Palantir: l’arme secrète des gouvernements occidentaux

Nous envisagions depuis longtemps de rédiger un article sur Palantir, cette société créée par Peter Thiel et Alex Karp en 2003, initialement financée par le fonds d’investissement de la CIA, et dont l’ambition n’a jamais été cachée: devenir le rouage central du complexe industriel de surveillance en Occident.
Un tel article s’inscrirait dans la continuité de ce que nous avons déjà eu l’occasion de publier, tant sur la surveillance de masse que sur le dark enlightenment de Peter Thiel.
Toutefois, le fait que le dirigeant de Palantir, Alex Karp, revendique ouvertement l’aspect « big brother » de son entreprise, qu’il déclare sans complexe que ceux qu’il considère comme des ennemis doivent « se réveiller et se coucher dans la peur » ou qu’il suggère que ses rivaux devraient être tués par des drones, il devient difficile de proposer quelque chose qui n’est pas déjà de notoriété publique; depuis plusieurs années, les médias de masse, même français, annoncent aussi la couleur.
En effet, M. Karp, sioniste jusqu’au bout des ongles, qui va jusqu’à prévoir une prochaine 3ème guerre mondiale opposant les États-Unis à la Chine, la Russie et l’Iran, au cours de laquelle son entreprise devrait jouer un rôle central, ne fait pas dans la langue de bois; son entreprise ne se cache pas de fournir des outils indispensables aux massacres israéliens dans la bande de Gaza, de proposer la clef de voûte de la surveillance sanitaire, ou de construire une infrastructure de contrôle et de répression totale.
Désormais, sous le régime Trump aux États-Unis, la position de Palantir est plus forte que jamais; il est donc devenu indispensable de contribuer à faire connaître cette entreprise, même si son dirigeant le fait déjà très bien tout seul. Un excellent documentaire est certes disponible depuis cet été, mais il n’existe pour l’instant qu’en allemand; une information complète et actuelle fait donc encore défaut en français.
C’est donc dans ce contexte que nous proposons l’excellente vidéo ci-dessous. Réalisée en français par Louis Esquier et disponible sur Youtube depuis la semaine dernière, elle brosse en une demi-heure un portrait édifiant de Palantir.
Bien que M. Esquier ait sans doute une compréhension un peu naïve du 11 septembre, de la « traque de Ben Laden », de l’immigration de masse ou de la « pandémie » de 2020-2022, sa présentation est néanmoins pertinente; elle aborde tous les points essentiels, et conclut de façon remarquable en encourageant ses auditeurs à reprendre leur souveraineté en main et à cesser d’alimenter le système de surveillance; nous recommandons simplement d’ignorer la publicité en fin de vidéo après 29:50.
Retranscription
Pour tous ceux qui préfèrent la lecture, voici une retranscription de la vidéo.
Palantir, c’est un nom que tu n’as peut-être jamais entendu, et pourtant il décide déjà d’une partie de ton avenir, parce que ce n’est pas une entreprise comme Google ou Facebook. Ce n’est pas non plus une start-up qui fait des applications pour t’occuper dans le métro.
Palantir, c’est autre chose. Le logiciel que les gouvernements utilisent mais dont personne ne parle. Une boîte que la CIA a financée, que le Pentagone utilise et que même la France ou certains pays européens payent en secret. Et tu ne la vois nulle part. Tu ne tombes pas sur une pub YouTube qui te dit «télécharge Palantir». Pourtant tes données, ta vie privée, tes déplacements, tes conversations, tes habitudes de consommation et tes opinions politiques, tout ça Palantir peut déjà le voir, l’analyser, le croiser avec d’autres données, et en tirer des conclusions sur toi.
En bref, tu ne connais pas Palantir, mais Palantir sait déjà qui tu es. Alors, qu’est-ce que Palantir exactement? Une entreprise de logiciels officiellement, mais en réalité bien plus que ça. Est-ce que tu sais ce qui est le plus puissant au monde aujourd’hui? Beaucoup diront la puissance nucléaire; mais non, c’est la donnée. Palantir c’est l’entreprise qui a trouvé comment transformer des milliards de données chaotiques en une arme géopolitique. C’est peut-être pour ça qu’on l’appelle déjà l’arme secrète des gouvernements.
Tu connais Sauron? Imagine un œil géant qui scrute chaque information produite sur terre. Des milliards de fragments éparpillés. Achat en ligne, appel téléphonique, un trajet en métro, une recherche Google, une transaction bancaire. Pris séparément, ces morceaux ne veulent rien dire. Mais assemblés, c’est une carte ultra-précise de ta vie. Palantir, c’est la machine qui assemble ces morceaux. Et ce qui est fascinant, c’est que cette machine ne se contente pas de regarder le passé; elle peut anticiper et prédire. Elle peut dire: « Cet homme dans cette ville risque de commettre un crime dans les prochains jours ». Ou encore: «cette armée va attaquer par ici, à telle heure, tel jour».
C’est pour ça que ce documentaire est important, parce qu’on ne parle pas d’une énième start-up qui fait du bruit dans la Silicon Valley. On parle d’une entreprise qui en 20 ans est devenue plus influente que la plupart des pays du monde. Et si Palantir est l’avenir de la guerre, de la sécurité et de la politique, alors on pourrait se poser la question: est-ce que Palantir protège vraiment le monde ou est-ce que Palantir ne devient pas l’outil qui va créer une surveillance de masse totale sur le monde entier?
Pour comprendre Palantir, il faut comprendre son fondateur: Peter Thiel. Un nom qui, comme Palantir, ne te dit peut-être rien – mais qui, dans l’ombre, a déjà façonné une bonne partie du monde dans lequel tu vis.
Peter Thiel, c’est l’un des archétypes du génie de la Silicon Valley. Mais attention, ce n’est pas le même profil que Steve Jobs qui rêvait de design et de révolution culturelle. Ce n’est pas non plus quelqu’un comme Elon Musk qui rêve de conquérir Mars. Thiel, lui, est obsédé par autre chose: le pouvoir, la survie et surtout l’anticipation du chaos.
