’on peut déjà qualifier d’historique. Son combat révèle à quel point les médias sont complices du gouvernement en place.

Le troisième homme

Aux États-Unis, après plus d’une année de campagne et un coude à coude avec Biden, 20% des électeurs ne savent toujours pas que Robert Kennedy Jr. est candidat à la présidence. C’est dire à quel point il est boycotté de toutes parts.

Le neveu de l’ancien président préféré des Américains avait présenté sa candidature en avril 2023 sous la bannière du parti démocrate, mais il a fini par déchanter. Trop critique du système, l’héritier des Kennedy n’est pas parvenu à se faire suffisamment d’alliés dans un parti miné par les lobbys.

Durant plus de 6 mois, on lui a refusé la possibilité de se mesurer au président Biden dans une élection de parti. C’est pourquoi il a donc fini par quitter les démocrates pour se présenter comme candidat indépendant, en octobre dernier.

Cette décision a eu d’énormes conséquences: ne pouvant plus bénéficier de la bannière d’un parti, Kennedy est obligé de récolter des voix pour figurer sur les bulletins de vote dans chacun des 50 États. Il lui faut donc soit récolter suffisamment de signatures, soit être désigné candidat à la tête d’un petit parti local.

Il s’agit donc d’un véritable parcours du combattant qui l’oblige à faire une tournée à travers toute l’Amérique. À l’heure actuelle, Kennedy est parvenu à se placer sur les bulletins de vote dans 20 États, mais le temps passe. En mai dernier, il avait espéré accélérer les choses en rejoignant le Parti Libertaire lors de la Convention du parti. Cette alliance lui aurait permis de se retrouver sur les bulletins de vote dans la plupart des États et en retour le parti aurait bénéficié de sa notoriété comme candidat. Mais, bien que les libertaires aient de nombreuses vues en commun avec lui, certains points de désaccord, en particulier le soutien de Kennedy à Israël dans la guerre de Gaza, ont empêché le mariage.

La guerre des sondages

Les médias continuent de marteler qu’il n’a aucune chance

Les chiffres des instituts de sondage marquent de nettes différences. Certains lui attribuent 3% des voix, d’autres environ 10%. En janvier, un sondage plus large réalisé sur 26 000 électeurs dans 50 États par Zogby Poll, montrait que dans un face-à-face, Kennedy battrait le président Biden avec 367 voix contre 171 et gagnerait de justesse contre Trump avec 270 voix contre 268.  Par contre, entre Trump et Biden, Trump l’emporterait avec une nette majorité.

Les démocrates sont divisés. Avec le système bi-partisan, jamais un candidat indépendant n’a remporté les élections. L’arrivée d’un troisième homme bouscule le scénario habituel. Les démocrates accusent Kennedy de pourrir les élections en faveur de Trump et l’exhortent à abandonner la course. De l’autre côté, la Team Kennedy proclame au contraire que Biden ne peut pas l’emporter et que c’est lui qui ferait mieux de renoncer.

Un des plus grands obstacles dans la campagne Kennedy tient donc au fait que les gens pensent que “de toutes façons, il ne peut pas gagner”.

Les sondages sont malgré tout trompeurs. Ils donnent l’impression d’exercer un énorme impact sur la décision des électeurs, alors qu’ils sont souvent peu fiables (à quelques jours de la première victoire de Trump en 2016, la plupart des estimations le donnaient perdant).

La guerre des démocrates

Furieux contre Kennedy, le parti démocrate lui mène une guerre incessante. En février, il l’a attaqué en justice sur ses moyens de financement, allant jusqu’à créer une campagne d’affichage pour l’assimiler à Trump.

La campagne “Anti-Kennedy” du parti démocrate

En plus de ce lynchage médiatique, le parti a mis la pression sur plusieurs membres de sa famille, employés ou proches du gouvernement Biden. Plus de douze membres du clan Kennedy ont officiellement déclaré qu’ils voteraient pour Joe Biden. Une de ses soeurs, Kerry Kennedy, a même loué Joe Biden comme “le champion des droits et des libertés”, dans la droite ligne de l’esprit de l’ancien président John F. Kennedy. Rien n’est donc épargné à “Bobby Junior”.

