Avant-propos de Jean-Dominique Michel, référent en santé publique de Covidhub :
Nous reprenons le texte qui suit du site “Covid : faits & chiffres” (anciennement blog du Dr Gérard Maudrux) avec nos remerciements à son auteur pour son accord.
En introduction, nous republions ci-dessous l’interview que la Dre Desbiolles a accordée au journaliste André Bercoff sur Sud Radio, sur le thème « Il faudrait enfin une balance bénéfice/risque pour la santé publique ! »
Nous avons inlassablement signalé, au long des mois écoulés, combien les réponses sanitaires de nos pays se sont éloignées des bonnes pratiques, de l’éthique ainsi que de l’état des connaissances en santé publique.
Ceci, il est sans doute difficile pour le grand public de l’apprécier. Et quand les scientifiques et médecins en charge de la politique publique affirment l’inverse, le débat semble clos… a fortiori quand il a été étouffé, comme en Suisse.
C’est dire si l’intervention d’une spécialiste, énonçant haut et fort, mais aussi factuellement et courtoisement, les données de la question, avait de quoi faire l’événement :
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Le Docteur Alice Desbiolles est médecin de santé publique, épidémiologiste, diplômée de vaccinologie. Elle a parlé devant les Sénateurs des indicateurs, des modélisations, de la situation en réanimation, du passe, du confinement, des masques, des vaccins,… avec un calme olympien, en s’appuyant uniquement sur les études de tous les organismes officiels, dont les conclusions vont à l’encontre de tout ce qui est fait. Du factuel, rien que du factuel, qui transforme tout le discours officiel en fake news, le tout sans polémiquer.
Ce que les sénateurs ont appris et que manifestement ils ne connaissaient pas
En ce qui concerne les indicateurs, elle déplore le niveau de transparence dans les données accessibles, dont une bonne partie ne sont pas fournies, notamment en ce qui concerne les patients en réanimation et les enfants, empêchant toute interprétation rigoureuse et pertinente. Il y a nombre d’écarts dans les protocoles, notamment concernant les classes d’âges et les comorbidités, rendant les analyses difficiles ou erronées, du fait de biais majeurs.
En réanimation, on fait l’amalgame avec trois catégories de lits (réas, soins intensifs et surveillance continue), et des indications sont erronées, notamment les hospitalisations “avec” ou “pour” covid. Elle nous apprend que 30% des » patients covid », n’ont pas été hospitalisés pour covid, mais pour une autre cause, toutefois étant par ailleurs porteurs du virus, sans que ce soit le motif d’hospitalisation. Ce chiffre monte à 50% pour la tranche 20-39 ans !
En ce qui concerne la tension dans les services de réanimation, elle cite une note interne de l’APHP, qui signale que cette tension et les reports d’intervention ne sont pas dus à des hospitalisations covid, mais à une fuite du personnel infirmier.
Le tout est couronné par une présentation partiale et orientée des données, qui ne respecte pas la neutralité et l’objectivité.
Des modélisations problématiques
Elle évoque ensuite le recours systématique aux modélisations pour justifier les mesures prises. Or ces modélisations ont un niveau de preuves extrêmement faible, insuffisant pour alimenter la politique de santé publique au regard de leur impact. Il n’y a aucune évaluation de la pertinence de ces modélisations, alors qu’il y a un décalage très important avec la réalité.
Elle cite un travail fait par des polytechniciens sur ces modélisations, en citant l’exemple de la Suède. Lors de la première vague, alors que tout le monde confinait sauf ce pays, 11 modélisations ont été faites. Elles démontraient que ce pays aurait plus de 90 000 morts sans confiner. En réalité, il y a eu moins de 10 000 décès, 9 modélisations sur 11 étaient totalement hors réalité. Pour le docteur Desbiolles, « en la matière, l’erreur est la norme ». « La tendance systématique et constante à la surestimation conduit à des mesures de santé publique à fort impact et des mesures plus restrictives que nécessaire, comme le confinement ».
On a également un rappel des modélisations publiées le 6 juillet 2021 par le Conseil Scientifique conduisant au pass, partant d’hypothèses erronées quant à l’efficacité des vaccins sur la transmissions et la contagiosité. Elle signale que les études randomisées de Pfizer ne portaient pas comme critère de jugement principal sur le risque d’hospitalisation ou de la transmission, utilisés pour justifier le pass, ne concernant pas non plus les formes graves ou décès.