Né en Allemagne, émigré aux États-Unis très jeune, il grandit avec une idée: l’Amérique est le centre du monde, et il faut la protéger à tout prix. C’est un homme fasciné par la stratégie, par la philosophie politique, par les penseurs réactionnaires qui parlent d’ordre et de contrôle.
Au fond, Peter Thiel n’est pas un rêveur comme les autres entrepreneurs de la Silicon Valley. C’est un paranoïaque éclairé, un homme convaincu que la civilisation est toujours à deux doigts de s’effondrer et qu’il faut donc construire des outils capables de maintenir l’équilibre.
En 1992, il sort diplômé de Stanford en philosophie, puis poursuit en droit à la Stanford Law School où il obtient son diplôme en 1994. Très vite, il se lasse de la voix classique. Il travaille brièvement comme avocat à New York chez Sullivan & Cromwell puis comme trader chez Crédit Suisse; mais Thiel ne veut pas être un simple rouage de la machine financière.
En 1996, il revient en Californie, et fonde le Thiel Capital Management Fund. Il s’entoure d’un cercle d’amis de Stanford obsédés par la politique, la philosophie et la technologie. Ensemble, ils publient aussi The Stanford Review, un journal étudiant qu’ils avaient confondé dès 1987, et qui deviendra une tribune conservatrice influente dans la Silicon Valley.
En 1998, il s’associe avec Max Levchin pour créer Confinity, une start-up de paiement numérique. Deux ans plus tard, Confinity fusionne avec une autre entreprise fondée par Elon Musk: X.com. De cette fusion nait PayPal.
En 2002, PayPal est racheté par eBay pour 1,5 milliard d’euros. Peter Thiel qui détient 3,7% des parts encaisse plus de 55 millions. Et à ce moment-là, il a 35 ans. Il est déjà riche mais surtout libre. Libre d’investir dans ses obsessions, libre de financer ses idées et libre de construire quelque chose de plus grand que PayPal. Et quelques mois plus tard, le 11 septembre allait lui donner la raison parfaite pour passer à l’action.
Le monde entier regarde en direct deux avions pulvériser les tours jumelles à New York, et l’Amérique découvre brutalement une vérité. Elle n’est plus invincible. Pour les agences de renseignement, c’est un cauchemar. Elles avaient toutes les données nécessaires qui permettaient de faire le lien et d’anticiper l’attaque terroriste avant qu’elle n’ait lieu, parce qu’elles avaient les virements bancaires suspects, les appels venant d’un numéro connu d’Al-Qaïda et même un billet d’avion payé en liquide. Toutes ces données existaient mais elles étaient éparpillées, enfouies dans des bases séparées et personne n’avait su connecter ces points.
Trop d’informations, pas d’outil pour les analyser. Et c’est là que Peter Thiel entre en scène. Il voit dans cette tragédie la confirmation de son intuition. L’avenir appartient à ceux qui sauront transformer le chaos des données en ordre, en prévision et en pouvoir. Donc si on pouvait construire une machine qui connecte tout, un logiciel capable de prendre des milliards de fragments de données éparpillées: appel, transaction, email, géolocalisation, et les assembler dans un dossier clair et lisible, un logiciel qui ne laisse rien passer, c’est ça l’idée de Palantir.
Parce que pour Thiel, Palantir ce n’est pas seulement une entreprise, c’est une réponse philosophique à une question qui l’obsède: comment éviter le chaos dans un monde qui devient de plus en plus mondialisé? Lui-même le dit: la liberté et la sécurité ne sont pas opposées; la liberté exige une sécurité totale. Une phrase qui résume toute sa pensée. La liberté individuelle n’a de sens que si elle est protégée par un système de surveillance parfait. Et ce système, il décide de le construire.
On est en 2003. Thiel sort du succès de PayPal qu’il a confondé avec Elon Musk et il est riche, très riche. Mais son obsession, ce n’est pas de fonder une énième start-up pour vendre des gadgets. Son obsession, c’est d’appliquer la logique de PayPal, détection des fraudes financières en temps réel, au monde entier.
Si un algorithme peut détecter un paiement frauduleux sur une carte bancaire, pourquoi ne peut-il pas détecter un terroriste avant qu’il ne frappe? Avec quelques anciens de PayPal, il fonde donc Palantir. Et dans ces personnes, il y a un profil particulier, c’est celui d’Alex Karp.
Karp, lui, vit en Europe. Il s’intéresse à la violence politique, aux mouvements sociaux et à la montée des extrêmes. Il voit déjà la société occidentale se fissurer. Et leur point commun: une obsession du chaos. Thiel veut l’anticiper pour protéger les élites, Karp veut l’anticiper pour protéger les démocrates.
Et c’est par des amis communs de Stanford que les deux se croisent. Thiel recherche un profil atypique pour diriger une entreprise qui ne serait pas une start-up comme les autres. Il ne veut pas un ingénieur classique, il veut quelqu’un qui comprend les sociétés, les mouvements et les idéologies, quelqu’un qui sait lire le chaos humain et pas seulement des lignes de code.
Alex Karp n’a rien d’un ingénieur. Il n’a pas le profil classique des géants de la Silicon Valley. Il est diplômé en droit à Stanford, oui, mais surtout il a un doctorat en philosophie sociale. Il a étudié à Francfort, et Karp est aussi un personnage spécial. Il parle de méditation, de santé alternative, de médecine naturelle. Il nage tous les matins dans l’eau glacée et il pratique des rituels bouddhistes. Il croit que la société occidentale est en train de s’effondrer et qu’il faudrait trouver une voix spirituelle pour survivre.
Un homme qui parle de paix intérieure tout en construisant l’entreprise qui va alimenter les guerres à venir. Palantir, nom choisi avec soin: dans le Seigneur des anneaux, les palantiri ce sont des pierres magiques qui permettent de voir n’importe quoi, n’importe où, mais qui finissent toujours par corrompre ceux qui les utilisent, et ça aura son importance.
