Après sa sortie du Traité pandémie, l’Italie rejette les modifications du RSI pour conserver sa souveraineté

L’Italie profite de l’élan américain pour contenir l’emprise croissante de l’OMS dans le cadre de « la lutte mondiale contre les menaces sanitaires ». Après s’être abstenue des Accords du Traité sur les pandémies adoptés lors de l’Assemblée Mondiale de la Santé en mai dernier, avec une dizaine d’autres nations, le pays vient de signifier son rejet des amendements au Règlement sanitaire international, édictés par l’OMS le 1er juin 2024.
Le 19 juillet 2025 était la date limite pour s’opposer à la modification de cette convention internationale dont les nouvelles modalités étaient censées être acceptées par ses membres signataires en vertu d’une procédure d’accord tacite. Pour le ministre de la santé italien Schillaci et le gouvernement Meloni, ces amendements représentaient une menace potentielle à la souveraineté italienne, tout comme l’Accord sur le traité pandémie, dont l’Italie s’était retirée fin mai.
En janvier dernier, en réponse à la proposition de loi de sortir de l’OMS introduite par deux membres de la Lega après l’annonce du retrait américain, le ministre avait précisé dans ses explications au parlement que l’Italie ne quitterait pas l’OMS, mais qu’elle « attendait plus de clarté sur l’utilisation de ses fonds » et « qu’il ne s’agissait pas de s’isoler, mais d’exercer une vigilance sur les dépenses et la gouvernance ».
Selon Salvini qui soutenait l’idée d’une sortie complète de l’OMS, l’Italie aurait versé près de 100 millions de dollars en 2024, alors que le ministre n’avançait qu’un chiffre de 25,7 millions, soit 18 millions de contribution obligatoire en tant que pays membre et 7,8 millions de plus comme contribution volontaire à certains programmes. Cette différence sur l’état des dépenses souligne bien le manque de clarté sur le montant réel de la contribution des pays à l’organisation et l’opacité de son financement, comme le rappelle un rapport récent compilé par une association médicale indépendante.
Fin mai, l’abstention italienne au « Traité pandémie », qualifiée de « gifle pour l’OMS » et de « victoire pour les anti-vax » par la presse italienne, avait été défendue avec des arguments similaires: la nécessité de garder la main sur la politique de santé nationale et sur les éventuelles dépenses complémentaires qui seraient exigées à titre de contribution solidaire en cas de pandémie.
Le quotidien La Verita a salué la décision du gouvernement Meloni:
Le refus de déléguer à l’OMS les décisions de politiques sanitaires sous la tutelle du concept « Une Seule Santé », en renforçant le rôle de son mega-directeur Ghebreyesus, est un soupir de soulagement pour les citoyens, associations, comité, médecins et juristes qui ont attiré l’attention sur cette échéance pendant des mois, en exhortant de rejeter en bloc ces amendements.
Le « non » italien, rappelle le journal, s’oppose à des dispositions qui auraient pu limiter la liberté de la presse et la vie privée des citoyens et auraient constitué un dangereux précédent dans l’adoption automatique de modifications importantes à des instruments internationaux.
Interrogé sur cette décision, le sous-secrétaire à la santé Marcello Gemma avait également confirmé ces arguments:
Avec cette décision, l’Italie a démontré un grand courage en affirmant de façon claire sa souveraineté nationale en matière de politique sanitaire. Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à avoir considéré que ce paquet d’amendements conférait des pouvoirs excessifs à l’OMS, au niveau politique, organisationnel et financier.
Adoption sans débat pour la Suisse
Grosse déception, au contraire, pour les nombreux critiques suisses qui avaient également appellé leur gouvernement à rejeter cette révision du RSI. Le 20 juin 2025, le Conseil fédéral a approuvé les amendements et a publié le rapport par lequel il justifie sa décision. À l’opposé de l’Italie, le gouvernement de Berne a estimé que les amendements sont « de portée mineure et qu’ils n’ont pas d’implication législative ou financière majeure pour la Suisse ».
Or, comme l’a souligné l’expert en santé publique Philippe Vallat, dans une tribune libre du 23 juin:
De nombreux juristes se sont alarmés de ces modifications, tels que Me Henri Gendre ou Me Philipp Kruse, ou encore les juristes de ABFSchweiz. Un avis de droit de la Prof. Dr. Isabelle Häner aboutit à la conclusion que les amendements du RSI comme le traité pandémique de l’OMS sont d’une telle portée qu’ils devraient être soumis au Parlement fédéral pour approbation. Tous ces juristes concluent, contrairement aux affirmations du Conseil fédéral, que ces amendements conduisent à une perte de souveraineté nationale et à un affaiblissement des libertés fondamentales.
Côté francophone, le Mouvement Fédératif Romand et le syndicat ADETRA s’étaient aussi mobilisés à de nombreuses reprises, comme nous l’avions rapporté dans nos colonnes.
S’il s’agit effectivement de changements mineurs, il faut se demander pourquoi le Conseil fédéral a tout de même lancé une procédure de consultation et pourquoi le député Glarner avait introduit dès le mois de juin 2022 une motion demandant de « soumettre impérativement au Parlement tout accord conclu dans le cadre de l’OMS ou tout instrument élaboré par l’OMS qui, bien que non contraignant, serait susceptible d’entraîner par la suite des obligations pour la Suisse. »
La motion avait été acceptée par les deux chambres et aurait logiquement dû pousser le Conseil fédéral à signifier à l’OMS son refus de l’adoption tacite des amendements, afin de prendre le temps de consulter le Parlement ou de laisser place à une votation populaire.
Le 21 mai dernier, voyant l’échéance de cet « opting out » approcher, l’avocat Remy Wyssman avait encore déposé une plainte au nom de l’association ABF Schweiz.
Mais, le Conseil fédéral ne s’en est manifestement pas préoccupé et a poursuivi sa course en solo. Peu importent finalement la motion Glarner, les 49 000 signatures récoltées par l’association ABF Schweiz, les 30 pages d’avis juridiques remises au Conseil fédéral par des avocats réputés, les nombreuses manifestations organisées notamment par le Mouvement Fédératif Romand, les actions du mouvement politique Mass Voll, du syndicat ADETRA, de l’association WIR verein ou la réclamation de Wyssman auprès des Bureaux du Conseil national et Conseil des États, entre autres.
Le Conseil fédéral a jugé tout cela « minime ». L’annonce faite ce matin par l’Italie contraste singulièrement avec ce qualificatif et devrait pousser les Suisses à réagir s’ils tiennent encore à leur « processus démocratique ».
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