Des mesures prises sans donnée scientifique probante
Ces mesures ont été prises sans aucune donnée scientifique probante sur l’efficacité du pass. Ce dernier a été justifié pour deux raisons. La première était la sanctuarisation des lieux où il était appliqué, alors que des études (Institut Pasteur) ont montré un échec là où il était utilisé (clusters dans les bars et boîtes de nuit). La seconde était l’amélioration attendue du taux de vaccination, alors que nombre de pays (cités), sans pass ou qui n’en avaient pas encore, avaient montré qu’il était possible d’avoir un taux de vaccination de 100% chez les personnes à risques sans ce pass.
Si la vaccination peut apporter un bénéfice individuel chez les personnes à risques, le bénéfice collectif sur les populations à faibles risques n’a jamais été démontré. Il y a un niveau de preuves scientifiques insuffisant pour la mise en place du pass en population générale, n’étant pas dénué de dommages collatéraux qui n’ont pas été pris en compte.
L’étude du Conseil d’Analyse Économique prétendant la réduction de 4 000 décès grâce au passe est démolie en raison des conflits d’intérêts, car on retrouve les mêmes personnes au Conseil Scientifique, qui ne peuvent être juges et partie, et justifier ainsi a posteriori de la pertinence des mesures qu’ils ont prises.
Petit rappel au passage d’une note de l’OMS, d’avril 2021, sur le risque de ces campagnes vaccinales massives, pouvant conduire à une perte de confiance des populations dans les vaccins en général, ce qui serait très dommageable, ainsi qu’une altération du contrat social. Elle nous cite également une étude de l’Inserm, qui montre que le pass augmente les hésitations vaccinales, non seulement pour le covid, mais pour les autres vaccins.
Des conseils qui court-circuitent les agences de santé… et leurs savoir-faire
Le docteur Desbiolles déplore ensuite la création du Conseil Scientifique, qui a shunté nombre d’agences ayant l’expérience de la gestion des épidémies, formées pour cela, et qui se sont occupé de toutes les diverses épidémies précédentes. Le choix des membres de ce Conseil a été fait par cooptation, les personnes se recommandant les unes aux autres, ce qui entraîne l’émergence d’une seule tendance, sans débat contradictoire, indispensable pour une action réfléchie et efficace. Le 19 janvier 2022, dans un communiqué, le Conseil Scientifique a attaqué la médiatisation de la situation et les critiques. « Le débat contradictoire scientifique, non seulement n’est pas organisé, mais n’est pas toléré, ce qui m’interroge très profondément. » nous dit le docteur Alice Desbiolles.
Elle soutient également la position du Professeur François Alla, démissionnaire du Haut Conseil de la Santé Publique, “on assiste aujourd’hui à un processus de décrédibilisation de toute voix discordante. C’est devenu très dur pour un expert de dire : je ne suis pas tout à fait d’accord avec les politiques. Les gens sont tétanisés. Ils ont peur de passer pour des anti-vaccins ou des complotistes.” ajoutant: “l’impression a été donnée qu’il n’y avait qu’une seule voix scientifique homogène et consensuelle dans cette crise, ce qui n’était pas le cas. Et l’impression était donnée qu’il n’y avait qu’une seule voie pour faire face à cette pandémie, encore une fois, ce n’était pas le cas.” Autre propos du Professeur Alla qu’elle fait sienne, disant que : “les agences sanitaires ont joué un rôle de Service Après-Vente pour enregistrer les décisions déjà prises par l’exécutif.”
Des mesures non conformes aux exigences de politique sanitaire
À propos de la vaccination, le docteur Desbiolles précise qu’on attend d’abord d’un vaccin de bloquer la transmission d’un agent infectieux, ce qui n’est pas le cas ici. Elle insiste pour que la vaccination soit ciblée sur les personnes à risques consentantes.
Pour la prise de mesures, le niveau de preuves doit être rigoureux et le rapport bénéfice/risque doit être indiscutable, ce qui n’est pas le cas pour nombre de mesures comme le confinement, la fermeture des écoles, le passe, qui sont toutes des interventions non fondées sur des preuves. L’Université Johns-Hopkins, a ainsi fait une étude sur 53 pays, montrant l’inefficacité du confinement.