Dès le début, Palantir n’est pas une start-up comme les autres. Elle ne va pas chercher ses financements auprès de fonds classiques de la Silicon Valley. Elle reçoit de l’argent directement de In-Q-Tel, le fonds d’investissement de la CIA. Est-ce que tu comprends l’importance? Dès ses premiers mois, Palantir est adossée à la plus puissante agence de renseignement du monde. Dès ses premiers mois, l’entreprise n’est pas un acteur du marché libre, mais un bras technologique de l’État profond américain.
Palantir n’a jamais caché sa mission. Son but? Intégrer, analyser et interpréter toutes les données du monde. Pas seulement des terroristes, pas seulement des criminels, non, toutes. Parce que pour Peter Thiel la menace peut venir de n’importe où, et parce que pour prédire le chaos, il faut d’abord être capable de tout surveiller.
Mais alors, que veut Peter Thiel vraiment? C’est là que ça devient intéressant, parce que cet homme est un mélange étrange de libertarisme et d’obsession sécuritaire. Il milite pour moins d’État, mais il bâtit des outils qui donnent à l’État un pouvoir absolu de surveillance. Il critique la démocratie mais il finance les campagnes de politiciens qui défendent ses intérêts. Il se dit visionnaire mais beaucoup le voient comme un paranoïaque dangereux.
Ce qui est certain, c’est qu’il ne croit pas en l’égalité. Pour lui, la société est une lutte permanente entre ceux qui voient et ceux qui subissent. Et Palantir, c’est l’arme qui sépare les deux. Donc Peter Thiel a-t-il créé Palantir pour protéger le monde ou pour le contrôler? Parce que si son objectif était vraiment d’uniquement déjouer les attentats, pourquoi est-ce que Palantir a fini par être utilisé par les polices locales, les multinationales et même des gouvernements étrangers?
Parce qu’il y a une raison économique derrière, parce qu’il gagne de l’argent. Mais est-ce que Thiel a créé une entreprise de sécurité? Est-ce qu’il n’aurait pas ouvert la boîte de Pandore d’une surveillance totale?
Pour comprendre sa logique, il faut plonger dans sa psychologie. Peter Thiel est obsédé par une idée: la survie des élites. Il a investi dans des projets de longévité pour vivre plus longtemps. Il finance des recherches sur le sang des jeunes comme thérapie antivieillissement. Il a même parlé de créer des cités flottantes en pleine mer hors de tout contrôle gouvernemental.
C’est un homme qui ne croit pas vraiment à l’avenir de la société telle qu’on la connaît, et croit à l’avenir d’une minorité qui saura utiliser la technologie pour dominer les autres. Et Palantir dans ce schéma n’est pas qu’un logiciel: c’est l’outil ultime de cette domination.
En 2003, personne ne comprend encore ce que Palantir est en train de devenir. Mais pour Peter Thiel, tout est clair. Il ne construit pas une entreprise, il construit une arme. Cette arme, bientôt tous les gouvernements du monde vont vouloir l’avoir.
2004: nous sommes en Irak. Des soldats américains patrouillent dans une rue poussiéreuse de Bagdad. Ils avancent lentement, tendus car ici chaque pas peut être le dernier. Un sac abandonné au bord de la route, c’est peut-être une bombe. Un gamin qui fait un signe de la main, c’est peut-être un signal pour un tireur embusqué. À cette époque, la guerre ressemble à une immense loterie mortelle. Les insurgés frappent vite, disparaissent aussitôt. Les Américains, eux, se battent les yeux bandés, presque.
Ils ont des montagnes de données, des rapports du terrain, des interceptions radio, des images satellites et des relevés de drones. Mais impossible de donner du sens à ce chaos. Et c’est là qu’entre en scène Palantir. Un officier ouvre son ordinateur portable; sur l’écran, une interface étrange, un tableau qui relie des milliers de points. Chaque point, c’est une donnée brute: un numéro de téléphone, une plaque d’immatriculation, une adresse email, un transfert d’argent. Individuellement, ça ne veut rien dire; mais reliés ensemble, un schéma apparaît. Un réseau, des connexions, des visages derrière les ombres, Palantir fait ce que l’esprit humain est incapable de faire à cette échelle: il croise en temps réel des milliards de données et d’informations, et il révèle les liens invisibles entre elles.
Là où les militaires voyaient du bruit, Palantir voit une structure, et cette structure c’est la clé pour survivre. Très vite, Palantir devient l’outil favori des analystes américains en Irak et en Afghanistan. Ce n’est pas seulement un logiciel d’espionnage, c’est un logiciel de prédiction.
Exemple: un convoi américain est censé passer dans une région où statistiquement beaucoup d’attaques ont lieu. Palantir croise les données récentes. Une série d’appels téléphoniques entre deux villages, un retrait d’argent suspect dans une banque locale, des posts sur des forums islamistes, et même la météo du jour. Résultat: Palantir annonce une forte probabilité d’une attaque par engin explosif improvisé dans cette zone à cette heure précise. Et quand les soldats décident de changer leur itinéraire, l’explosion a bien lieu. Mais plus loin, sans victime. À ce moment-là, Palantir cesse d’être un simple outil informatique: il devient une arme. Une arme qui sauve des vies, mais aussi une arme qui rend accro. Parce qu’une fois que tu as goûté à Palantir, tu ne peux plus t’en passer.
Les soldats racontent que refuser Palantir, c’est comme partir au combat sans gilet pare-balles. Sans lui, tu avances dans le noir. Avec lui, tu as l’impression d’avoir une lampe torche qui éclaire chaque piège. Et forcément, les généraux veulent plus: plus de données, plus de précision et plus de contrôle. Et c’est là qu’il y a le potentiel.
