Le Centre européen pour la résilience démocratique: un nouvel outil totalitaire?
Le 10 septembre 2025, lors du traditionnel « discours sur l’état de l’Union », la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé la création d’un Centre européen pour la résilience démocratique. A priori, celui-ci devrait être le bras opérationnel du bouclier européen de la démocratie, dont le but est de lutter contre la désinformation et les ingérences étrangères, au nom de la protection de la démocratie en Europe. Derrière ces dispositifs se cache en réalité une volonté de contrôle des médias et de l’opinion qui ne date pas d’hier.
Outre la guerre en Ukraine, qui sert de prétexte pour créer une Europe de la défense à l’aide de programmes d’investissements massifs, l’une des autres grandes batailles d’Ursula von der Leyen est la lutte contre la désinformation.
En janvier 2024, la présidente de la Commission européenne avait d’ailleurs affirmé, lors de la réunion annuelle du Forum économique mondial, que «pour la communauté mondiale des affaires, la principale préoccupation pour les deux prochaines années n’est pas un conflit ou le climat, mais la désinformation et la mésinformation.» Une phrase qui ne faisait que résumer la page 8 du Rapport sur les risques mondiaux 2024 publié par le Forum économique mondial.
«La désinformation sape la confiance dans la démocratie»
Le 10 septembre dernier, lors de son «discours sur l’état de l’Union», Ursula von der Leyen est revenue à la charge sur ces questions, rappelant aux députés européens réunis devant elle que «l’essor de la manipulation de l’information et de la désinformation est en train de diviser nos sociétés. Il ne s’agit pas simplement de saper la confiance dans la vérité, mais la confiance dans la démocratie elle-même. C’est pourquoi nous avons besoin de toute urgence du bouclier européen de la démocratie. Nous devons disposer de capacités supplémentaires pour surveiller et détecter les manipulations de l’information et la désinformation. Nous allons donc mettre sur pied un nouveau Centre européen pour la résilience démocratique. Cette initiative permettra de réunir toute l’expertise et toutes les capacités des États membres et des pays voisins.»
La déclaration a soulevé quelques huées et réactions vives de la part de certains eurodéputés, obligeant la présidente du Parlement, Roberta Metsola, à faire un rappel à l’ordre et amenant la présidente de la Commission à répondre d’un air amusé : «Il semble que vous craignez ce nouveau centre…»
Un projet de lutte contre la manipulation de l’information et l’ingérence étrangère en ligne
Faut-il en effet le craindre? Et qu’en est-il exactement de ce nouveau centre? Impossible à l’heure actuelle d’avoir des informations consistantes à ce sujet. Tout au plus, comprend-on entre les lignes que cette structure sera en lien avec le projet de «bouclier européen de la démocratie» annoncé par Ursula von der Leyen dans ses orientations politiques pour 2024-2029 et qu’elle en sera vraisemblablement le bras opérationnel.
Selon le programme de la présidente de la Commission (p.30), le bouclier européen pour la démocratie a pour objectif de «lutter contre la manipulation de l’information et l’ingérence étrangère en ligne», en vue de «protéger notre démocratie» face à «une augmentation du nombre de menaces émanant d’acteurs internes et étrangers, qu’il s’agisse de gouvernements hostiles ou d’acteurs non étatiques.»
La création de ce bouclier s’appuiera «sur les exemples de Viginum en France ou de l’Agence suédoise de défense psychologique», respectivement créés en 2021 et 2022, comme si l’inspiration venait des États membres et que l’UE ne faisait que suivre le mouvement.
Un plan en plusieurs étapes, démarré en 2015
En réalité, l’Union européenne y travaille depuis longtemps. Dès 2015, le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) s’est doté d’une task force appelée East StratCom (TFES) ayant pour but de sensibiliser aux actions de désinformation, à la manipulation de l’information et à l’ingérence pro-Kremlin. Deux autres task forces y ont ensuite été ajoutées, StratCom Western Balkans et South StratCom, axées sur le Proche-Orient, le Golfe persique et l’Afrique du Nord.
À partir de 2018, la menace que la désinformation et l’ingérence étrangère feraient peser sur nos sociétés démocratiques est devenue un véritable leitmotiv du discours de la Commission européenne. Plusieurs étapes ont été franchies cette année-là, dont la première a été une communication de la Commission datée du 26 avril 2018 et intitulée «Lutte contre la désinformation en ligne: une approche européenne».
Désinformation, liberté d’expression et rhétorique fallacieuse
Dans ce texte, on trouve déjà toutes sortes d’affirmations sans fondement, voire proches du sophisme, comme celle selon laquelle la désinformation «porte atteinte à la liberté d’expression». Les raisonnements contradictoires y ont aussi leur place. Exemple: «La liberté d’expression comprend le respect de la liberté et du pluralisme des médias, ainsi que le droit des citoyens d’émettre des opinions et de recevoir ou de communiquer des informations et des idées». Et bien sûr, il faut la défendre. Mais, souligne le texte sans y apporter la moindre preuve, « la désinformation soutient souvent des idées et des activités radicales et extrémistes », qu’il faut en revanche combattre, car elles «sapent» nos démocraties. Donc liberté d’expression, oui, mais liberté d’opinion, non, alors que l’une englobe l’autre?
