L’audience de Mme von der Leyen continue à faire des vagues

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Le juge d’instruction belge est autorisé à poursuivre son enquête.

Le 17 mai dernier nous faisions état de l’audience qui s’est tenue à Liège dans le cadre de l’affaire “SMS Gate” (ou “Pfizergate” en anglais). Pour rappel, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, est accusée d’avoir secrètement négocié par SMS avec le patron de Pfizer, Albert Bourla, un contrat de 1,8 milliard de doses de “vaccin” Covid; des SMS qu’elle aurait par la suite détruits.

Ainsi, le plus gros contrat pharmaceutique de l’histoire de l’Union Européenne se serait-il négocié en contravention directe des règles européennes, et dans un contexte de conflit d’intérêts présumé. En effet, le mari de Mme von der Leyen, Heiko von der Leyen, était au moment de la commande à la tête de la société de biotechnologie américaine Orgenesis, partenaire de Pfizer dans le développement de son “vaccin”.

Le rôle trouble du parquet européen

Un des enjeux essentiels de l’audience était de déterminer si la justice belge, devant laquelle la plainte a été déposée, peut poursuivre son enquête, ou si c’est au contraire le parquet européen (EPPO), qui s’est lui aussi saisi de l’affaire, qui doit instruire la procédure à sa place.

Or, grâce à la conférence de presse qui a suivi l’audience, on comprend désormais que l’EPPO joue un rôle trouble. Les soupçons de Me Diane Protat, avocate du plaignant Frédéric Baldan, semblent donc s’être confirmés. En effet celle-ci, loin de se réjouir de l’implication de l’EPPO dans l’affaire, émettait avant l’audience déjà des doutes sur leur bonne foi. Lors de la conférence de presse, Frédéric Baldan et Me Protat ont tous les deux déclaré que l’EPPO les avait empêchés d’exercer leurs droits.

Depuis, le satiriste allemand, député européen et ancien rédacteur en chef du magazine Titanic a étayé ces accusations en déclarant au journal allemand Berliner Zeitung:

Pourquoi le Parquet européen EPPO, qui dépend du commissaire à la justice Didier Reynders, lui-même subordonné à la présidente de la Commission von der Leyen, a-t-il besoin d’un an et demi pour faire perquisitionner le bureau de von der Leyen dans le bâtiment de la Commission et pour faire saisir son téléphone portable professionnel afin de consulter les SMS de Pfizer?

Reynders lui-même est d’ailleurs au centre d’une affaire de plusieurs milliards de dollars, dans laquelle des parties considérables de la fortune de l’Etat libyen, gelées dans des banques belges, ont disparu sans laisser de trace.

La décision de savoir quelle autorité est compétente dans l’affaire est reportée au mois de décembre. En attendant, et c’est une victoire pour les plaignants, le tribunal de Liège a demandé au juge d’instruction belge Frédéric Frenay, qui a déjà rencontré un certain succès dans des procédures de corruption, de poursuivre son enquête.

Le même parquet s’estime seul compétent

C’est sans surprise donc que l’EPPO a insisté lors de l’audience pour dire qu’elle était seule compétente. Le parquet européen a réitéré cette position dans un communiqué diffusé après l’audience:

En mai 2023, comme le prévoit la procédure pénale belge, le parquet régional de Liège a transmis au Parquet européen une copie des plaintes déposées auprès du juge d’instruction. Le Parquet européen a conclu que les plaintes concernaient des faits relevant de sa compétence matérielle. Il appartient donc désormais au Parquet européen, en tant que parquet compétent, de prendre position sur la légalité des plaintes déposées auprès du juge d’instruction de Liège, et à la Chambre du Conseil d’en trancher. […]

Selon la procédure pénale belge, un juge d’instruction a le pouvoir d’enquêter sur des infractions (présumées) si les infractions sont commises sur le territoire relevant de sa compétence, ou si le suspect réside sur ce territoire, y compris les infractions relevant de la compétence de l’EPPO.

Selon la procédure pénale belge, lorsqu’un juge d’instruction est impliqué, les procureurs délégués européens doivent coopérer avec sept juges d’instruction désignés, conformément à leur compétence territoriale respective.