Si Palantir peut prédire une attaque terroriste à Bagdad, alors pourquoi ne pas l’utiliser à New York, à Los Angeles, à Londres ou à Paris? Après tout, les terroristes ne se déplacent pas qu’en zone de guerre. Ils vivent aussi dans nos villes, utilisent nos téléphones, voyagent dans nos avions, et très vite Palantir est utilisé non seulement par le Pentagone mais aussi par le FBI, la NSA, la CIA et même les agences gouvernementales européennes.
Le logiciel devient l’arme secrète d’une nouvelle guerre, celle de l’information. Officiellement, Palantir sert à protéger, empêcher les attentats et déjouer les menaces. C’est la promesse parfaite, un monde plus sûr grâce à la technologie. Mais il y a un prix, un prix que personne n’avait jamais prévu au départ, parce que pour fonctionner, Palantir a besoin de beaucoup de données; des tonnes de données, des montagnes de données. Et ces données, et bien ce sont les tiennes.
Alors à partir de 2008, la police new-yorkaise commence à utiliser Palantir. Donc la question est simple: comment distinguer un terroriste d’un citoyen ordinaire? La réponse: on ne distingue pas. On collecte tout, on croise tout et on garde tout. C’est ça la logique Palantir: prendre absolument toutes les informations et laisser l’algorithme décider ce qui est suspect. Tu te retrouves dans la même base de données qu’un criminel recherché. Ton historique bancaire est analysé, tes déplacements sont cartographiés et tes contacts sont surveillés; et tu n’en sais rien.
Ironie du sort, Palantir était tellement efficace que même les agences américaines en avaient peur. La CIA, la NSA et le FBI se sont parfois méfiés de l’entreprise, de peur qu’elle ne devienne plus puissante qu’eux, et de peur qu’elle révèle leurs affaires au plus grand jour. Palantir n’était pas seulement un fournisseur, c’était un intermédiaire qui voyait tout, un acteur privé qui avait accès aux secrets d’État les mieux gardés.
En clair, Palantir devenait un État dans l’État. Et ça, c’est peut-être la partie la plus inquiétante.
Pendant ce temps, en 2011, sur le terrain, Palantir continuait à s’imposer. On dit qu’il a un rôle à jouer dans la traque de Ben Laden, qu’il a permis d’identifier des centaines de réseaux dormants, et qu’il a sauvé des milliers de vies. Mais chaque victoire de Palantir posait une nouvelle question. Si une entreprise privée peut traquer un terroriste en Afghanistan, alors qu’est-ce qui l’empêche de traquer n’importe qui, n’importe où?
C’est là que tout bascule, parce qu’en vérité Palantir n’a jamais été limitée au terrorisme. C’était l’argument de départ, l’excuse pour convaincre les gouvernements, obtenir les financements et signer les premiers contrats. Mais une fois que la machine était lancée, elle ne pouvait plus s’arrêter, et très vite, elle allait sortir du champ de bataille pour s’inviter dans nos villes, nos entreprises et nos vies. Et à ce stade, Palantir est encore une arme secrète. Personne n’en parle publiquement. Les citoyens ne savent même pas que ça existe.
Palantir a déjà prouvé son utilité en Irak et en Afghanistan. Les militaires sont accros, les agences américaines aussi. Et à partir de là, l’histoire bascule parce que ce qui était censé être un outil contre le terrorisme va devenir une machine pour surveiller le monde entier. Parce que très vite, un constat s’impose: aucun concurrent n’est aussi efficace que Palantir.
Les analystes du FBI, de la NSA et de la CIA se battent pour y avoir accès. Les enquêtes criminelles qui prenaient des mois se résolvent en quelques jours, et les menaces terroristes deviennent des schémas visibles sur un écran. Et plus Palantir est utilisé, plus il devient indispensable. L’entreprise devient le couteau suisse des agences de renseignement américaines: un logiciel qui peut s’adapter à tout. Terrorisme, mafia, cyberattaque, trafic de drogue.
Mais ce succès amène une nouvelle question: pourquoi se limiter aux champs de bataille? En 2013, Edward Snowden fait exploser le scandale PRISM, et révèle l’ampleur de la surveillance de masse orchestrée par la NSA. Le monde découvre que les États-Unis interceptent tout: appels, emails, conversations privées; et derrière ces systèmes opaques, qui est là pour analyser les milliards de données brutes? Palantir. Et les journalistes n’ont jamais réussi à prouver jusqu’où l’entreprise était impliquée.
Mais une chose est sûre: elle est déjà au cœur de la machine de surveillance américaine. Et cette fois, ce n’est plus une guerre lointaine, c’est une guerre à domicile. En 2014, l’ICE (Immigration and Customs Enforcement) signe un contrat massif avec Palantir. L’objectif? Suivre à la trace les flux migratoires, identifier les individus suspects et gérer des millions de dossiers en temps réel. C’est la naissance du programme ICM (Investigative Case Management).
Derrière ce nom bureaucratique, un logiciel qui permet de transformer chaque migrant en donnée, chaque donnée en profil et chaque profil en suspect potentiel. Et pour beaucoup d’Américains, c’est un basculement. Palantir n’est plus seulement une arme contre Al-Qaïa, c’est une arme utilisée pour des familles, des réfugiés, des sans-papiers.
Et Palantir ne s’arrête pas là; à la même époque, de nombreuses polices locales aux États-Unis commencent à utiliser ses services. Los Angeles, Nouvelle-Orléans, New York. Les promesses sont alléchantes: réduire la criminalité, prévoir les zones à risque et identifier les réseaux avant qu’ils ne frappent.
Pendant ce temps, Palantir grossit à une vitesse folle, et en 2015, sa valorisation atteint 20 milliards de dollars. Et pourtant, tu n’as jamais vu une seule pub de Palantir. Tu ne peux pas télécharger leur logiciel. Tu ne sais même pas vraiment à quoi il ressemble. Et c’est volontaire. Palantir n’a pas besoin de toi. Ses clients, ce sont les États, les grosses entreprises; et les États payent cher pour garder leurs accès.