Même chose pour les masques, l’OMS ne recommande pas le port du masque dans les activités sportives, et on l’impose aux enfants dans les écoles, mesure qui n’est pas fondée sur des preuves. Il n’existe aucune étude qui montre un quelconque intérêt, même chose pour le port du masque en extérieur.
Il existe par contre un niveau de preuves suffisantes pour vacciner des personnes à risques, mais clairement insuffisant pour une vaccination de masse, sans bénéfice collectif démontré pour des personnes non à risques. Elle estime qu’il est contre-productif d’empêcher les enfants de se contaminer avec omicron.
« On parle d’obligation vaccinale. Il faut bien voir que la médecine a vocation normalement à être suggestive et non pas normative et le respect du consentement des individus est un élément majeur de la médecine moderne, un élément majeur de la progression du droit des patients. C’est la loi Kouchner de 2002, dont on va fêter les 20 ans cette année, qui est aussi acté dans le Code de la santé publique. C’est l’article 36 du Code de déontologie médicale qui stipule que tout patient, après une information loyale, doit pouvoir donner son consentement libre et éclairé sur ce qu’il estime être sa balance bénéfices risques individuels. »
Plus loin encore, tester à l’aveugle dans la population générale n’a pas de sens. Dépenser 1,6 milliards par mois, d’argent destiné à la santé publique pour des tests, qui pour la plupart n’ont pas lieu d’être, sans fondement scientifique, n’est pas sérieux et devrait être utilisé ailleurs. Même chose pour les 60 millions dépensés par les hôpitaux pour contrôler les pass.
Pour les vaccins il existe une incertitude en matière de sécurité. 2 mois de recul ne permettent pas d’évaluer la sécurité du médicament. Il est important d’avoir plus de recul sur l’innocuité, ce qui a été souligné également par l’OMS.
L’usage de la vaccination doit être mesuré et proportionné, fondé sur des preuves, en raison d’un risque d’échappement. D’ailleurs la Haute Autorité de Santé, le 23 décembre 2020, ne préconisait la vaccination que pour les personnes à risques et non obligatoire. Cet avis n’a pas été suivi.
Il se crée en permanence des variants et sous-variants, et les animaux sont autant porteurs de coronavirus, participant à une dissémination. Comment éviter la sélection de nouveaux mutants avec nos vaccins avec ce que l’on appelle une « pression de sélection » en vaccinant tout le monde.
Une publication du CNRS le 18 janvier 2022 souligne que « la stratégie optimale pour minimiser les dommages globaux de la pandémie consiste à focaliser la vaccination sur les personnes à hauts risques afin de les protéger individuellement et efficacement, tout en évitant de sélectionner et de faire circuler des souches résistantes à partir de vaste population de personnes à faibles risques ».
« Quand on met en place des mesures lourdes et coûteuses il faut que cela repose sur de forts niveaux de preuves. Persister dans une erreur n’en fait pas une vérité. »
Des médecins poursuivis pour les mêmes analyses…
Je pense que l’on devrait porter plainte à l’Ordre contre le docteur Desbiolles. En effet, pour être sur la même ligne et pour avoir tenu les mêmes propos, nombre de médecins sont actuellement poursuivis, menacés de suspension ou suspendus. L’Ordre ne doit pas pratiquer de discrimination et doit rester fidèle à lui-même. Il doit aller jusqu’au bout de sa démarche. Lorsqu’elle sera entendue, et qu’elle leur lira le serment d’Hippocrate, comme elle l’a fait devant le Sénat, en leur demandant qui d’eux ou d’elle respecte le mieux ce serment, ce sera un grand moment dans l’histoire de la médecine.
Docteur Desbiolles, RESPECT ! Respect pour vos compétences, pour votre connaissance, pour la simplicité avec laquelle vous expliquez les choses. Respect pour votre courage, votre éthique, votre indépendance, votre respect de la science, de la médecine, et surtout des individus, malades ou non. Vous avez rétabli l’honneur de la médecine et des médecins, tombé bien bas depuis 2 ans. Merci.
- Pour voir la totalité de l’intervention de la Dre Desbiolles devant la Commission des affaires sociales du Sénat : cliquer ici.
- Le texte de l’audition sera bientôt disponible ici.
- Vers l’article original sur Covid : faits & chiffres : cliquer ici.
Pour aller plus loin :
- Alice Desbiolles sur la radio Europe 1 (5 janvier 2022) : Nous sommes rentrés dans l’ère des pandémies, alerte Alice Desbiolles