Autre passage notable, parmi d’autres, de ce texte rédigé deux ans avant la grande manœuvre du Covid: «La désinformation peut également nuire à la confiance de l’opinion publique dans la science et les preuves empiriques.» Et concernant la santé, une note de bas de page précise: «Dans le domaine de l’hésitation vaccinale, la Commission propose une recommandation du Conseil comprenant des mesures spécifiques de surveillance et de lutte contre la désinformation dans ce domaine. Voir COM (2018)245/2». On a pu en mesurer toute la portée…
Du code de bonnes pratiques contre la désinformation au Digital services act (DSA)
Toujours en 2018, la création d’un code de bonnes pratiques contre la désinformation a permis une première mise en œuvre de cette lutte contre la désinformation en ligne, à travers 21 engagements proposés aux acteurs du numérique. Facebook, Google, Twitter et Mozilla, ainsi que des annonceurs et des acteurs du secteur publicitaire, l’ont signé en octobre 2018. Microsoft les a rejoints en mai 2019 et TikTok en juin 2020. Aujourd’hui, une quarantaine d’acteurs l’ont signé.
Ce code, qui a été renforcé en 2022, préfigurait le règlement européen sur les services numériques (DSA), auquel il a depuis été intégré. Néanmoins, le DSA ne vise pas à lutter uniquement contre la désinformation, mais également contre la haine en ligne, les contenus illicites (images pédopornographiques) et la vente d’objets illégaux (armes, drogue, contrefaçons…).
Enfin, pour parachever son «œuvre», la Commission européenne a publié en décembre 2018 un plan d’action contre la désinformation.
Un Observatoire européen des médias numériques pour un réseau international de fact-checkers
Deux ans plus tard, en juin 2020, en pleine gestion sanitaire et médiatique du Covid, un nouvel outil de lutte contre la désinformation est mis en place: l’Observatoire européen des médias numériques (EDMO). Grâce à lui, la grande communauté internationale des «vérificateurs de faits indépendants» entrent dans la danse…
L’EDMO, dont la structure de gouvernance est officiellement «totalement indépendante des pouvoirs publics, y compris de la Commission européenne» qui le finance, a pour but de permettre aux «fact-checkers», aux chercheurs universitaires et à d’autres parties prenantes de collaborer entre eux, mais aussi de les aider «à établir des liens actifs avec les organisations de médias, les experts en éducation aux médias et à apporter un soutien aux décideurs politiques.» L’observatoire repose aujourd’hui sur un réseau tentaculaire de 15 pôles couvrant l’ensemble des 27 États membres de l’UE, ainsi que la Moldavie, la Norvège et l’Ukraine.
Ingérence étrangère et désinformation: trois commissions spéciales successives
Parallèlement, le Parlement européen prend la décision de créer, le 18 juin 2020, une commission spéciale sur « l’ingérence étrangère dans l’ensemble des processus démocratiques de l’Union européenne, y compris la désinformation » (INGE 1). Son mandat ne dure qu’un an. Mais suite à l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe, une nouvelle commission spéciale INGE 2 est créée le 10 mars 2022 par le Parlement, également pour une durée de douze mois.
En 2024, après les élections européennes et la reconduction d’Ursula von der Leyen dans ses fonctions, les parlementaires se saisissent du projet de la présidente et décident de créer cette fois, le 18 décembre 2024, une commission spéciale sur le bouclier européen de la démocratie. Composée de 33 membres et présidée par la députée française Nathalie Loiseau, du groupe Renew Europe, cette commission a pour objectif d’évaluer la législation et les politiques existantes (ou prévues) et d’élaborer des propositions visant à mieux protéger la démocratie européenne face aux menaces et attaques hybrides, internes ou externes, notamment les cyberattaques, la désinformation et l’ingérence étrangère, en particulier dans les processus électoraux européens.
De l’eau dans le gaz entre la Commission et le Parlement?
Il semblerait cependant qu’Ursula von der Leyen ne fasse pas grand cas de cette commission et préfère, comme à son habitude, diriger seule les opérations. En annonçant, le 10 septembre dernier, la création d’un nouveau centre européen pour la résilience démocratique, la présidente de la Commission a manifestement pris tout le monde de court.
En témoigne le communiqué du groupe Renew Europe, rédigé dans la foulée de cette allocution. Tout en saluant l’initiative du nouveau centre, dont il ne semblait pas informé, le groupe de Nathalie Loiseau regrette «les retards persistants de la Commission dans la présentation d’une communication complète sur la création d’un bouclier démocratique européen. (…) Le Parlement européen a pris ses responsabilités au sérieux et se tient prêt à agir. Le mandat de la commission spéciale sur le bouclier démocratique européen a été prolongé afin de maintenir la dynamique de cette initiative cruciale. La Commission doit désormais concrétiser l’engagement du Parlement par des mesures décisives.»
Vers toujours plus de contrôle de l’information et la réduction des libertés
Que comprendra donc concrètement le bouclier européen de la démocratie? Et en quoi consistera exactement le centre européen pour la résilience démocratique? Même s’il est pour l’instant impossible de répondre à ces questions, une chose est certaine: au regard de tous les précédents (y compris le European media freedom act entré en vigueur en août 2025, qui cherche à contrôler la presse au nom de sa liberté, et le projet de règlement CSAR surnommé «Chat Control», visant à ouvrir l’accès aux messageries chiffrées sous prétexte de lutte contre la cyberpédocriminalité), et en se rappelant ce qu’il s’est passé autour des dernières élections présidentielles en Roumanie, on peut parier que ces nouveaux dispositifs dits de protection de la démocratie et de la liberté d’expression n’auront, en vérité, d’autre fin que de les réduire encore davantage en contrôlant toujours plus l’information.
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Wow 😵💫! Les marionnettistes 🎭 sont eux aussi ‘sous hypnose’..? ‘Ils/Elles manipulent et inversent les valeurs humaines’ pour faire tomber le peuple dans le piège 🪤 où ils/elles y sont..🙊
« Ce dont souffre l’humanité, c’est l’hypnose de masse. La plus grande forme de contrôle se trouve là où l’on se croit libre, alors qu’on est fondamentalement manipulé et dicté. »