2016, 2017, 2018, les contrats s’accumulent. Défense, sécurité intérieure, agences fédérales, Palantir s’infiltre à chaque recoin de l’appareil d’État américain. Mais un événement va marquer un tournant: c’est le projet Maven, un programme du Pentagone destiné à utiliser l’intelligence artificielle pour analyser les images de drones et automatiser les frappes.
Au départ, c’était Google qui devait travailler dessus, mais face aux critiques internes chez Google, les ingénieurs se rebellent et Google abandonne. Palantir, elle, elle accepte. Pas de scrupule, pas de débat moral, juste une conviction: chaque guerre est une opportunité.
Avec Maven, Palantir s’impose comme le partenaire technologique préféré du Pentagone. Un rôle qui confirme sa mutation; de simple outil d’analyse, elle devient l’acteur central de la guerre moderne.
Mais cette ascension ne se fait pas sans critique; à mesure que Palantir s’impose, les voix s’élèvent. Des associations dénoncent une entreprise privée qui concentre un pouvoir digne d’un État; des lanceurs d’alerte accusent Palantir de franchir les limites de l’éthique, et même à l’intérieur de la Silicon Valley, certains commencent à regarder Palantir avec méfiance.
Palantir cultive le secret, et ce secret, il commence à inquiéter. En 2019, Palantir n’est plus une start-up. C’est une hydre, un monstre à plusieurs têtes: militaire, policière, migratoire, financière. Elle a infiltré l’armée américaine, la CIA, le FBI, l’ICE, les polices locales et même certaines agences de renseignement européennes. Elle a accumulé des milliards de données, elle a survécu à plein de polémiques et surtout elle est devenue indispensable, parce qu’au fond, aucun gouvernement n’ose dire non à Palantir.
Plus de données à regrouper, pourquoi pas? Parce que sans elle, ils avancent dans le noir, et avec elle, ils peuvent tout voir. En 2020, tout s’accélère pour Palantir et ça commence, bien évidemment, par un événement que vous connaissez bien: la pandémie. Des milliards de personnes confinées, un virus qui se propage plus vite que n’importe quelle armée et des gouvernements complètement dépassés.
À ce moment-là, les gouvernements ont perdu le contrôle. Et qu’est-ce qui se passe quand une entité perd le contrôle? Il lui faut de l’info, de la data, du contexte et tout ce qui lui permettrait de reprendre un semblant de contrôle.
Palantir profite donc de cette opportunité, et c’est pendant la crise du Covid que Palantir se révèle au grand public; même si, à ce moment-là, la plupart n’en n’avaient jamais entendu parler.
En réalité, l’entreprise était déjà dans les coulisses; mais là, elle entre par la grande porte. Au Royaume-Uni, le NHS signe un contrat avec Palantir pour gérer toutes les données liées à la pandémie. Tests, hospitalisations, stocks de masques, respirateurs: tout passe par Foundry, la plateforme phare de Palantir; et en quelques mois, une infrastructure de surveillance sanitaire nationale est déployée.
Ça permet de sauver des vies, mais aussi beaucoup comprennent que quelque chose de plus grand est en train de se jouer. Pour la première fois, Palantir a un accès direct aux données de santé de millions de citoyens; un terrain vierge encore plus intime que les données bancaires ou de géolocalisation.
Mais Palantir ne se contente pas de la pandémie, parce qu’en septembre 2020, l’entreprise entre en bourse. La valorisation explose. Pour ses fondateurs, c’est un symbole. Après presque 20 ans dans l’ombre, Palantir assume enfin sa puissance. Mais cette visibilité a un prix. Pour la première fois, Palantir est scrutée par les marchés, par les journalistes et par l’opinion publique. Et le monde découvre l’ampleur de ses contrats.
Des milliards de dollars liés à la défense, la sécurité et la santé. Un carnet de clients qui cartographie le pouvoir mondial. CIA, FBI, NHS, US Army, OTAN. Palantir n’est plus une start-up secrète; c’est un empire côté en bourse qui travaille avec toutes les plus grosses puissances géopolitiques américaines.
En 2022, quand la Russie envahit l’Ukraine, Palantir s’invite au conflit. L’armée ukrainienne utilise l’extension Foundry de Palantir pour analyser les mouvements des troupes ennemies, croiser les images satellites et coordonner ses frappes. Le champ de bataille devient une matrice de données.
Officiellement, Palantir ne combat pas; mais dans les faits, son logiciel devient une arme décisive. Chaque drone, chaque missile et chaque opération est guidée par l’analyse de données. Et sans Palantir, l’Ukraine n’aurait peut-être pas résisté aussi longtemps.
La guerre en Ukraine est la preuve ultime: Palantir n’est pas une entreprise civile, c’est un acteur militaire mondial. Et à partir de là, tout s’accélère; en 2023, Palantir décroche un contrat de 330 millions de pounds avec le NHS (National Health Service, système de santé publique du Royaume-Uni) pour une nouvelle plateforme de données fédérées. Sept ans de gestion de données de santé.
Critiques, polémiques, pétitions: rien n’y fait. Le contrat passe. En 2024, l’OTAN signe pour équiper ses armées d’une plateforme Palantir qui est le nom de code Maven Smart System; ce système d’intelligence artificielle capable d’agréger toutes les données des alliés en temps réel de l’OTAN.
Et à ce moment-là, Palantir, une entreprise privée, devient la colonne vertébrale de l’alliance militaire la plus puissante du monde qui est l’OTAN. En 2025, l’armée américaine va encore plus loin: un contrat colossal avec 10 milliards de dollars sur 10 ans pour que Palantir gère la totalité de ses systèmes de données stratégiques.