Sur son canal telegram, il réplique à sa façon:

La stratégie du Parti démocrate consiste à battre le président Trump dans la salle d’audience plutôt que dans les urnes. Cette stratégie se retournera contre lui en novembre. Pire encore, elle est profondément antidémocratique.

L’Amérique mérite un président qui peut gagner dans les urnes sans compromettre la séparation des pouvoirs de notre gouvernement ou utiliser les tribunaux comme arme. On ne peut pas sauver la démocratie en la détruisant d’abord.

Les démocrates ont peur de perdre dans l’isoloir, alors au lieu de cela, ils s’en prennent au président Trump dans la salle d’audience.

Je me présente également contre le président Trump dans cette élection. La différence, c’est que je le confronte sur son bilan. Ses fermetures d’usines pendant le Covid. Son bilan atroce en matière d’environnement. Ses relations profitables avec les entreprises américaines. Son soutien à la machine de guerre. Son incapacité à éradiquer le gaspillage et la corruption à Washington. Les services qu’il rend à la classe des milliardaires. Son gonflement de la dette nationale. Ce sont des questions qui impactent la vie des Américains.

Je l’affronterai sur ces questions, mais les démocrates ne le feront pas. Vous savez pourquoi ? Parce qu’ils poursuivent les mêmes politiques.

Le candidat anti-corruption

Si la plupart des Américains ont une idée des programmes de Trump et de Biden, ils ignorent les positions de Kennedy sur de nombreux sujets. Les médias lui ont taillé un costard en le traitant de “complotiste, raciste, faisant partie de l’extrême droite”, lui assénant toute la panoplie destinée à ceux qui critiquent la mainmise des lobbys sur le gouvernement américain et ses institutions. Mais dès qu’il a l’occasion de dérouler ses idées, Kennedy fait mouche, car il s’adresse à tous les laissés-pour-compte et à tous les écœurés du système.

L’avocat promet à ses électeurs de restaurer les valeurs “des pères de la nation”, de lutter contre la corruption et de faire respecter les libertés garanties par la Constitution.

En tant que président, sa priorité serait de libérer les agences gouvernementales du contrôle des grandes entreprises. Il promet d’installer des dirigeants honnêtes et compétents dans la bureaucratie fédérale, agence par agence, de mettre fin aux portes tournantes entre le secteur privé et les administrations et de rendre les agences transparentes aux yeux du public. Sa campagne annonce:

Lorsque Robert F. Kennedy Jr. sera président, les archives gouvernementales seront ouvertes et prêtes à être examinées. Les budgets seront disponibles au centime près sur la blockchain numérique, et tous les documents relatifs à la pandémie de Covid-19 seront publiés le premier jour.

Parcourant une Amérique en déclin, où près d’un électeur sur deux n’a pas 500$ en réserve, il prône le retour du “rêve américain”.

Autrefois, si vous travailliez dur et respectiez les règles, vous pouviez acheter une maison et élever une famille… et tout cela avec un seul emploi. Je m’attaquerai aux entreprises qui étouffent le rêve américain et je vous le rendrai.

Kennedy veut pour cela réaffecter l’argent du budget militaire et le financement des guerres interminables vers la reconstruction de l’économie nationale. Mais, s’il s’oppose fermement au financement de la guerre en Ukraine, l’interview dans laquelle il a affirmé son soutien à Israël, fin décembre, pose problème à une bonne partie de son entourage.

Selon des sources confidentielles, c’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles Dennis Kucinich, son premier directeur de campagne, a démissionné, cédant la place à sa belle-fille, Amarillys Fox Kennedy, une fille de milliardaire qui a passé 10 ans au service de la CIA. Encore un choix qui interpelle, quand on sait que Kennedy accuse la CIA d’avoir assassiné son oncle et son père.

