Le gouvernement autrichien propose d’offrir un an de train gratuit… pour peu que vous vous fassiez tatouer. Ce pays est à l’avant-garde de la renaissance ferroviaire en Europe. Ainsi, depuis quelques années, plusieurs lignes de train de nuit constituent une alternative intéressante à l’avion pour rallier différentes grandes villes [1]. Dans le cadre de cet aspect promotionnel, sa ministre du Climat a émis une «offre» originale: un «KlimaTicket» gravé sur la peau vous permet de voyager librement pendant 12 mois [2]. Un projet qui pose de sérieux risques de santé.
L’argumentaire insiste sur l’aspect écologique auprès de l’usager. L’initiative est pour le moins culottée. Et d’un goût douteux, pour certains, de la part d’un pays où la conjugaison tatouage/train évoque de sinistres épisodes du passé.
Elle est également représentative d’une tendance marquée des pouvoirs publics contemporains, qui n’hésitent pas, pour défendre ce qui est considéré comme une «bonne cause», à mettre en jeu la santé de leurs concitoyens.
Une pratique rituelle millénaire devenue une mode
Les tatouages ne sont pas nés d’hier : ils sont pratiqués depuis des millénaires un peu partout sur la planète.
Il n’y a cependant plus grand chose de commun entre les tatouages géométriques réalisés en Polynésie avec des os et des dents de requin il y a 3000 ans, et la variété de motifs pop pratiqués par les tatoueurs aujourd’hui : ni les techniques, ni la signification.
Le tatouage était chez les Maoris, pour l’essentiel, un art rituel, pratiqué lors de passages décisifs et sacrés de l’existence, et réservé à des classes sociales très spécifiques.
Il a, jusqu’au 20e siècle, conservé ce statut chez des populations bien spécifiques : les marins, les prisonniers russes, les Yakuza japonais ou encore les motards. C’était un signe d’appartenance sociale très fort. Être tatoué, c’était appartenir à un groupe, être «un dur».
France: un quart des jeunes sont tatoués
Aujourd’hui, le tatouage s’est très largement démocratisé, et il est particulièrement populaire chez les plus jeunes : plus d’un quart des 18-24 ans en France ont un ou plusieurs tatouages [3].
Les femmes seraient par ailleurs plus nombreuses à se faire tatouer que les hommes ; bref, ce n’est plus ni un signe de virilité, ni un signe d’appartenance à un groupe de durs à cuire, c’est littéralement une mode.
Les risques pour la santé
Sauf que cet effet de mode s’accompagne d’une recrudescence de problèmes de santé.
L’Institut national de santé publique du Québec a recensé, sur son site, les problèmes de santé liés au tatouage : il s’agit, pour la majeure partie, de risques d’infections bactériennes (notamment à staphylocoque) et virales, liés aux plaies ouvertes durant l’introduction des pigments dans le derme, puis pendant la cicatrisation [4] :
- Inflammation
- Impétigo
- Érysipèle
- Furoncles
- Verrues
- Hépatites B et C
- Etc.
Ces risques sont censés être amoindris avec une bonne hygiène. Cependant, en 2017, une étude révélait des effets à long terme du tatouage plus préoccupants.
Des encres qui contaminent durablement les ganglions lymphatiques
Tous les méfaits que je citais plus haut ne se rencontrent pas avec le henné, et étaient vraisemblablement rares chez les Maoris. Le gros problème des tatouages modernes, ce sont les encres utilisées.
Dans les sociétés traditionnelles qui pratiquaient le tatouage, les pigments étaient d’origine naturelle. Aujourd’hui, il s’agit de composés chimiques et industriels, difficilement traçables : et ce sont ces produits que le tatouage fait pénétrer dans votre organisme, en franchissant à dessein la plus importante de vos protections contre les germes, votre peau.
Colonisation lente du système lymphatique
En 2017, une étude publiée dans Scientific Reports révélait que les nanoparticules des encres de tatouage, loin de disparaître avec le temps, circulaient dans le système lymphatique et finissaient par coloniser les ganglions [5].
On savait déjà que les particules toxiques des encres de tatouage modernes, comprenant notamment des métaux lourds et du dioxyde de titane, rentraient dans l’organisme suite à l’opération ; ce que nous a appris cette étude de 2017, c’est qu’elles y restaient.