À ce stade, il n’y a plus aucun doute: Palantir est au cœur de la machine de guerre américaine. Et si l’armée américaine dépend à ce point d’une entreprise privée, qui contrôle qui? Est-ce que Palantir est l’outil du Pentagone, ou est-ce que le Pentagone est devenu l’outil de Palantir pour les données? Parce que sans elle, impossible d’exploiter les montagnes de données générées chaque seconde sur les champs de bataille modernes. Et avec elle, Peter Thiel et ses associés détiennent une puissance incroyable dans le monde entier; et en parallèle, Palantir infiltre d’autres secteurs: santé publique, immigration et même finances, avec des partenaires, avec des banques, et la lutte antiblanchiment.
Partout où il y a des données sensibles, Palantir est là, et partout le même schéma: promesses d’efficacité, gain de temps, prévention des risques, au prix d’une dépendance totale.
Et en 2025, Palantir n’est plus qu’une simple société de logiciels. C’est une entité hybride, à la fois fournisseur militaire, gestionnaire de santé publique, partenaire financier, alliée des gouvernements, et touche de près ou de loin beaucoup de conflits mondiaux. Elle gère plus de données que l’ONU; elle influence plus de décisions stratégiques que certains ministères entiers.
Si tu connais les palantiri dans l’univers du Seigneur des anneaux, ces pierres qui montrent tout mais qui piègent ceux qui les utilisent. Et aujourd’hui, les gouvernements qui signent avec Palantir croient gagner en puissance, mais en réalité, ils deviennent dépendants. Parce que sans Palantir, ils ne verront plus rien. Parce qu’en fait maintenant, ce n’est plus un simple logiciel, c’est une boîte noire, une boîte qui absorbe toutes les données qu’on lui donne et qui recrache une vérité que personne d’autre n’est capable de voir.
Donc ce qui est intéressant de se demander, c’est à quoi ça ressemble vraiment? C’est quoi Palantir, dedans? Comment ça marche? Et surtout, qu’est-ce qu’on peut faire avec Palantir?
Imagine une police locale aux États-Unis. Un meurtre? Aucun indice. D’habitude, l’enquête durerait des mois; mais là, les enquêteurs branchent Palantir Gotham. Oui, Gotham, si vous avez la référence, c’est la ville dans Batman.
Ils injectent les relevés téléphoniques du suspect, les vidéos de caméras de surveillance, ses déplacements via GPS et ses transactions bancaires. En quelques minutes, Gotham croise tout; il affiche un graphique avec des points et des lignes. Chaque point, c’est une donnée. Chaque ligne, c’est une connexion. Et d’un coup, on a tout retrouvé. Le suspect a pris un bus à 2h15 du matin. Il a envoyé un SMS à un complice, puis retiré de l’argent à 2h32. Une séquence que l’œil humain n’aurait jamais pu reconstituer à cette vitesse.
On l’avait dit un peu plus tôt en 2020, en pleine pandémie: le NHS britannique appelle Palantir à la rescousse pour gérer le problème du Covid. Avec les millions de tests, les millions de patients à hospitaliser et les stocks de masques qui disparaissent, impossible de gérer tout ça avec Excel.
Palantir déploie alors Foundry, et en quelques semaines, ils construisent une base de données nationale. Combien de lits disponibles dans chaque hôpital? Où envoyer les respirateurs et comment anticiper les zones où les cas vont exploser? Foundry a sauvé des vies mais c’est aussi la première fois qu’une entreprise privée avait accès aux données de centaines de millions de citoyens britanniques.
Et le plus terrifiant, c’est Apollo. C’est le troisième logiciel de Palantir, celui qui ne se contente pas d’analyser, mais qui déploie. Octobre 2023, Gaza. Palantir ne tire pas de missile, elle ne pilote pas de drone, elle ne prend pas de décision politique; mais en janvier 2024, Palantir signe un partenariat stratégique avec le ministère israélien de la défense pour soutenir des missions liées à la guerre.
Et d’un coup, on peut se poser la question: qu’est-ce que cette boîte américaine fait vraiment au cœur du conflit qui est l’un des plus médiatisés et des plus importants de cette planète ? Parce que ce qu’on sait, c’est que Palantir travaille directement avec l’armée israélienne.
Ces outils, Gotham, Foundry, Apollo, peuvent fusionner des masses de données: surveillances aériennes, communications, finances, et géolocalisation. Et en Europe, certains investisseurs institutionnels comme le fonds norvégien Storebrand ont coupé leurs liens financiers avec Palantir, accusant l’entreprise de faciliter une surveillance de masse pour les Palestiniens. Et au Royaume-Uni, les municipalités comme Coventry ont vu leurs contrats civils avec Palantir attaqués par des manifestants, qui dénoncent ses liens directs avec l’armée israélienne.
C’est une réalité: Palantir a mis un pied dans la guerre de Gaza. Des ONG affirment que Palantir fournit des technologies prédictives capables de profiler, surveiller et anticiper, et que ces systèmes alimenteraient les bases de données de l’armée israélienne, et que ça pourrait jouer un rôle dans le ciblage, la surveillance des populations civiles, et même les décisions militaires de l’armée israélienne.
Mais attention, jusqu’ici aucune preuve ouverte ne relie Palantir aux systèmes israéliens les plus controversés comme Lavender ou The Gospel, ses programmes d’IA de ciblage dénoncés dans la presse internationale. Ces logiciels appartiennent à l’IDF (Israël Defense Forces).
Palantir, elle, reste dans l’ombre sur la fusion et l’analyse. Ce qui dérange, c’est le flou; Palantir ne confirme rien. Elle se contente de répéter que ses outils respectent le droit international et qu’elle rejette toute complicité de crimes de guerre.
Mais du coup, si une entreprise privée fournit à une armée en guerre les outils qui permettent de trier, de cartographier, d’anticiper, est-ce qu’elle est encore neutre, ou est-ce qu’elle devient un acteur du conflit?