Le combat pour l’accès aux médias

Après avoir joui d’une grande popularité médiatique durant des décennies en raison de son nom et de sa carrière d’avocat, Kennedy s’est vu exilé de la place publique lorsqu’il s’est attaqué à Big Pharma. Avec l’association Children’s Health Defense, qu’il patronne, Kennedy avait déjà dénoncé devant les tribunaux un cartel médiatique nommé “The Trusted News Initiative” qui lui a notamment imposé une censure féroce sur les sujets Covid.

Kennedy a également subi la suppression de ses compte Instagram (avec 793 000 abonnés), Facebook, Youtube et Twitter. Début 2023, il a intenté un procès contre Joe Biden et son gouvernement pour avoir poussé les réseaux sociaux à censurer les informations critiques aux mesures pandémiques.

Bien qu’il ait obtenu la restauration de ses comptes suite à une procédure judiciaire, la censure se poursuit. En mai dernier, Meta (qui gouverne Instagram et Facebook) a bloqué une biographie de Kennedy visant à promouvoir sa campagne. Kennedy a donc à nouveau porté plainte contre le géant des réseaux sociaux.

L’accès aux médias est son plus grand défi dans la course aux élections, et c’est à coup de procès que l’avocat est obligé de faire valoir son droit à s’exprimer face au public américain.

Une revanche à la télé? 

À quatre mois du scrutin tout est encore possible. La participation de Kennedy à un débat électoral sur CNN pourrait faire basculer l’opinion en sa faveur et chambouler un scénario attendu. Le tour de force consiste avant tout à obtenir ces moments de grande audience, dont le premier est programmé pour ce jeudi 27 juin.

Kennedy a tout fait pour tenter d’y participer. Selon les critères de débat publiés par CNN, il a le droit de se confronter à ses adversaires sur le plateau de la chaîne. La règle exige que “le nom d’un candidat apparaisse sur un nombre suffisant de bulletins de vote dans les États pour atteindre le seuil de 270 voix électorales”, ce qui est son cas.

Biden et Trump ne remplissent pas encore cette condition, car il ne sont encore que des “candidats présumés” n’ayant ni l’un, ni l’autre, reçu la nomination officielle de leur parti, puisque les congrès de ces partis n’ont pas encore eu lieu. Une faveur à leur égard serait considérée comme une contribution de campagne excessive et pourrait entraîner de lourdes peines pour les patrons de la chaîne.

Kennedy a donc déposé une plainte auprès de la FEC, la Commission Fédérale des Elections, alléguant que CNN, Biden et Trump ont violé de manière flagrante la loi sur les campagnes électorales fédérales (Federal Election Campaign Act), qui exige que les médias utilisent des critères “préétablis” et “objectifs” pour déterminer la participation d’un candidat. Fait inattendu, la Commission a tranché en sa faveur: Kennedy doit être inclus au débat électoral du 27 juin.

Mais, CNN a répliqué en estimant que les résultats des sondages de Kennedy n’étaient pas assez élevés. La chaîne a donc planifié un tête-à-tête entre Biden et Trump modéré par les journalistes Jake Tapper et Dana Bash. Jake Tapper est connu pour avoir déclaré qu’il ne ferait jamais participer Kennedy à une émission estimant qu’il faisait “de la désinformation mensongère à propos des vaccins”.

Son comité de campagne a prévenu :

CNN et son personnel sont clairement avertis, en particulier compte tenu des preuves accablantes [rapportées dans le Washington Post] que la campagne de Biden a ouvertement demandé que Kennedy soit exclu des débats et que Trump a reçu l’assurance de CNN que Kennedy serait exclu.

Avec ce jugement, si CNN organise le débat sans Kennedy, la chaîne et son personnel violent délibérément la loi fédérale sur les campagnes électorales.

En plus de mettre à jour des dysfonctionnements importants de la démocratie aux États-Unis, il semble que cette saga électorale illustre finalement l’affiliation complète des médias traditionnels et des réseaux sociaux au parti démocrate. Nombreux y voient une intention manifeste de désavantager Kennedy. En attendant, l’on peut saluer le courage et la persévérance du candidat pour qui:

La question de la censure est plus importante que notre campagne présidentielle – il s’agit des droits d’un peuple libre à participer à la vie d’un pays libre.