Cependant, l’EPPO a constamment attiré l’attention de la Commission européenne sur le manque manifeste de conformité avec le règlement de l’EPPO de la procédure pénale belge, impliquant un juge d’instruction qui mène une enquête complète avec les pleins pouvoirs d’investigation. En vertu du droit communautaire applicable, c’est à l’EPPO qu’il incombe d’enquêter, de poursuivre et de juger les auteurs d’infractions pénales portant atteinte au budget de l’UE. L’une des conséquences de ce non-respect est qu’il existe aujourd’hui des procédures distinctes en cours devant différentes instances judiciaires pour des plaintes ayant pour origine le même ensemble de faits.

L’enjeu des élections

En filigrane de cette affaire se distingue évidemment les prochaines élections européennes. Mme von der Leyen brigue sa réélection.

Lors de la conférence de presse qui a suivi l’audience, le plaignant Frédéric Baldan a déclaré que von der Leyen, dans ces circonstances, ne pouvait plus continuer de diriger la Commission européenne. Il a expliqué que la procédure durera au moins jusqu’en 2025, et que von der Leyen serait par conséquent fortement entravée dans l’exercice de ses fonctions.

Le député européen Martin Sonneborn est quant à lui encore plus direct:

Il y a un an et demi, lorsque l’EPPO s’est saisie de l’affaire, j’espérais encore que nos soupçons immédiats selon lesquels elle ne ferait que s’approprier l’enquête pour la faire traîner jusqu’après les élections européennes ne seraient pas fondés.

Au lieu de cela, il apparaît que l’objectif de l’EPPO n’est pas de servir les intérêts des citoyens, mais de protéger les responsables de l’UE de leur obligation de rendre des comptes sur le plan démocratique.

En résumé de ses récriminations, et au sujet du choix du renvoi de la décision au mois de décembre, M. Sonneborn ajoute:

Cette décision [de renvoyer la décision] délégitime encore plus l’élection européenne, déjà suffisamment délégitimée, dont le résultat, à savoir un nouveau mandat de la présidente de la Commission von der Leyen, est déjà connu, tout comme les résultats des élections en Russie ou en Chine.

L’avenir proche dira si le pessimisme de M. Sonneborn est justifié. Selon Bloomberg, von der Leyen est confrontée à un profond mécontentement dans de nombreuses capitales européennes; or en 2019 déjà, elle n’avait été élue que par 383 voix, soit neuf de plus que le minimum requis. Sa marge de manœuvre risque donc d’être probablement encore plus réduite cette année.

Profil bas des avocats des accusés

Comme l’explique France Soir, dont un journaliste était présent à la sortie de l’audience de vendredi, les avocats des accusés ont fait profil bas:

En sortie d’audience, les mines des avocats des mis en cause étaient grises, ne se prêtant à aucun commentaire, à commencer par Adrien Masset, avocat d’Ursula von der Leyen, ou Tom Bowens, avocat d’Albert Bourla.

Avec un regard fuyant, ils rasèrent les murs en sortant de la salle d’audience, tel un boxer qui aurait pris un knockout sur un ring. Ténors du barreau peut-être, mais ce coup-ci leurs chants étaient silencieux.

Les avocats bruxellois qui s’attendaient probablement à une promenade de plaisir dans la province de Liège accompagnée par la requête d’irrecevabilité de l’EPPO, se sont retrouvés face à un mur, notamment suite aux demandes répétées de transparence dans le cadre de cette affaire qui devrait être de mise.

D’ailleurs dans une communication, Me Masset, conseil d’Ursula von der Leyen, explique que «divers plaignants aux motivations fantaisistes, fondées notamment sur des positions antivax…», une forme d’argument d’autorité utilisé trop facilement peut-être pour masquer le véritable fond du problème.

Cette absence de commentaire de la défense, est-elle imputable au fait que l’EPPO n’ait pas obtenu gain de cause, et que le juge d’instruction belge Frédéric Frenay a pour l’instant été autorisé à poursuivre son enquête?

Hasard du calendrier?

En tout état de cause, il semble que la Commission mette toutes les chances de son côté et ait décidé de ne courir aucun risque. Hasard du calendrier ou pas, elle vient de décider de drastiquement réduire le budget de l’EPPO.

En attendant, et pour les lecteurs intéressés d’approfondir les enjeux de l’audience du 17 mai, nous proposons ci-dessous la conférence de presse dans son intégralité. Nos confrères de France Soir en proposent aussi une retranscription complète.