Israël a déjà ses propres systèmes de renseignement, mais Palantir avec son expertise et sa rapidité devient un multiplicateur de puissance. Et c’est ça le plus inquiétant, quand une guerre dépend d’un logiciel privé américain, est-ce que c’est une guerre entre deux États, ou est-ce que c’est une guerre entre des entreprises privées qui choisissent qui gagne et qui perd? Et c’est peut-être ça le vrai danger. Ce n’est pas ce qu’on sait mais ce qu’on ne saura jamais, parce que Palantir c’est une boîte noire, et une fois qu’elle est branchée plus personne ne sait vraiment ce qui se joue derrière l’écran.
L’Europe est dans le chaos. Des millions de migrants franchissent ses frontières chaque année. Les gouvernements sont incapables de contrôler ce flux, recherchent désespérément une solution; et c’est là que Palantir entre en scène. Depuis des années, l’Europe est submergée. Attentats terroristes, vagues de réfugiés, insécurité, tensions sociales et une incapacité politique flagrante à reprendre le contrôle. Donc les gouvernements se tournent vers la technologie. Et qui est le mieux placé pour voir l’invisible? Palantir.
Au Royaume-Uni, après le Brexit, Palantir s’est vu confier la gestion des flux frontaliers. Son logiciel ne se contente pas de compter les entrées et les sorties. Il analyse, croise et anticipe. Il sait qu’un individu risque de disparaître dans la nature une fois la frontière franchie. Il sait qu’un flux logistique cache des mouvements humains illégaux.
En France, la DGSI a prolongé ce contrat avec Palantir après les attentats de 2015. Et devine quoi? Une bonne partie de ces menaces venait de réseaux liés à l’immigration incontrôlée.
En Allemagne, plusieurs Länder ont voulu adopter Gotham pour leur police afin de surveiller les flux internes. Objectif: identifier plus vite les profils suspects, les faux réfugiés, les clandestins et l’immigration incontrôlée. La crise migratoire, ce n’est pas simplement une question humanitaire, c’est une guerre de l’information. Et Palantir est devenue l’arme de ceux qui veulent protéger l’Europe de l’effondrement. Car soyons clairs, sans outil comme Palantir, les États n’ont plus aucun contrôle. Les frontières sont des passoires. Les flux sont hors de portée des administrations classiques; et les migrants en profitent, organisés par des réseaux criminels qui connaissent chaque faille du système.
Là où Peter Thiel rêve de pouvoir absolu, Alex Karp lui rêve d’ordre. Il est convaincu que l’Occident est en train de s’effondrer de l’intérieur. Il parle sans cesse de violence dans les rues américaines, de guerre civile, de guerre froide, de démocratie au bord de l’explosion. Et pour lui, Palantir n’est pas seulement une entreprise, c’est sa mission, une arme nécessaire pour éviter que les sociétés ne s’embrasent.
Lorsqu’il défend Palantir face aux critiques, il a toujours la même ligne: oui, notre logiciel est intrusif, oui, il est puissant, mais si vous ne l’utilisez pas, préparez-vous au chaos. Karp se dit progressiste; de gauche; il soutenait Barack Obama. Il se dit hostile aux élites financières de Wall Street. Et pourtant, c’est lui qui fournit les outils de surveillance de masse aux polices américaines; c’est lui qui signe les contrats pour traquer les migrants avec ICE aux États-Unis; et c’est lui qui équipe la DGSI et l’armée ukrainienne.
Un homme qui critique le capitalisme sauvage mais qui dirige une entreprise côtée en bourse valorisée à plusieurs dizaines de milliards de dollars; un homme qui parle de liberté tout en construisant l’outil qui pourrait la détruire. Donc Alex Karp n’est pas un méchant caricatural; ce n’est pas non plus un PDG cupide qui ne pense qu’au profit; c’est un idéologue convaincu, un homme persuadé qu’il fait le bien, que Palantir est l’ultime protection des démocraties et que la surveillance est le prix à payer pour éviter le chaos.
Et c’est peut-être ça le plus dangereux; parce qu’un cynique, tu peux le corrompre; mais un croyant, tu ne peux pas l’arrêter.
Maintenant, j’aimerais qu’on aille un petit peu plus loin, qu’on extrapole, qu’on imagine un futur dystopique, si on veut. Le futur d’un régime qui utilise Palantir contre son peuple.
La France est fatiguée, endettée jusqu’au coup, épuisée par les grèves, les blocages, les manifs; plus personne ne s’écoute et se comprend. Il y a l’instabilité politique, aucun parti vraiment majoritaire. Il y a des alliances de fortune qui se défont au petit matin parce qu’il faut bien faire barrage à l’extrême droite, et il n’y a plus aucune cohésion nationale. C’est un pays dans lequel les villes deviennent terrifiantes, comme à Lyon, où un réfugié chrétien handicapé qui parle de l’amour de Dieu se fait assassiner à coups de machette par trois islamistes alors qu’il était en live sur TikTok, et où cette histoire ne se fait pas ébruiter. Mais c’est un meurtre christianophobe; ce n’est pas islamophobe, donc on n’en parle pas dans les médias.
L’insécurité devient le mot qui justifie tout. Insécurité économique, insécurité physique et insécurité politique. Le gouvernement est sous pression. Alors on nomme un nouveau ministre de l’intérieur, tonitruant, froid et sûr de lui; il promet d’anticiper et d’éviter le chaos à venir. Tu connais la suite, on demande des outils, on appelle ça «moderniser la sécurité». On dit «protéger la République». Au début, c’est discret. Un appel d’offres, une plateforme d’anticipation opérationnelle; rien de spectaculaire, c’est juste rationnel. Relier ce qui est déjà là, les bases de la police, les flux de transports, les permis, les aides, les amendes, les caméras, les capteurs, les drones, les réseaux publics, les réseaux sociaux, tout ce que l’État possède mais ne sait pas lire entre eux.