Or les dangers associés à une présence prolongée de telles particules dans l’organisme sont bien connus : le cancer.
Un an de train gratuit contre un risque accru de cancer
En promettant un an de train gratuit contre un tatouage, le gouvernement autrichien a-t-il conscience des risques pour la santé qu’il fait courir à ceux qui se laisseraient séduire par son offre absurde et choquante ?
Des pratiques à risque, nous en connaissons plein: le tabagisme, la malbouffe, l’alcoolisme… Les personnes qui fument régulièrement, mangent plus d’une fois par semaine une alimentation ultra-transformée ou abusent de la bouteille, en principe, le font en sachant les risques qu’ils font subir à leur santé : ils sont adultes, et agissent en leur âme et conscience.
Vous remarquerez que les pouvoirs publics agissent pour réduire et restreindre ces pratiques mortifères : soit en communiquant sur leurs dangers, soit en légiférant.
Dans le cas de l’initiative autrichienne, nous sommes dans le cas de figure ahurissant où un gouvernement promeut une pratique littéralement toxique. Pour défendre une «bonne cause», le gouvernement autrichien est prêt à mettre en gage la santé de citoyens suffisamment aveugles pour céder à ce chantage infantilisant : « Si tu te tatoues ce mot, tu voyageras gratuitement» !
Une campagne qui rappelle les incitations à la vaccination Covid
Cela ne vous rappelle rien? Oui, bien sûr. Au début des campagnes de la vaccination Covid, et avant que celle-ci ne devienne quasi-obligatoire, nous avions vu de tels chantages se multiplier autour du monde.
Rappelez-vous: à Paris et à Bordeaux, à l’été 2021, des bars «récompensaient» une personne s’étant fait vacciner en lui offrant… une pinte de bière [6].
La même promesse était faite dans plusieurs Etats américains, ainsi que d’autres plus spectaculaires : un billet gratuit pour une tombola permettant de gagner un million de dollars, ou des études gratuites pour les plus jeunes [7].
Un joint de marijuana ou un fusil offert… Les Etats-Unis ont tout essayé, je crois. En Europe, nous n’étions pas en reste : chaque jeune citoyen grec vacciné se voyait immédiatement gratifié de 150 euros [8] ! C’est la corruption normalisée, institutionnalisée.
Promouvoir une intervention définitive sur notre corps
L’initiative autrichienne repose sur le même principe : d’une part elle monnaye par des cadeaux l’approbation et la participation de la population à une «bonne cause». D’autre part, elle met en gage la santé individuelle des citoyens en les incitant à une intervention sur leur corps, définitive.
Le pire, nous l’avons connu : c’est que cette politique de la « carotte »… précède en général celle du bâton. On vous propose d’abord une bière gratuite… et ensuite on conditionne toutes vos entrées dans un café, dans un restaurant, dans un cinéma ou dans un train à ce «petit geste qui sert une grande cause».
Rodolphe Bacquet
[1] « Comment l’Autriche a fait renaître les trains de nuit en Europe », Alternatives économiques, 5 août 2022 https://www.alternatives-economiques.fr/lautriche-a-renaitre-trains-de-nuit-europe/00104115
[2] « L’Autriche offre un an de transports gratuits à condition… de se faire tatouer », Slate.fr, 28 août 2023
[3] « Le tatouage, un art primitif devenu populaire », leMonde.fr, 10 mars 2018
[4] « Risques à la santé associés à la pratique du tatouage », inspq, 7 avril 2007
[5] Schreiver, I., Hesse, B., Seim, C. et al. Synchrotron-based ν-XRF mapping and μ-FTIR microscopy enable to look into the fate and effects of tattoo pigments in human skin. Sci Rep7, 11395 (2017).
[6] https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/a-paris-et-bordeaux-ce-bar-offre-une-pinte-de-biere-aux-clients-vaccines-contre-le-covid-19_AD-202106180334.html
[7] https://www.ouest-france.fr/monde/etats-unis/covid-19-tombola-bourses-les-incitations-a-la-vaccination-se-multiplient-aux-etats-unis-25128da4-c6dd-11eb-aa48-6742d323d76b
[8] https://www.tf1info.fr/international/video-des-plus-farfelues-aux-plus-radicales-les-incitations-a-la-vaccination-se-multiplient-a-travers-le-monde-2192591.html