Mais il y a un domaine où l’État rêve encore plus de contrôle. Ce n’est pas sur les réseaux sociaux, non, c’est sur le nerf de la guerre: l’argent. Parce que tu peux retirer du cash, cacher un billet sous ton matelas, faire une transaction sans laisser de trace. Il reste une part de toi que l’État ne maîtrise pas, un espace de liberté, un espace d’ombre, et ça, il déteste. Alors la solution est déjà prête et elle arrive en octobre: les monnaies numériques de la banque centrale. On appelle ça les CBDC. Imagine l’Europe, mais digitale: plus de pièces, plus de billets, juste une ligne sur une application, gérée non pas par ta banque, mais directement par la Banque centrale européenne.
En clair, chaque euro que tu dépenses est vu. Chaque euro que tu retires est noté. Chaque transaction est enregistrée. Officiellement, c’est pour lutter contre la fraude et moderniser le système bancaire. Mais en réalité, c’est l’arme de contrôle ultime. Un gouvernement fatigué, instable, qui a déjà un outil de prédiction comme Palantir et demain une monnaie programmable.
Tu dépenses trop dans l’essence, du coup tu pollues: blocage automatique. Tu participes à une manifestation interdite: ton compte est passé en mode maintenance. Tu es jugé à risque par l’algorithme; tes paiements sont plafonnés. Et c’est comme ça qu’on commence à avoir un crédit social, mais sans qu’il soit appelé comme ça. C’est ça, le vrai rêve de ceux qui veulent anticiper le chaos; pas seulement prédire ce que tu vas faire, mais décider de ce que tu peux faire et de ce que tu ne peux plus faire.
À ce stade, tu l’as compris, le pouvoir ultime, ce n’est pas la bombe atomique. Ce n’est même plus la politique, c’est la donnée, et ceux qui la contrôlent contrôlent le monde.
Alors, qu’est-ce que tu fais, toi, là-dedans? Tu continues à attendre [de voir] ce qui se passe, et à voir en espérant que ça ne te touche pas trop? Non, parce qu’il existe une seule ligne de défense, une seule; elle ne viendra pas d’un parti, d’un gouvernement ou d’une ONG, elle viendra de toi.
Donc ça veut dire quoi, être souverain quand tout est surveillé et quand tout est traqué? Ça veut dire reprendre le contrôle sur trois choses. Ton esprit: si tu laisses ton attention, ta concentration et tes choix être dictés par des algorithmes, tu es déjà esclave. La première souveraineté, elle est mentale. Apprends à fermer les vannes. Détox de dopamine, discipline, lecture, silence, écriture; parce que si ton esprit est pollué, le reste suivra. Tu dois te cultiver.
Et ensuite, tu as le contrôle de tes données. Utilise des outils qui te protègent, des messageries chiffrées, des VPN, des alternatives aux géants qui aspirent ta vie privée; et ne pas tout donner volontairement aux réseaux, aux applis, aux services gratuits qui en réalité te coûtent ta liberté; et ce n’est pas parce que tu n’as rien à cacher qu’il ne faut pas se protéger.
Et surtout, contrôle de ton argent. Ne mise pas tout sur un système bancaire qui peut te couper tout en un clic. Comprends et gère ton cash tant qu’il existe. Comprends le Bitcoin et les alternatives décentralisées, et apprends à faire fructifier ton argent. Tu as vu ce qui arrive aux États avec Palantir? Une fois branchés, ils ne peuvent plus débrancher; c’est exactement la même chose pour toi.
Si tu donnes ton temps aux écrans, tes données aux réseaux et ton argent aux banques, tu deviens dépendant et donc contrôlable. Le seul moyen de sortir de ce jeu, c’est de créer tes propres leviers. Et la souveraineté, ce n’est pas t’isoler dans une cabane sans wifi, c’est plutôt te protéger dans ta vie quotidienne. Une discipline mentale qui fait que tu ne réagis pas à chaque choc; une autonomie financière qui ne dépend pas d’un seul employeur, d’un seul compte bancaire ou d’un seul État; et une capacité à disparaître du radar quand tu le décides.
Parce que crois-moi, le monde qui arrive n’est pas fait pour les passifs, il est fait pour ceux qui comprennent le jeu avant les autres; parce qu’on t’a montré le pire, la surveillance totale, la dépendance aux machines et la tentation du contrôle absolu, maintenant il y a une seule vraie question: est-ce que tu veux être une cible ou un joueur?
Si tu laisses Palantir, l’État, les CBDC ou les écrans décider à ta place, tu es une cible; si tu redeviens souverain, tu redeviens un joueur. Et c’est ça, le vrai luxe. Ce n’est pas les Rolex, pas les Lamborghini ou pas Dubaï. Non, non, le vrai luxe, c’est d’être incontrôlable; c’est de savoir que quoi qu’il arrive, tu gardes la main sur ton esprit, sur tes données, sur ton argent, et sur ta vie.
Parce qu’au fond la souveraineté c’est ça: ne pas avoir besoin de permission pour exister. Et si ça t’intéresse d’aller plus loin sur cette question et savoir comment la France fonce tout droit vers le chaos, je t’invite à regarder l’enquête que j’ai fait sur ce sujet il y a quelques semaines. […]
C’était Louis et à la prochaine pour un futur documentaire. Ciao!
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Pour une analyse approfondie du monde de Peter Thiel et de Palantir, il y a le travail de James Corbett sur corbettreport.com . Traduction en français d’un article de juin dernier à ce sujet :
https://dieudonnedard.substack.com/p/que-fait-palantir-en-realite
Bonjour
Merci Icaros d’avoir proposé cette vidéo de Louis . Pouvez vous me communiquer un lien afin d’en savoir plus :
« Et si ça t’intéresse d’aller plus loin sur cette question et savoir comment la France fonce tout droit vers le chaos, je t’invite à regarder l’enquête que j’ai fait sur ce sujet il y a quelques semaines. […] »
Bonjour Jacques,
voici le lien de la vidéo en question que nous avons ajouté en fin d’article:
https://www.youtube.com/watch?v=0-RZI2Ke6WA
Bien cordialement,
La rédaction d’Essentiel News